Eléments d’explications à la présence ou non d’une aide financière de la part des pères séparés

Nous pouvons supposer que le fait d’octroyer ou non une aide financière dépend pour les pères séparés de la relation qu’ils entretiennent avec leur descendant. Un indice construit à partir de la fréquence des contacts téléphoniques et de la fréquence des visites du jeune adulte au domicile paternel permet de rendre compte de la teneur de la relation entre pères et jeunes adultes52. Il montre que le fait que le père verse ou non une aide financière à son descendant est effectivement corrélé à la teneur des relations qu’ils entretiennent. L’aspect linéaire de la distribution nous confirme dans cette idée malgré la faiblesse des effectifs.

Graphique 6. Présence d'une aide financière paternelle en fonction des relations entretenues entre les pères séparés et les jeunes adultes décohabitants (%)
Graphique 6. Présence d'une aide financière paternelle en fonction des relations entretenues entre les pères séparés et les jeunes adultes décohabitants (%)

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Constatons toutefois que certains pères versent à leurs descendants une aide financière alors que, visiblement, il n’existe aucun échange relationnel entre eux. Bien que très minoritaire, cette dimension doit tout de même être soulignée car elle va à l’encontre d’une représentation intuitive des faits.

Les conditions financières des pères apparaissent comme un critère secondaire dans l’attribution d’une aide financière à leurs descendants. C’est la teneur de la relation telle qu’elle s’est constituée après la séparation entre ascendant et descendant qui se présente comme un élément central dans la décision paternelle53.

Dans le domaine financier, plus que dans les autres sans doute, le rôle parental est remis en question par la séparation. L’exercice de la fonction parentale, qui amène les parents vivant ensemble à poursuivre la socialisation familiale et l’éducation de leurs enfants au-delà de l’adolescence, ne va plus de soi lorsqu’il y a eu désunion. Même s’il ne s’agit pas pour les parents mariés de concevoir ce rôle dans l’abnégation et le don de soi sans contrepartie [Bloch, Buisson, Mermet, 1989 ; Godbout, 1992], l’aide financière au-delà de la majorité est vécue comme une sorte de devoir, de prolongement de leur rôle éducatif. Lorsque la cellule familiale a éclaté, ces dimensions sont remises en question et ce sont les dimensions relationnelles qui deviennent les leviers de l’action parentale. Autrement dit, pour les pères séparés, l’aide financière est apportée à leurs descendants dans la mesure où le lien relationnel est effectif, alimenté par la permanence des échanges qui viennent les rassurer sur la relation et la place de chacun.

Mais du point de vue des jeunes adultes eux-mêmes, le paiement d’une pension alimentaire ou tout autre don d’argent de la part de leur père relèvent des mêmes conditions. Ils sont ne sont possibles, y compris du point de vue de la réception, que lorsque la relation est avérée.

Notes
52.

Afin de comparer des pratiques comparables, nous sommes amenés à ne prendre en considération que les décohabitants, seuls à avoir été interrogés sur leurs relations téléphoniques avec leurs parents et la fréquence des visites à leur domicile. L’effectif s’en trouve assez considérablement restreint.

53.

Agnès Pitrou [1992] pose la question de savoir si en famille, on s’entraide au nom de l’affection réciproque ou que l’affection réciproque se nourrit de cette entraide. C’est exactement ce qu’on peut se demander à propos des relations entre les pères séparés et leurs descendants.