Aide financière et revenus parentaux : de la difficulté d’aborder l’indicateur « revenu des parents » en cas de séparation

Le revenu des parents est un élément fondamental dans le fait d’accorder ou non une aide financière régulière à ses enfants lors de leur entrée dans la vie adulte38. L’argent disponible dans le ménage est ainsi un critère des plus structurants. Mais il est difficile d’analyser à situation économique égale la propension des parents à aider leurs descendants suivant leur situation matrimoniale.

Tout d’abord, il ne nous est pas possible d’ajouter des tranches de salaire telles que nous avons recueilli l’information afin de constituer le budget des couples mariés. Même si nous contournions cette difficulté par la constitution d’un indice, quelle valeur aurait le même indice pour les parents séparés alors que leurs frais ne sont pas les mêmes et que les revenus des potentiels nouveaux conjoints seraient alors à prendre en compte le cas échéant ? La séparation des parents implique également une séparation des revenus, mais non une division par deux des dépenses liées à la vie quotidienne (logement, nourriture, etc.). Quels revenus comparer à propos des parents séparés par rapport aux parents mariés ?

Ensuite, le taux important de non-réponses concernant en particulier les revenus des pères séparés introduit un biais majeur qu’il est difficile de contourner. La plupart de ces non-réponses correspondent aux pères qui n’ont plus de relations avec leurs descendants, lesquels ne leur octroient pas non plus d’aide financière régulière. Il s’agirait donc de produire des résultats sur la base de ceux qui sont en contact, ce qui ne constitue qu’une part très particulière des situations observées.

Enfin, faudrait-il comparer, en cas de séparation, l’aide du père en fonction de son revenu d’un côté, l’aide de la mère par rapport à son revenu de l’autre ? Cette position serait tenable si l’on cherche à savoir quel rapport il peut y avoir entre la propension à donner quant on est parent en fonction de ses possibilités financières. Mais ce serait occulter la possibilité d’un accord entre le père et la mère, même après la séparation, sur le rôle de chacun en fonction de ses possibilités. Or, bien que la coordination soit probablement bien moins importante que lorsque les parents vivent ensemble, nous ne pouvons faire le postulat d’une complète étanchéité entre les pratiques du père et celles de la mère en ce qui concerne l’éducation de leurs enfants. Contourner cette difficulté en observant la part des jeunes adultes aidés, quelle que soit la provenance de l’aide, n’offrirait qu’un résultat en trompe-l’œil. En effet, dans un certain nombre de cas, l’on pourrait par exemple observer que le jeune adulte est aidé lorsque le revenu du père est faible, ce qui nous amènerait à conclure à l’investissement des pères séparés dans l’éducation de leurs enfants malgré leurs difficultés financières, alors qu’il s’agirait d’une aide maternelle. Nous n’interrogerions plus, de ce fait, les effets de structure à proprement parler.

Aussi, l’analyse à partir des revenus des parents, pour séduisante qu’elle soit, ne peut être menée à bien de façon rigoureuse si l’on compare les comportements des parents suivant leur situation matrimoniale. Elle a en revanche l’avantage de susciter une réflexion autour de la complexité des dimensions auxquelles sont confrontés les parents séparés dans la gestion de leur rapport à l’aide financière qu’ils sont en mesure d’apporter d’une part, et les enjeux aussi bien à l’égard des moyens d’existence de leurs descendants que de la recherche d’équité avec l’autre parent d’autre part.

L’approche de la propension à aider est en revanche plus aisée à analyser à partir d’éléments du capital culturel des parents, lesquels sont portés par les individus eux-mêmes et ne constituent pas des éléments dont le transfert serait support d’appauvrissement de la part du donateur.

Notes
38.

Voir Tableau 63 en annexe de la part des jeunes adultes aidés financièrement suivant le revenu des pères.