4. Une discursivité musicale téléologiquement ordonnée 

Nous avons examiné jusqu’ici deux des pôles pertinents au travers desquels nous estimons que la nature structurale d’une chanson prend corps : l’unité discursive et la gestion du temps musical. Le troisième pôle que nous avions mentionné concerne la mise en place d’une discursivité musicale téléologiquement ordonnée, au travers des fonctions clés des connecteurs. Les connecteurs, du fait qu’ils apparaissent au premier niveau de segmentation de la chaîne sonore, construisent en effet un cadrage de la totalité audible : ils se manifestent à des moments clés, lui offrant ainsi un début, une fin, et une organisation paradigmatique de ses développements.

Les analyses menées ont montré quelques modalités ayant trait à la signifiance téléologique de ces paradigmes, notamment au travers des phénomènes de progression et de rétroaction mis en avant dans la partie concernant les fondements de l’unité discursive. Les développements thématiques, les variations, les intégrations, sont autant d’aspects de cette même finalité : manifester la progression temporelle du discours, et partant produire une direction qui mène à un aboutissement. Par ailleurs, le statut sémiotique des connecteurs différant des autres paradigmes, dans la mesure où ils ne sont généralement pas syncrétiques, l’on peut estimer que leur pertinence sémiotique est difficilement appréhendable en dehors du discours qu’ils ordonnent, du fait qu’elle ne peut s’aborder qu’en relation avec lui. Par exemple, la coda de la chanson St Vincent est pertinente du point de vue des modes d’émergence du sens, dès lors qu’elle manifeste un traitement métrique marqué qui, exposé dans ce qui n’est autre qu’une conclusion, entérine des perceptions antérieures quant à l’exploitation métrique dans la chanson. Dès lors, elle constitue par rétroaction un élément primordial de cohérence pour l’appréhension globale de sa métrique. Partant, s’ajoute à cette fonction syntaxique d’ordonnancement du discours, une fonction sémantique qui y est étroitement liée : un début annonce quelque chose du fonctionnement sémiotique global de ce qui va être entendu, en tant qu’il constitue l’ouverture de l’acte énonciatif ; de même, une coda sanctionne l’acte énonciatif, en tant qu’il en constitue la clôture. Quant aux ponts, leur fonction est effectivement avant tout celle d’une liaison entre les groupements des paradigmes, ce qui n’exclut pas, dans certains cas, un marquage musical significatif, au regard des parties qu’ils lient, et de leur moment d’apparition dans la chaîne sonore.

Dans ces conditions, nous poserons ici des observations générales liées à la forme musicale globale que peut prendre cette signifiance téléologique dans l’ensemble des chansons du corpus, et ce en dehors des implications discursives pour la construction du sens de chacune, réflexions qui trouvent, comme jusqu’à présent, naturellement leur place dans nos analyses.