1.4. La conscience et l’accès au sens

Alors que l’individu sait qu’il se trouve dans un environnement simulé, le système cognitif se laisse duper, jusqu’à parfois engendrer le même type de réactions que dans le monde réel. De plus, au regard des différentes définitions de la Présence que nous avons exposées auparavant, nous devons constater que la simulation ne doit pas uniquement leurrer le système perceptif, mais aussi une partie de la conscience de l’individu. Ceci nous amène à poser la question de la conscience mais aussi de l’accès au sens. En effet, avoir conscience peut être considéré comme le fait de donner un sens à la perception que nous avons de notre environnement. Donner un sens à une perception peut alors être compris comme le fait d’acquérir une intime conviction relative à cette même perception. Ainsi l’existence même des objets est une intime conviction issue des perceptions sensorielles (visuelles, tactiles,…). L’être humain acquiert donc au cours de sa vie un réseau de sens qui structure ses connaissances et ses apprentissages. Ce réseau relie les différentes connaissances relatives aux objets perçus par des liens et des relations. Alors toute perception active un sous-ensemble du réseau qui correspond à son sens. Cette notion de réseau de connaissances et de sens rappelle la notion de réseaux sémantiques introduite par Quillian en 1968.

Le réseau de sens s’appuie donc sur des « faits élémentaires », des intimes convictions, à partir desquelles se développent ensuite des inférences et des apprentissages. Cependant ces intimes convictions sont construites sur la base du point de vue de l’observateur, c'est-à-dire celui qui perçoit en tant que sujet unique et localisé dans la scène. Cette conception est proche de la notion de qualias, basée sur le questionnement : « qui regarde », « qui ressent », « qui entend »… les qualias sont définis par les impressions subjectives associées aux perceptions, et correspondent à la prise en compte des stimuli par la conscience (Quillian, 1968, puis Casati 1999). Il est en fait possible de les considérer comme des codages des impressions subjectives destinés à être traités par la conscience. Les impressions subjectives sont donc supposées influencer les processus conscients. Or il existe aussi des processus non conscients. Une autre appellation de cette dichotomie conscient/non conscient étant l’opposition entre processus explicites et processus implicites.

Ainsi la notion de fidélité psychologique, décrite dans la section 1.1.1, et l’obligation pour l’environnement virtuel de leurrer le système cognitif pour engendrer un sentiment de Présence peuvent renvoyer au fait que la simulation doit permettre d’induire des processus automatiques non conscients, qui seraient normalement mis en jeu dans un réel environnement équivalent. Ces processus doivent être engendrés malgré la conscience du sujet de se trouver dans une simulation. Or, ce sont bien les impressions subjectives, les qualia perçus et ressentis par le sujet dans la simulation, qui vont permettre à l’utilisateur, ou observateur, de s’imprégner de l’environnement pour finalement s’y sentir présent. Ce sont alors les mécanismes cognitifs impliqués qui peuvent expliquer comment le sentiment de Présence peut émerger, jusqu'à faire croire au système cognitif complet qu'il se trouve dans un lieu réel équivalent.