Pour résumer la troisième partie

Les jeunes adultes issus de parents séparés décohabitent plus souvent localement que les autres. Les éléments structurels susceptibles d’expliciter la surreprésentation des décohabitations locales chez les enfants de parents séparés se sont révélés peu féconds. Cette population présente des caractéristiques sociales très proche des jeunes adultes issus de parents mariés : ils ne sont pas plus âgés ou pas plus souvent issus de milieux familiaux privilégiés. Même en s’interrogeant à partir de caractéristiques propres à la séparation, comme la présence d’un beau-père au domicile avant la décohabitation, il demeure assez délicat d’identifier un effet de structure qui permettrait de comprendre cette propension à décohabiter localement pour les jeunes adultes issus de parents séparés. Seule particularité notable : les garçons décohabitent plus souvent localement que les filles lorsque les parents sont séparés, alors que c’est le contraire lorsque les parents sont mariés. Les hypothèses pour expliquer cette observation restent minces.

Si les enfants de parents séparés bénéficient plus souvent de bourse d’études lorsqu’ils sont étudiants, cela ne semble exercer aucune influence sur le fait de décohabiter localement ou non. En revanche, nous avons pu observer que si dans l’ensemble, ils n’étaient pas plus souvent aidés par leurs parents quand ceux-ci sont séparés que quand ils sont unis, les parents séparés assujettissaient cette aide en premier lieu aux études, sans condition de localisation lors de la décohabitation. Tout se passe alors comme si partir du domicile parental ne devait pas nécessairement être dû à une contrainte géographique, mais pouvait être liée à une prise d’indépendance seulement. Autrement dit, la négociation du départ du domicile parental ne se fait pas selon les mêmes modalités que lorsque les parents sont mariés. Le logement en lui-même n’a pas la même importance, et les motifs du départ peuvent être du domaine relationnel et non forcément professionnel et/ou pragmatique. L’expérimentation de situations similaires dans les parcours des parents explique pour partie les motifs invoqués, qui sont du domaine du possible puisque déjà mobilisés. De plus, la mobilité résidentielle des parents séparés, un peu plus importante que pour ceux qui sont restés unis, facilite le fait de s’imaginer changer de logement. Le lien avec la décohabitation locale n’est toutefois pas statistiquement avéré (de par faiblesse des effectifs ou par le caractère mineur de l’influence de cette dimension).

En revanche, les rapports entretenus par les parents à la « chambre de jeune homme » ou de « jeune fille » montrent une spécificité lorsqu’il y a eu séparation. Les parents mariés conservent très majoritairement cette pièce en l’état dans le domicile parental, et d’autant plus que les visites sont rares. En revanche, les pères séparés convertissent plus volontiers l’endroit, moins investi. Les mères séparées sont un peu moins enclines à la réutilisation de cet espace, mais il est surtout à noter que cela ne dépend pas de la fréquence des visites de leur enfant, comme c’est le cas quand elles sont restées en couple. (…)

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L’expérience de la séparation et la déterritorialisation à laquelle les membres de ce type de famille ont été soumis semble dans l’ensemble diminuer l’importance accordée à la symbolique des lieux. Si les liens de filiation demandent à être réaffirmés, le territoire du logement n’en est pas l’image à proprement parlé et le domicile n’apparaît moins comme l’enjeu d’une reconnaissance des liens. L’affaiblissement des rôles de chacun que suscite la séparation, comme nous avons déjà pu le voir lors de l’analyse de la mobilisation des ressources matérielles, semble octroyer une plus grande souplesse dans la mobilité résidentielle, mais on ne peut perdre de vue qu’elle suscite dans un même temps une plus grande insécurité. L’absence de retour en arrière, symbolisée par la réaffectation de la « chambre de jeune homme », en est un aspect saillant.