2.2.Structure et signifiance : Berceuse insomniaque (Paris Combo)388

Selon notre hypothèse, dès lors qu’il existe des règles implicites qui fonctionnent pour l’auditeur comme un canevas d’appréhension des chansons, une structure originale porte potentiellement dans ses fonctionnements des indices signifiants, que l’auditeur perçoit au travers des stratégies de cohérence, dans l’instauration qu’il fait de la totalité signifiante. Nous proposons donc d’examiner en deuxième analyse les fonctionnements de l’unité discursive dans une chanson structurellement « déviante », c’est-à-dire dont la structure globale diffère de la structure archétypale que nous venons d’étudier, afin d’examiner dans quelles mesures cette structure constitue en elle-même un mode d’émergence du sens. Il s’agira d’observer comment les phénomènes de progression et de rétroaction s’y manifestent et d’en tirer des conclusions quant à la cohérence discursive que peut établir l’auditeur. Parmi les chansons du corpus à structure non classique, nous avons choisi la chanson Berceuse insomniaque. Cette chanson nous paraît intéressante sur les points suivants : elle ne manifeste pas de refrain détaché fixe ; les thèmes en présence ne subissent pas de hiérarchisation quant à leur fréquence d’apparition ; le processus conclusif ne semble pas structurellement manifesté (pas de réduction, ni de coda). Nous utilisons pour cette analyse la même démarche que précédemment ainsi que les mêmes outils de représentation.

Cette chanson présente une structure globale a priori moins explicite que dans la chanson précédente. En effet, si nous appliquons la segmentation première, au regard du critère absence vs présence de la voix chantée, nous obtenons un premier niveau de discrétisation tel que :

Notons d’emblée que là où la chanson précédente présentait six points de la chaîne sonore repérables dès ce premier niveau de segmentation, cette chanson n’en présente que trois, et ce pour une durée totale quasi identique (3mn38 pour Les yeux de ma mère ; 3mn20 ici). Par ailleurs, entre le point 1 et le point 2, il s’écoule 1mn50, pendant laquelle aucun connecteur ne jalonne le continuum sonore. Néanmoins, l’écoute de la chanson ne laisse aucun doute quant à la subdivision des parties T, présentant au niveau de segmentation inférieur, deux paradigmes A et B, l’ensemble s’organisant de la façon suivante :

Cette segmentation aisée de second niveau est notamment due à la dimension mélodique de la voix chantée. En effet, dans cette chanson, le caractère à l’évidence lyrique de la mélodie et du geste vocal favorise la mise en valeur des pauses et autres segmentations du discours musical. Dès lors, ce n’est pas tant la construction des paradigmes qui est en jeu pour la saisie de la cohérence du discours que les rapports qui s’instaurent entre eux.

Dans une démarche identique à celle menée précédemment, nous avons donc observé quels sont les modes de gestion des éléments musicaux qui permettent à la fois la constitution des paradigmes, l’unité de la totalité audible et le processus de déroulement du syntagme global. Nous avons par conséquent consigné les différents renvois afin d’en étudier leur modalité de fonctionnement. Voici le schéma que nous obtenons :

Notes
388.

Berceuse insomniaque (Paris Combo), voir annexe, doc. 10, p. 403.