2. La voix

Nous avons précisé au chapitre précédent que notre appréhension de la voix dans notre travail recouvrait deux niveaux : la voix-substance, en tant que matérialité sonore et musicale ; la voix-notion, dans sa pertinence sémiotique. En effet, dès lors que l’on considère la voix comme manifestation de l’énoncé et manifestation de l’énonciation, on l’envisage, selon les termes de De Chanay, comme l’ « expression incarnée » de la « parole en acte ».329En outre, en choisissant d’écarter de notre terrain d’investigation la dimension sémio‑linguistique des textes, nous écartons en même temps une analyse de la voix chantée en tant qu’elle manifeste la dimension verbale des chansons, autrement dit, en ce qu’elle est la manifestation d’un contenu verbal articulé. Cette appréhension nécessiterait, dans un autre travail, une étude des phénomènes qui construisent le sémantisme vocal, en relation avec le sémantisme lexical330. Nous avons conscience que cette dimension est primordiale dans les chansons, mais nous avons justifié notre choix de l’écarter : cela nous a permis de construire une attitude analytique que nous estimons plus proche de l’attitude d’écoute d’un auditeur dans sa pratique itérative et distraite des chansons, et donc de nous offrir ainsi la possibilité de mettre en évidence des modes du sens émergeant autrement et ailleurs que dans cette dimension verbale régissante. Dans ces conditions, nous expliquons ici, en préambule, quelle place nous assignons, dans le cadre restreint de notre recherche, à la voix.

Notes
329.

De Chanay, 2002.

330.

Ce travail a été tenté dans les recherches, peu nombreuses, consacrées à la chanson en tant qu’objet syncrétique. Nous avons cité notamment Beaumont-James, dans son ouvrage Le français chanté ou la langue enchantée des chansons, qui traite spécifiquement des corrélations entre voix chantée et voix parlée. De même, les contributions de l’école de Tatit évoquent également la voix, au regard de sa dimension mélodique et de son rapport à la dimension verbale.