Des comportements maternels différents suivant leur situation matrimoniale

En quoi la séparation des parents vient jouer un rôle dans la propension maternelle à aider financièrement son descendant ? Deux points de vue peuvent être adoptés : celui de la mère en tant que donatrice, et celui du jeune adulte, qui reçoit ou non une aide financière de ses parents. Il peut alors s’agir d’une aide de son père, de sa mère ou de ses deux parents.

Si l’on se place du point de vue maternel, le niveau de diplôme ne joue pas de la même façon suivant qu’elle est ou non séparée. Remarquons au préalable que la part des mères qui aident financièrement leurs enfants est plus importante lorsqu’elles sont mariées que lorsqu’elles sont séparées, alors même que la structure des niveaux de diplôme est très semblable pour les deux situations matrimoniales40. Pour chaque niveau de diplôme, la part des mères séparées qui apportent un soutien économique régulier à leur enfant est inférieure à celle des mères mariées.

Tableau 8. Part des jeunes adultes aidés financièrement par leur mère suivant la situation matrimoniale et le niveau de diplôme de celles-ci (%)
Niveau d’étude des mères aide financière de la mère séparée aide financière des parents mariés
< Bac 11 19
Bac  25 30
études sup. 35 44
Ensemble 20 28

N =754

Ces résultats laissent supposer qu’à niveau de diplôme équivalent, les possibilités économiques des mères ne sont pas les mêmes. Elles ne sont pas personnellement en mesure de fournir une aide financière régulière à leur descendant suite à la baisse de leurs moyens de subsistance consécutifs à la rupture [Villeneuve-Gokalp et Léridon, 1994 ; Martin, 1997]41.

Si l’on se place du point de vue du jeune adulte, les situations auxquelles elles sont confrontées diffèrent suivant leur niveau de diplôme. Tout niveau de diplôme maternel confondu, soulignons tout d’abord qu’en moyenne, la part des jeunes adultes aidés est équivalente, soit environ 27 %42. Mais l’analyse détaillée par niveau de diplôme des mères nous montre que lorsque celui-ci est inférieur au baccalauréat, la part des jeunes adultes aidés financièrement par leurs parents reste inférieure quand ils sont séparés. En revanche, celles qui sont titulaires du baccalauréat voient leur descendant bénéficier plus souvent d’une aide économique des parents lorsqu’elles sont séparées, écart qui s’accentue encore lorsqu’elles sont diplômées de l’enseignement supérieur. Cette tendance montre que pour les milieux les plus dotés culturellement, les pères viennent compenser l’impossibilité économique dans laquelle se trouvent les mères séparées d’apporter cette aide financière.

Graphique 3. Aide financière des parents suivant leur situation matrimoniale et le niveau de diplôme de la mère (%)
Graphique 3. Aide financière des parents suivant leur situation matrimoniale et le niveau de diplôme de la mère (%)

Sous-population sans parent veuf, avec niveau d’étude de la mère renseigné. N = 737

Si la comparaison globale entre parents séparés et parents mariés nous amène à constater une part équivalente de jeunes adultes aidés financièrement par leur famille, qu’elle soit ou non désunie, l’analyse à partir des niveaux de diplôme nous montre des disparités importantes. Les mères les moins dotées sont aussi souvent que les autres confrontées à de difficultés pour fournir une aide économique à leurs descendants quand elles sont séparées, mais cette difficulté n’est pas compensée par un soutien de la part du père. Les plus diplômées se voient épaulées dans cet effort par une aide paternelle dont la part est d’autant plus importante que le niveau d’étude de la mère est élevé.

Ainsi, suivant le capital culturel maternel, la séparation présente plus ou moins d’inconvénients. Lorsqu’il y a séparation, nous pouvons observer un cumul des inconvénients dans le bas de la hiérarchie sociale, tandis qu’au contraire, les jeunes adultes issus de parents séparés diplômés du supérieur bénéficient plus souvent que les autres d’une aide financière en provenance de leurs parents.

Pour résumer : La propension à aider financièrement et régulièrement leurs descendants dépend surtout de la position occupée par les parents dans l’espace social : plus l’indice de position est élevé, plus l’aide est fréquente.

La séparation des parents pèse sur un certain nombre de dimensions qui désorganisent la correspondance entre position sociale et propension à fournir une aide financière régulière. Il est très difficile de mener à bien une comparaison des comportements d’aide suivant les revenus des parents. Mais l’analyse à partir des niveaux de diplôme des mères nous montre que si les mères séparées, quel que soit leur niveau de diplôme, sont moins souvent en mesure d’apporter une aide financière à leurs enfants, elles sont plus souvent épaulées par les pères lorsqu’elles sont titulaires d’un baccalauréat, phénomène qui s’accentue encore lorsqu’elles sont diplômées du supérieur. Cette approche nous montre un cumul des difficultés économiques pour les jeunes adultes dont les mères séparées sont peu diplômées puisqu’ils bénéficient alors moins souvent d’une aide parentale, et au contraire, une situation financière plus favorable pour ceux dont les mères sont diplômées, puisqu’ils bénéficient d’aide en provenance de leur père et/ou de leur mère qui les amènent à être plus souvent aidés, à niveau de diplôme maternel égal, que ceux dont les parents sont mariés.

Notes
40.

Voir tableau de la distribution des niveaux de diplôme des mères suivant leur situation matrimoniale en Annexe, Tableau 64 en annexe.

41.

6/10ème des femmes ont dû restreindre leur train de vie contre 3/10ème des hommes. 40 % des femmes qui avaient des enfants ont déclaré qu’elles avaient « juste de quoi vivre » après leur séparation. Les recherches menées par Claude Martin (1997) montrent également la précarisation et les difficultés financières des femmes suite à une séparation.

42.

Voir Tableau 65 en annexe p 347.