La mère nourricière ?

Les personnes enquêtées déclarent, dans 39 % des cas, être bénéficiaires d’un don de nourriture de la part de leur mère à l’occasion d’une rencontre. Mais c’est parmi les jeunes adultes dont les parents sont encore mariés que ces dons sont les plus fréquents. La séparation rendrait ainsi moins évidente la fonction nourricière de la part de la mère.

Tableau 22. Dons de nourriture de la part de la mère suivant sa situation matrimoniale (%)
  don de produits aucun produit Total
Mères séparées 31 69 100
Mères mariées 41 59 100
Ensemble des mères 39 62 100

Sous-population des décohabitants, n=557.

Notons que cette tendance concerne surtout les produits de base (11 points de différence) qui sont le plus souvent donnés lorsque les parents vivent ensemble (plus d’une fois sur quatre). Les plats cuisinés sont également prisés. Les mères séparées y sont plus particulièrement attentives par rapport aux autres types de nourriture, mais cela reste dans une moindre mesure par rapport aux mères mariées. Les produits de luxe, de type alcool ou sucreries, sont rarement l’objet de dons, dans une situation comme dans l’autre. Ainsi, le « ravitaillement », à proprement parler, est une aide en nature plus souvent apportée par les mères mariées. Les plats cuisinés, quant à eux, peuvent être perçus de plusieurs façons : soit il s’agit d’une extension de l’exercice maternel qui consiste à perpétuer la fonction nourricière telle quelle dans le logement du jeune adulte (on continue alors de manger ce qu’on mangeait chez ses parents mais à son propre domicile), soit ces plats, confectionnés le plus souvent par la mère, sont un gage de l’attention maternelle et de sa volonté de « faire plaisir » à travers ce don que personne d’autre ne peut réellement faire. Il est délicat de déterminer a priori vers quelle signification le don de plat cuisiné se tourne, mais nous pouvons retenir la volonté partagée de conserver un lien privilégié entre la mère et le jeune décohabitant.

Tableau 23. Types de dons de nourriture de la mère suivant sa situation matrimoniale (% répondants)
  des plats cuisinés des produits de base des produits de luxe aucun produit non concerné Total
séparés 18 15 5 65 6 109
ensemble 21 26 7 55 7 116

Sous-population des décohabitants, n=557.

L’exercice du soutien parental par l’intermédiaire de service plutôt que de finance dans les milieux les plus en difficulté financière n’apparaît pas clairement ici. Pourtant, ce sont bien tendanciellement les familles dites « monoparentale » qui sont le plus représentées dans ces catégories défavorisées. L’on pouvait donc s’attendre à ce qu’il y ait une compensation « en nature » de l’impossibilité financière dans laquelle les mères se trouvaient. Or, cela ne se vérifie pas, ni au niveau des dons globaux de nourriture, ni au niveau du type d’aliments concernés. L’amoindrissement de la fonction parentale, en lien avec une autonomie domestique précoce, semble donc prendre le pas sur les logiques qui organisent par ailleurs les transferts intergénérationnels lorsqu’il y a eu séparation.