Proximité/distance : l’inscription territoriale de la décohabitation

La part des décohabitations délocalisées est relativement importante puisqu’elle concerne plus de 57 % des situations de décohabitation. Autrement dit, lorsque l’on quitte pour la première fois le domicile de ses parents, c’est de préférence pour aller loin, voire, dans près d’un quart des cas, assez loin62. Cette situation s’explique particulièrement bien à la lumière des entretiens réalisés. Nombreux sont ceux qui déclarent avoir délibérément choisi des types d’études impliquant des lieux de formation suffisamment éloignés pour justifier de quitter le domicile parental. Ce contexte paraît plus favorable pour négocier le financement de son logement indépendant auprès de ses parents, mais également pour adoucir la rupture affective que cela entraîne avec ses ascendants63 . Il s’agit en effet d’invoquer au départ une raison pratique qui concerne l’avenir professionnel du jeune. Cela implique qu’entre le motif de la décohabitation (pour études, en majorité, pour les plus jeunes64) et les raisons du choix effectif, il peut y avoir un écart : la ville a bien été choisie pour y suivre des études, mais le fait que ce soit cette ville en particulier et ces études spécifiquement dépendent d’autres facteurs, comme celui, par exemple, de rendre possible sans heurt la décohabitation. D’autres motifs sont sous-jacents, comme le parcours des pairs et l’expérience familiale des lieux d’études, qui orientent les trajectoires des jeunes adultes. Ces derniers tendrons à privilégier des villes d’études dont ils auront une préconnaissance, par réseaux de relations ou réseaux familiaux [Bensoussan, 1994].

La séparation des parents semble toutefois bousculer quelque peu la donne. Le départ se fait beaucoup plus souvent pour un logement situé dans le même département que celui des parents, en particulier lorsque la séparation a eu lieu avant ou au moment de la décohabitation.

Tableau 25. Type de décohabitation suivant l'histoire matrimoniale des parents (% ligne)
  locale délocalisée Total
Parents séparés 53 47 100
séparation avant la décohabitation 55 45 100
séparation au moment ou juste après décohabitation 57 43 100
séparation après la décohabitation 39 62 100
Parents ensembles 40 60 100

N= 557.

Les jeunes adultes issus de parents séparés décohabitent plus souvent localement que les autres. L’enjeu est ici de comprendre pourquoi, dans l’idée de mettre à jour la spécificité des rapports qu’ils entretiennent d’une part  avec le logement ; d’autre part avec le processus d’autonomisation et donc le rapport avec leurs parents.

Nous chercherons dans un premier temps à expliciter les raisons de ces départs de voisinage en analysant les spécificités des caractéristiques sociales de cette population. Plusieurs dimensions sont ainsi susceptibles de favoriser ce type de départ, et la question est de savoir si ces dimensions sociologiques sont à même de rendre compte de ce comportement particulier observé chez les enfants de parents séparés.

Dans un deuxième temps, nous chercherons dans l’expérience résidentielle des jeunes adultes des éléments permettant de comprendre cette tendance à la décohabitation locale précoce.

Dans un troisième temps, nous évaluerons en quoi la spécificité du ménage du logement d’origine, avec la présence d’un beau-parent, peut constituer un élément d’explication à cette tendance.

Notes
62.

Un tiers des décohabitations se fait dans le département limitrophe de celui du logement des parents, 24 % dans un département d’une autre région.

63.

Catherine Villeneuve-Gokalp montre que les mères redoutent dans 38 % des cas le moment de la décohabitation (les pères, dans 25 % des cas) [1999].

64.

Voir Tableau 35 p 154.