Le recours aux petits boulots des étudiants : une démarche active vers l’indépendance financière.

Les étudiants boursiers bénéficient de revenus qui sont extérieurs à la famille, mais la démarche effectuée pour accéder à ces ressources est ponctuelle et peu coûteuse. En revanche, exercer un petit boulot pendant ses études demande un investissement plus important en temps et en énergie. La démarche qui vise à obtenir une certaine autonomie financière en travaillant est plus active que lorsqu’on reçoit une bourse : il faut trouver ce travail, puis y consacrer du temps, pris à la fois sur ses loisirs et ses études. Les revenus issus de ces petits boulots constituent ainsi des revenus actifs, en comparaison aux revenus issus des bourses ou des aides parentales, que l’on peut plus volontiers qualifiés de passifs.

Quelles sont les velléités affichées des étudiants issus de parents séparés par rapport aux autres en matière d’autonomisation économique ? Ils semblent bénéficier, pour ceux qui sont issus des milieux les plus dotés, de revenus plus importants que les autres. Est-ce que pour autant ils délaissent complètement les chemins visant à obtenir par leurs propres moyens des revenus ? Et ceux qui sont les plus en difficulté financièrement – que l’aide parentale soit absente, minime ou qu’il n’y ait pas de bourse possible – sont-ils alors plus ou moins enclins à travailler ? En quoi la situation matrimoniale des parents peut-elle jouer un rôle ?

De fait, alors que les étudiants issus de parents séparés sont plus nombreux à bénéficier d’une bourse, ils occupent également, en proportion, plus fréquemment un petit boulot pendant l’année (+ 7 points), et ont travaillé plus souvent pendant le dernier été que les étudiants dont les parents vivent ensemble (+ 9 points).

Tableau 17. Exercice d'un petit boulot pendant l'année ou pendant le précédant été suivant la situation matrimoniale des parents (%)
  Exercice d’un petit boulot pendant le dernier mois précédant l’enquête Exercice d’un petit boulot pendant l’été précédant
Parents séparés 32 61
Parents vivant ensemble 25 52

Sous-population des étudiants, n= 271.

Ces jeunes adultes encore en formation semblent donc plus préoccupés que les autres issus de famille unie par une recherche active d’autonomie financière. Ils visent à multiplier les sources de revenus qui leur permettent ainsi des conditions de vie plus confortables. Nous pouvons nous demander si cela ne va pas de pair avec une installation plus affirmée, alors que les premières années d’études sont souvent une période d’un certain flou sur la résidence de référence [Grignon, Gruel, Bensoussan, 1996 ; Erlich, 1998 ; Cicchelli, 2001].

Les étudiants issus de parents séparés sont par conséquent moins souvent que les autres dépendants de la seule aide des parents. Plus globalement, ils ont moins souvent des revenus uniquement passifs (bourse, aides). S’ils ne sont pas plus souvent indépendants financièrement que ceux dont les parents vivent ensemble (ce qui reste une situation minoritaire), ils témoignent en revanche d’une recherche de revenus active et plus diversifiée.

Tableau 18. Type de ressources des étudiants suivant la situation matrimoniale des parents (% colonne)
  Parents séparés Parents vivant ensemble Total
Ressources passives et actives 63 47 51
Ressources passives seulement 21 32 29
Ressources actives seulement 11 14 13
Ni job, ni bourse, ni aide parentale 5 8 7
Total 100 100 100

Sous-population des étudiants, n=271.

Ces comportements sont potentiellement symptomatiques de la recherche d’une plus grande autonomie. Le fait de disposer de revenus personnels (par l’intermédiaire d’un salaire ou d’une bourse) autorise une plus grande indépendance dans la gestion de son budget, quand bien même les parents accorderaient une aide financière. Par rapport à la gêne ou à l’aisance perçue par les étudiants vis-à-vis de leurs parents [Cicchelli, 2001], l’autofinancement conjure la gêne d’être pris en charge par ailleurs, ou tout au moins permet aux étudiants de la maîtriser. Ainsi, si les enfants de parents séparés ne sont pas significativement plus nombreux que les autres à financer leur quotidien par leurs propres moyens, c’est-à-dire sans aide parentale (30 % contre 28 %), ils sont en revanche plus nombreux à ne pas dépendre uniquement des ressources accordées par leurs parents (+13 points).

Tableau 19. Composition des revenus des étudiants suivant la situation matrimoniale des parents (% colonnes)
  Parents séparés Parents vivant ensemble
jobs et aide parentale  37 35
aide parentale seulement   8 21
jobs annuel et estival   11 14
boursier et jobs   11 7
boursier, jobs et aide parentale    15 5
ni job ni bourse ni aide parentale  5 8
boursier seulement   8 7
boursier et aide parentale  5 4
Total 100 100

Sous-population des étudiants, n=271.

Le contrôle parental est ainsi potentiellement moins important lorsqu’il y a eu séparation du couple des parents. Il est également possible que cette attitude face à l’autonomie financière vis-à-vis de la sphère familiale soit le signe d’une plus grande préoccupation à ne pas peser sur le budget maternel déjà restreint. Ces enfants de parents séparés se positionneraient ainsi dans une forme de solidarité intergénérationnelle, ce qui tendrait à redéfinir les positions de chacun, en réorganisant les rôles et fonctions traditionnellement assignés aux parents et aux enfants – tout au moins en ce qui concerne de tels comportements d’émancipation financière à ces âges de la vie.

Pour résumer :

Les jeunes adultes étudiants issus de parents séparés cumulent les revenus, passifs et actifs : plus souvent titulaires d’une bourse, dont l’attribution est favorisée par la situation matrimoniale et économique du parent de référence, ils sont alors plus nombreux à bénéficier également d’une aide parentale alors que ces revenus sont alternatifs quand les parents sont mariés. Ils occupent également plus souvent un petit boulot pendant l’année ou pendant la période estivale.

D’une façon générale, leurs sources de revenus sont plus diverses que les étudiants dont les parents vivent ensemble, ce qui montre à la fois une certaine recherche d’indépendance financière qui minimise le contrôle parental et réduit la vulnérabilité liée à une source de revenus unique.