Chapitre 5 Les services rendus entre les générations : influence de la séparation des parents sur leur circulation

Outre les aides purement financières, les parents contribuent de plusieurs autres manières à aider leurs descendants, lorsqu’ils accèdent à l’adultité en particulier, mais également tout au long de la vie [Pitrou, 1992 ; Attias-Donfut, 1995]. En ce qui concerne la population qui nous intéresse – à savoir les 18-30 ans – les services que se rendent alors les membres d’une famille entre générations sont encore essentiellement dans le sens ascendant-descendant [Attias-Donfut, 1995]. La part de ceux qui ont déjà constitué leur propre famille en engendrant une descendance reste marginale (12 %). Or, c’est autour de la charge domestique supplémentaire occasionnée par la présence d’enfants que s’instaurent la plupart des services intergénérationnels, en particulier autour de la garde des petits-enfants. Mais les parents apportent, avant cette période, un certain nombre d’avantages, de dépannages et d’aides en nature décisifs alors qu’il s’agit de s’émanciper, de s’installer, de s’équiper avec des revenus encore faibles. Dans les milieux populaires en particulier, il semble que ce type d’aide intergénérationnelle soit particulièrement favorisé, l’argent demeurant une denrée rare [Déchaux, 1990].

Les services à caractère domestique renvoient plus largement au parentage : s’occuper de ses enfants, outre l’aspect éducatif, consiste à les nourrir, les vêtir et leur procurer un endroit propre où vivre. Ce sont donc des dimensions qui touchent au domaine domestique. Interroger les échanges et services domestiques constitue donc un moyen d’observer la façon dont s’exerce les rôles parentaux à l’égard des descendants. Si l’on suit l’hypothèse précédemment établie qui suggère que la séparation des parents donne lieu à une renégociation des rôles et fonctions de chacun, cette réorganisation doit être perceptible dans l’analyse des services et activités domestiques. Elle s’organiserait selon un double mouvement, apparemment contradictoire. D’une part, on devrait observer la majoration de ces activités lorsque les conséquences économiques de la séparation ont été importantes, puisque c’est l’apanage des milieux où les liquidités financières manquent. D’autre part, l’affaiblissement des rôles de chacun donnerait à voir une prise en charge domestique personnelle plus importante, que l’on pourrait traduire par une autonomie domestique plus évidente à ces âges pour les jeunes adultes issus de parents séparés que pour les autres.

D’autre part, face à la remise en question des liens de filiation suite à la séparation des parents, l’échange de services peut apparaitre comme un moyen de réaffirmer ces liens. Là où ils ne vont plus de soi, renforcer les activités de parentage, en donnant de la nourriture ou en participant à l’entretient du linge, peut constituer une action visant à renforcer ces liens, comme autant de preuves de leur existence. Plus globalement, nous allons donc nous demander dans quelles mesures la spécificité des enjeux relationnels dus à la séparation entraîne une mobilisation particulière des ressources domestiques parentales.