3.1.1. Mécanismes intervenant dans la perception d’un paysage

Plusieurs mécanismes interviennent lors de la perception d’une scène paysagère.

La pratique paysagère (Cheneaux, 2003) considère que l’image est perçue en deux temps. Il y aurait tout d’abord une perception affective et instinctive, c’est-à-dire très subjective, liée au vécu de l’observateur, puis une perception analytique. Cette dernière, consciente, décrypte les formes qui composent la scène pour en formuler une interprétation (Virion, 2002).

Le paysage en tant qu’objet visible est structuré par des lignes, sa perception est régie par des règles. Depuis la Rome antique, on admet qu’une division des espaces en parties inégales produit un effet agréable et esthétique lorsque le rapport entre la plus petite et la plus grande partie équivaut au rapport entre la plus grande partie et le tout. En pratique, il apparaît qu’un partage dissymétrique d’une image lui confère un côté dynamique, tandis qu’un partage symétrique donne un sentiment de calme.

Classiquement, l’image paysagère est composée de différents plans. Toutes les images ne sont pas riches de tous les plans possibles. Il peut y en avoir cinq types : avant plan, premier plan, plan intermédiaire, arrière plan et lointain, mais on dénombre toujours au moins deux plans pour représenter la réalité, laquelle est en trois dimensions. Les trois plans principaux (généralement les plus représentés) sont :

1) Le premier plan, qui interpelle directement l’observateur. La proximité de ce niveau permet de décrire les détails de la composition.

2) Le plan intermédiaire, à partir duquel le paysage se simplifie et s’épure. C’est le niveau de compréhension de l’organisation du paysage.

3) L’arrière plan qui détermine la perception de l’ensemble. S’il est composé d’un relief affirmé, il structure la vision de la scène.

Il est nécessaire de noter l’importance de la ligne d’horizon qui sépare la zone de terre et la zone de ciel. De façon symbolique, cette ligne évoque l’infinie, ainsi que la ligne d’horizon théorique à partir de laquelle on peut diviser le paysage en deux sous-ensembles (Virion, 2002). La perception des éléments de la scène serait différente selon que l’observateur se trouve en-dessous ou au-dessus de cette ligne.

Les différentes études menées sur les préférences paysagères, par opposition au concept d’évaluation objective des paysages, apportent quelques éléments pour la compréhension des mécanismes liés à la perception des scènes visuelles. Ainsi, dans la pratique, perception et préférence semblent très difficiles à dissocier. Face à une scène paysagère, l’être humain fait appel à sa mémoire et donc à ses souvenirs. Il utilise ses références personnelles, c'est-à-dire son expérience du paysage et ses représentations qu’il peut avoir acquises, elles-mêmes résultats des empreintes des lieux où il a vécu, ou bien dont il a pu prendre connaissance à travers diverses voies de communication (Champelovier & Guérin, 2002). Par conséquent, la perception visuelle d’un paysage est dépendante des variables personnelles, culturelles, socio-économiques, voire géographiques de l’observateur (Dearden, 1984 ; Breman, 1993).

Nombre de textes sur l'appréciation des préférences paysagères révèlent que les participants et leurs caractéristiques constituent le plus grand facteur de variation de l'évaluation (Bourassa 1988, Breman 1997) et soulignent l’importance du biais de familiarité. Ainsi l’évaluation d’un paysage est toujours plus favorable si celui-ci ressemble au lieu où le participant a vécu ou grandi (Dearden 1984). En fait, la «qualité» d’un paysage fait référence à une valeur et donc a une estimation personnelle et subjective, elle-même liée à l’estimation esthétique du paysage selon l’observateur.

Cependant, la psychologie cognitive considère la perception comme une activité réelle, au sens de "situation active", c'est-à-dire faisant intervenir plusieurs mécanismes. L'enchaînement et les imbrications de ces processus conduisent de la stimulation à la prise en compte de l’objet perçu. Notre perception du monde est constituée des différentes informations, définies par les différentes modalités de notre sensibilité réceptive. Ainsi, Streri (1993) définit les modalités sensorielles comme les systèmes permettant de capter les informations du monde extérieur. En effet, l’environnement, le milieu qui nous entoure, et que nous ressentons, est plurimodal. Il est à la fois visible, sonore, odorant, et proprioceptif. Toutefois, il est aussi important de noter que la perception que nous en avons est limitée aussi par les capacités sensorielles des individus (Martin, 1995).