Discussion Générale

1.Rappel du thème de recherche et des objectifs

En psychologie cognitive comme en psychologie de l'environnement, la Réalité Virtuelle constitue à la fois un outil et un objet de recherche.

Dans cette thèse, nous avons essayé de mieux comprendre comment assurer la pertinence de l'utilisation des environnements virtuels dans le cadre des études de perception de l'environnement, afin de déterminer leurs apports et leurs limites pour aider à prévoir la perception et les réactions d'un sujet humain face à une même situation dans la réalité.

Du point de vue plus précis de notre champ d'application, notre objectif visait à définir dans quelle mesure il est possible d'anticiper et de prévoir, grâce aux simulations d'environnements en laboratoire, les réactions des résidants d'un espace devant être modifié par l'implantation ou les modifications des aménagements d'une infrastructure de transport. Ainsi, il nous fallait déterminer quels types de simulation sont les mieux adaptés pour induire la meilleure mise en situation possible pour les études d'évaluation des impacts environnementaux des transports. Le but était finalement de déterminer si le LSEE, laboratoire de Simulation et d'Evaluation de l'Environnement, permet ou non de rendre compte fidèlement, d’un point de vue perceptif, d’une réalité donnée. En effet, si le travail expérimental en laboratoire est un complément aux études in situ, la critique essentielle formulée à l’égard des différents résultats obtenus réside dans le décalage supposé entre exposition et réponse comportementale dans la réalité, et exposition et réponse comportementale en laboratoire.

Les différents écrits sur les Environnements Virtuels, la Présence et l’Immersion sont récents, mais considérables. Toutefois, les disciplines et champs d’investigation, très divers, considèrent chacun un élément différent comme central.

Nous avons donc dû nous positionner : le concept clé est, de notre point de vue, le sentiment de Présence. Celle-ci est un phénomène psychologique, dépendante de la cognition du sujet. Et, dès le moment où l'Environnement Virtuel est d'un réalisme considéré comme au minimum acceptable, c’est bien à la seule condition que l’utilisateur de la simulation croit « être dans le site simulé », que l’expérimentateur peut observer en laboratoire un comportement semblable à celui qu’il aurait pu observer dans la réalité. C'est le sentiment de Présence du sujet dans la simulation qui engendre la perception du virtuel comme s'il était réel. Nous avons donc focalisé notre travail sur ce thème, ceci malgré les nombreuses théories portant sur l'interaction, car celles-ci étaient contradictoires avec les possibilités du simulateur utilisé et donc avec certaines des hypothèses formulées.

En effet, la littérature dans ce domaine fait, le plus souvent, état de recherches en environnements immersifs, et en environnements semi-immersifs avec lequel l'utilisateur peut interagir. Plusieurs auteurs considèrent d'ailleurs que l'interaction est nécessaire et indispensable à l'induction du sentiment de Présence. Cependant, lorsqu'il est chez lui, le riverain d’une infrastructure de transport n’a aucune prise directe sur son environnement extérieur (sauf lorsqu'il ferme ou ouvre fenêtres, volets ou rideaux, ou encore lorsqu'il change de pièce - car il change alors de point de vue - mais sans jamais pouvoir agir sur le trafic). Une mise en situation réaliste, écologique et adaptée doit aussi rendre compte de cette spécificité.

De plus, la possibilité d'interagir avec un environnement virtuel implique le plus souvent un appareillage de l'utilisateur (visio-casque, gant ou combinaison avec capteurs, manette d'activation – type joystick – etc…). Or, il nous semble que tous ces accessoires constituent un frein à l'immersion et à l'émergence du sentiment de Présence dans un environnement virtuel. L'utilisateur est déjà conscient d'être dans un environnement virtuel, il sait que ce n'est pas la réalité, et se laisse pourtant "duper" par la simulation. Cependant, lorsqu'il est appareillé, se laisser convaincre par la simulation est moins facile. Ainsi, ce travail de recherche sur la perception de l’environnement s'est déroulé dans un milieu pleine échelle, mais semi-immersif non interactif. Ce qui représentait une démarche novatrice.

D’un point de vue méthodologique, nous avons essayé d’élaborer un paradigme permettant de mesurer objectivement la présence ressentie face à un environnement virtuel. Parmi les travaux menés sur la perception de l'environnement, certaines portent sur le bruit, d'autres sur le paysage, mais très peu sur les interactions entre les informations visuelles et sonores dans la perception des impacts environnementaux des transports. Mais, dans tous les cas, les données issues de ces différentes recherches sont majoritairement basées sur des entretiens ou des questionnaires d’auto-évaluation, lesquels ne permettent pas toujours une évaluation objective de l’état des participants. Aucune de ces recherches n’a jusqu’à présent utilisé de méthode implicite pour évaluer plus objectivement cet état, c’est-à-dire sans demander directement aux sujets de le décrire explicitement. Notre premier objectif était donc de mettre en place des méthodes indirectes pour mesurer la Présence dans des Environnements Virtuels.

Le deuxième objectif de ce travail était de déterminer les différents types d’Environnements Virtuels pouvant être utilisés dans un laboratoire de simulation de l’environnement, et surtout de spécifier lequel permet la meilleure induction du sentiment de Présence, c’est-à-dire celui étant le plus adéquat pour recréer le sentiment d'être dans un environnement réel.

Concernant la méthode, nous avons fait l’hypothèse que le milieu, et plus généralement la situation, dans laquelle se trouve le sujet implique l’activation de représentations en lien avec cette situation. Ainsi, nous avons fait l’hypothèse que, dans une tâche de catégorisation d’images représentant des éléments naturels ou artefactuels en lien ou non avec l’environnement dans lequel les sujets devaient s’immerger, les performances devraient être supérieures pour les images en lien avec la situation, que cette situation soit réelle (au domicile) ou virtuelle (au laboratoire LSEE). Ceci, à condition que le film projeté aux sujets soit suffisamment efficace pour induire un sentiment de présence dans l’environnement réel.

Une autre mesure originale a été testée pour évaluer l’efficacité des films. L’hypothèse était que plus la simulation permet rapidement d'éprouver un sentiment de présence, moins le sujet aurait besoin de mobiliser son attention pour s’imaginer dans la scène. Ainsi l’efficacité de la simulation a été évaluée dans un paradigme de type « double tâche » : pendant que les participants essayaient de s’immerger dans la situation, ils devaient réagir le plus rapidement possible à l’apparition de bips sonores présentés à intervalles irréguliers.

Concernant les simulations, trois types de films ont été comparés : un film vidéo, un film de réalité augmentée et un film de Réalité Virtuelle. La question était de savoir si une des simulations induit un plus fort sentiment de présence dans l’environnement que les autres, et permet ainsi de reproduire des performances plus superposables et comparables à celles observées dans la réalité.

Pour évaluer l’efficacité des simulations au LSEE, un groupe de riverains a été testé à domicile et en laboratoire, afin non seulement de comparer les films entre eux (au laboratoire) mais aussi et surtout d’évaluer l’efficacité relative des films présentés en laboratoire pour simuler la réalité (comparaison laboratoire/domicile).

Enfin les mêmes tests ont été réalisés sur un groupe de non riverains appariés aux riverains (sur les critères âge, sexe et CSP). Il s’agissait ici, par la comparaison de ces deux groupes, riverains/non riverains, non plus de tester l’équivalence de la simulation et de l’environnement réel, mais de vérifier la possibilité de prévoir l’impact d’un environnement futur à partir d’observations faites en laboratoire avec des Environnements Virtuels.