L’élaboration du questionnaire19

La posture méthodologique présidant à l’élaboration des questions fut, dans un certain nombre de cas, de dépasser les catégories habituellement admises pour s’attacher aux pratiques mêmes des enquêtés. L’objectif était ici de dépasser les présupposés de certains découpages qui ne nous semblaient pas adéquats pour observer cette population spécifique. Ainsi, par exemple, un travail de réflexion et de déconstruction important fut mené autour de la notion d’activité des jeunes adultes de 18 à 30 ans. À la place du choix disjonctif entre la modalité « en formation » et celle d’ « actifs en activité », nous avons pris le parti de faire préciser si une formation était actuellement suivie et le temps hebdomadaire consacré aux cours d’une part et au travail personnel d’autre part. Par ailleurs, il était demandé de préciser si une activité professionnelle était exercée et le temps hebdomadaire consacré à cette activité. Sur la base des conventions utilisées notamment par l’INSEE, nous avons fixé à au moins un mi-temps la borne à partir de laquelle les questions concernant l’activité professionnelle seraient posées. Dans le cas contraire, nous avons considéré qu’il s’agissait d’un « petit boulot », et une autre série de questions y étaient associées. Cet exemple montre l’attention que nous avons eu à ne pas partir des déclarations de situations faites par les personnes (les travailleurs débutants se classant très souvent spontanément comme actifs alors qu’ils n’effectuent, par exemple, que 3 heures de baby-sitting par semaine) mais de partir de leurs pratiques pour opérer une classification.

Un travail de déconstruction important a également été mené sur la question des relations avec chacun des parents. Ce point mérite d’être souligné car il engage pour partie la teneur des réponses. De plus, le présupposé qui sous-tend ce choix est important à expliciter.

La logique qui a prévalu à l’élaboration des questions portant sur les échanges relationnels avec les parents était de distinguer systématiquement ceux en direction de la mère et ceux en direction du père. Ainsi, les communications téléphoniques et les visites aux domiciles de l’enquêté ou des parents ont été recensées séparément pour le père et pour la mère. Si cette distinction va de soi pour les enfants issus de parents séparés, cette déconstruction n’est pas l’évidence pour la plupart des autres jeunes adultes. Il fallait d’une certaine façon rendre comparable des pratiques dans des contextes relationnels différents. Toute la difficulté résidait dans le fait qu’il ne fallait pas imposer des possibilités de réponse qui soient en dehors des réalités des enquêtés, tout en poursuivant l’objectif de rendre comparables des situations historiquement et concrètement distinctes. Nous avons tranché pour le recueil à plat et interindividuel des échanges relationnels, car l’important était de recenser les pratiques effectives au plus près de la réalité. Nous n’excluons pas pour autant la part de subjectivité des réponses, dont nous signalons la prise en compte au cours de l’analyse. Néanmoins, la distinction demandée entre les relations avec le père et celles avec la mère est susceptible d’avoir apporté plus d’informations, même subjective, que si l’interrogation avait porté sur l’entité « parents ». Au pire, nous le voyons dans l’analyse des données, les jeunes adultes ont répondu la même chose pour leurs deux parents lorsque cette distinction leur était trop étrangère, au mieux ils l’ont opérée, ce qui constitue un surcroît d’information. Globalement, l’objectif de cette démarche était de ne pas prescrire les normes concernant la famille en les utilisant comme catégorie de recueil des données, mais bien d’aborder les pratiques avec le moins de présupposés possibles, comme nous l’avons fait par exemple pour la question de l’activité professionnelle des adultes explicitée précédemment.

Par ailleurs, nous avons utilisé un petit nombre de questions présentes dans les grandes enquêtes afin de pouvoir, lors de l’analyse, opérer une comparaison de nos résultats.

Dans la mesure où la multiplicité des situations, tant en termes de résidences qu’au niveau des situations de formation ou de professions pour la population concernée (les jeunes adultes de l’agglomération lyonnaise ayant entre 18 et 30 ans inclus) a été appréciée au plus près, la complexité engendrée au niveau de la trame générale du questionnaire est très importante.

En particulier, nous avons été dans l’obligation d’adapter la place des questions suivant les réponses apportées en question de départ. Par exemple, entre les cohabitants, autrement appelés « enfants d’une famille », et ceux qui occupent un logement indépendant du domicile parental, les informations concernant les ascendants pouvaient soit figurer au niveau des personnes composant le ménage (pour les cohabitants), soit se placer à la fin du questionnaire au même endroit que les informations plus spécifiques aux parents.

Ce type de difficulté était loin d’être isolé et il a fallu multiplier les sous-populations à l’intérieur du questionnaire tout en conservant, dans un souci de comparaison et de fusions ultérieures, des formulations de questions communes.

L’ordre des questions n’a donc pas toujours été le même suivant le profil de la personne enquêtée. La programmation logique de ces cheminements a présenté un travail considérable, tout changement de place d’une question, toute avancée dans la précision d’un profil de personne entraînant des modifications en cascade en aval du questionnaire.

Notes
19.

Les éléments suivants qui présentent le contenu de l’enquête par questionnaire sont essentiellement tirés du rapport final rendu au Conseil Régional, principalement rédigés par nos soins sur ce point en particulier [Bensoussan, Baccaïni, Hamant, Goutte, 2003]