Les conditions financières favorables à la décohabitation locale

La prise d’un logement indépendant constitue un poste de dépense important. Cette phase de la vie que constitue la jeunesse s’accompagnant d’une dépendance financière vis-à-vis de la famille d’origine qui se prolonge, il s’agissait de voir en quoi les ressources passives extérieures à la famille pouvaient jouer un rôle dans la prise d’un logement. La bourse d’étude est ainsi un élément susceptible d’occasionner aux jeunes adultes une certaine indépendance financière vis-à-vis de leurs parents. Cette autonomie économique peut favoriser une prise d’indépendance résidentielle des jeunes étudiants alors même qu’ils n’y sont pas contraints par un lieu d’étude éloigné.

L’analyse des données nous montre que le bénéfice d’une bourse ne présente pas d’incidence sur le fait de décohabiter localement ou non : qu’ils bénéficient ou non d’une aide de l’Etat, les étudiants n’ont pas plus tendance à décohabiter localement.

Tableau 27. Type de décohabitation suivant la présence d'une bourse d'étude (%)
  locale délocalisée Total
bourse ou allocation d'études 24 76 100
pas d'aide de l'Etat 23 77 100
Ensemble 23 77 100

Sous-population des étudiants décohabitants, N= 135.

En revanche, le fait d’être aidé par ses parents est spécifique d’une décohabitation contrainte et délocalisée : les parents aident financièrement leurs descendants à prendre un logement indépendant à partir du moment où cela s’avère nécessaire pour mener à bien leurs projets professionnels, et en particulier leurs études. Dans ce don, il s’agit en fait pour eux de poursuivre une ambition de mobilité dans l’espace social, à travers le parcours de leurs descendants [Cicchelli, 2001].

Tableau 28. Type de décohabitation suivant la présence d'une aide financière des parents (%)
  locale délocalisée Total
aide financière des parents 27 73 100
pas d'aide financière des parents 48 52 100

N= 557.

Le soutien économique régulier des parents est beaucoup plus rare lorsque la décohabitation est locale, car sa raison d’être n’est pas de l’ordre de la contrainte matérielle au service d’une cause familiale. L’aide financière parentale, lorsque la décohabitation est lointaine – qui est massive puisqu’un jeune adulte sur trois en bénéficie – correspond aux raisons mêmes de cette décohabitation : la poursuite d’études ou, de façon minoritaire, l’installation dans un nouvel emploi. Cette aide rend compte du rôle éducatif que se donnent les parents, qui se perpétue au moment des études supérieures. La décohabitation locale, en revanche, semble être perçue comme une sorte de « luxe » dont les parents considèrent n’avoir pas à porter le poids financier.

Si cette tendance se vérifie de façon encore plus extrême pour les familles unies, il en va autrement pour celles dont les parents se sont séparés. Ainsi, pour ces types de configurations familiales, parmi ceux qui ne sont pas aidés financièrement par leurs parents, la part des décohabitants locaux est pratiquement la même que celles des délocalisés. Lorsqu’on est aidé par ses parents séparés, il y a autant de chance d’habiter localement qu’à distance.

Tableau 29. Type de décohabitation suivant la présence d'une aide financière des parents et leur situation matrimoniale (% ligne)
  Parents séparés Parents mariés
  locale délocalisée locale délocalisée
aide financière des parents 50 50 21 79
pas d'aide financière des parents 52 48 47 53
Ensemble 52 48 40 60

N= 557.

Autrement dit, il semble que pour les parents séparés, aider financièrement ses enfants ne dépend pas du fait qu’ils soient amenés à prendre un premier logement indépendant proche ou lointain du leur. Apparemment, il est légitime d’aider son enfant à payer ses dépenses au moment de son autonomisation résidentielle, quelles que soient, en définitive, les raisons qui l’amènent à décohabiter. De la même façon, cela rend possible de prendre un logement indépendant pour ces jeunes adultes, quand bien même les motifs invoqués ne seraient pas en adéquation avec le rôle éducatif traditionnel des parents. Cette manne financière ne serait ainsi pas sujette à conditions de réussite ou d’ascension sociale. Les effectifs insuffisants concernant cette population ne nous permettent pas d’affirmer ces analyses. Leur fragilité nous pousse au contraire à compléter ces observations afin de mettre au jour d’autres facteurs explicatifs de cette propension des enfants de parents séparés à décohabiter localement.