Quels liens entre les formes d’accès à l’autonomie matérielle et l’histoire matrimoniale des parents ?

Comment la séparation des parents peut-elle avoir des conséquences sur la gestion de dimensions comme l’accès à l’autonomie financière ? L’autonomie financière, comme l’autonomie résidentielle, se construit au regard de la dépendance vis-à-vis des parents. Il s’agit donc bien d’enjeux familiaux : ce ne sont pas seulement les jeunes adultes qui prennent leur indépendance. Les parents sont également des acteurs de ce processus, profitant de cette période pour inculquer un certain nombre d’éléments éducatifs dans la façon de gérer cette transition. Par exemple, ce sont les parents qui décident du montant et de la forme du budget, même s’ils ne l’établissent pas forcément seuls. En d’autres termes, le processus d’autonomisation des jeunes adultes implique de façon étroite les parents comme les jeunes adultes, et c’est en cela que ce changement doit se concevoir à partir du régime relationnel, entendu du point de vue des attentes de chacun et de la circulation des ressources.

Nous faisons l’hypothèse que l’on ne s’autonomise pas de la même façon suivant que l’on est issu d’une famille où les parents se sont séparés que lorsqu’ils vivent ensemble. Au moins deux éléments, qui relèvent directement des conséquences sociales de la séparation des parents, apparaissent comme structurants ce processus :

- les possibilités de financement des parents ne sont pas les mêmes suivant leur parcours matrimonial [Villeneuve-Gokalp et Léridon, 1994 ; Martin, 1997], alors que l’on sait que ce sont des dimensions qui structurent pour partie l’aide financière apportée aux jeunes adultes [Cicchelli, 2001 ; Pitrou, 1992] ;

- l’expérience de la nécessité d’occuper une position professionnelle, en particulier pour les mères séparées, majorerait l’importance de la question de l’indépendance financière.

A cela, il faut ajouter les dimensions qui relèvent plus volontiers des représentations, à savoir l’objectivation des relations de filiation dans le cas des séparations. La rupture du lien conjugal amènerait les jeunes adultes qui y ont été confronté à remettre en question le lien qui les unit à chacun de leurs parents. Cela tendrait à mettre sur un même plan chacun des membres de la famille nucléaire dans la généalogie familiale. Autrement dit, la fonction parentale et la « fonction » d’enfant seraient minimisées et le fonctionnement familial moins vertical. Ce glissement dans les représentations ne peut être sans lien sur la façon dont s’organise l’accès à l’autonomie financière et la mobilisation des ressources parentales « en nature » des jeunes adultes.