III. Sémiotisation de l’objet sonore

De la distinction établie au début de ce chapitre entre l’ordre du sonore et l’ordre du musical, nous avons donné corps à notre objet musical théorique, en tant qu’il présente des caractéristiques susceptibles d’être explicitées par des éléments pertinents de ce système. Nous l’avions de fait défini comme le résultat de l’acte analytique qui va de l’ « écouter », dirigé vers l’objet (objectif), et visant directement la matérialité (concret) au « comprendre », dirigé vers l’objet (objectif) et visant à travers lui un système signifiant (abstrait). Dans cette perspective, nous avons effectivement rendu compte des éléments qui, dans l’objet perçu, sont susceptibles de référer au système musical en tant que système signifiant. Partant, les observations que nous avons menées jusqu’ici construisent un objet chanson à la fois caractérisé par une matérialité spécifique, et par son mode d’existence comme objet musical. Or pour notre objet, cette matérialité sonore de type musical est créée dans un studio d’enregistrement, et dédiée à un usage sur support, dans des conditions d’écoute acousmatiques. Cette dimension apparaît fondamentale pour la chanson, « produit fini », qui relève, comme le dit Authelain, de la « production proprement sonore » :

‘« [Les éléments marquants d’une chanson] ne sont, bien sûr, pas d’abord ceux relevant du texte, mais de la production proprement sonore : le timbre de la voix, la façon de poser les mots, de les lancer, de les retenir, de les faire vibrer ; le registre des instruments utilisés tout autant que l’emploi qui leur est assigné pour asseoir l’harmonie, leur timbre, leur mode de jeu. Tous les musiciens diront aujourd’hui que l’importance pour eux est d’abord le son, ceux qui utilisent le secours de l’électrification et de l’amplification tout autant que ceux qui demeurent dans le jeu acoustique. »311

Par conséquent, proposer une sémiotisation de l’objet sonore global chanson implique une première démarche : prendre en considération cette troisième dimension de « son enregistré », et lui offrir un statut sémiotique susceptible d’être pertinent pour nos analyses. Enfin, une seconde et ultime investigation nous semble nécessaire pour aborder l’ensemble des propriétés de l’objet perçu, elle concerne la Voix : à la fois musicale, dans ses valeurs mélodiques, sonore dans son individuation substantielle, et inhérente à la singularité de chaque chanson. Nous proposerons donc en dernier lieu une réflexion liminaire sur le statut sémiotique de la voix en chanson, et son traitement dans nos analyses.

Notes
311.

Authelain : 1998 : 31.