Filles ou garçons, l’âge ne joue pas de la même façon

En observant ces variations selon l’âge, des distorsions apparaissent qui tiennent à la structure de la population : les filles sont plus nombreuses parmi les 18-22 ans ce qui introduit plusieurs variations.

Dans cette tranche d’âge, les filles appellent leurs amis beaucoup moins souvent que les garçons (12,6 appels par semaine contre 16,5 pour les garçons, soit 30 % d’appels en moins92). En revanche, elles appellent en moyenne beaucoup plus souvent leur famille que les garçons à âge égal (1,9 appels en plus par semaine, soit pratiquement 40 % de plus que les garçons)93. La plus forte tendance à appeler la famille chez les 18-22 ans s’explique donc principalement par les pratiques des filles, les garçons étant globalement moins enclins à téléphoner à leur famille.

Si on prend en considération à la fois les appels passés à la famille et aux amis, les garçons, entre 18 et 22 ans, déclarent en moyenne téléphoner plus souvent que les filles (+1,2 appels par semaine). La différence est faible (6,5 % en plus) mais elle est inattendue au regard des études faites sur la question des sociabilités téléphoniques des hommes par rapport aux femmes. Dans les études portant sur la différence des pratiques téléphoniques entre les sexes, c’est seulement chez les adolescents qu’il est observé que la part des appels des filles par rapport aux garçons est équilibrée94 [Martin-DeSingly, 2000], ce qui laisse penser que les 18-22 ans sont encore dans des systèmes de fonctionnement antérieurs malgré la décohabitation.

Dans une deuxième période (23-26 ans), la sociabilité téléphonique amicale augmente pour les filles (+ 2,3 appels en moyenne) mais ne rejoint pas la moyenne des garçons qui elle, stable, reste supérieure de 10% à celle des filles. La sociabilité téléphonique familiale décroît pour les deux sexes à cette période avec des comportements qui tendent alors à s’unifier d’un individu à l’autre (les écart-types sont alors très bas). Globalement, si les filles se mettent à téléphoner plus, les garçons conservent dans l’ensemble le même volume d’appel.

La troisième période (27-30 ans) voit finalement les garçons réduire en moyenne les appels aux amis, mais les disparités sont fortes d’un individu à l’autre95. Les filles aussi appellent moins souvent leurs amis, mais la différence de comportement est moins importante (-2,8 appels pour les filles contre -3,9 pour les garçons en moyenne). Là encore, les comportements féminins sont plus homogènes que ceux des garçons : pour ces derniers, les situations extrêmes sont plus éloignées et la dispersion de la distribution plus importante. Les comportements à l’égard de la famille évoluent de concert entre filles et garçons à cet âge : ils se mettent à appeler presque aussi souvent que les 18-22, mais la médiane indique clairement que les filles appellent beaucoup plus leur famille que les garçons96 . Globalement, les 27-30 ans téléphonent moins pour appeler leurs réseaux de relations. Les comportements déclarés sont plus hétérogènes pour les garçons que pour les filles.

Graphique 20. Nombres moyens d’appels passés aux amis et à la famille
Graphique 20. Nombres moyens d’appels passés aux amis et à la famille selon le sexe et l'âge des jeunes adultes

Sous-population des décohabitants.

La comparaison globale de l’évolution du comportement des filles par rapport aux garçons nous montre que les garçons ont des pratiques relativement stables jusqu’à 27 ans, mais qu’à partir de cet âge, leur sociabilité téléphonique amicale diminue fortement tandis que la sociabilité familiale tend à reprendre un peu d’importance. Globalement, le volume des appels des garçons diminue après 27 ans. Les filles, pour leur part, laissent paraître une soudaine préoccupation à l’intention des amis entre 23 et 26 ans, ce qui les amène à négliger un peu les contacts téléphoniques avec la famille. Mais cet engouement est passager puisqu’elles retrouvent rapidement les comportements téléphoniques qu’elles avaient entre 18 et 22 ans.

Les rapports téléphoniques entretenus spécifiquement avec la mère sont utiles pour affiner ces observations. Ces données renseignent sur une dimension supplémentaire : la propension de ces jeunes adultes à être appelés, alors que jusqu’à présent, nous ne considérions que les coups de fils dont ils étaient les initiateurs. Là, la question posée interroge la fréquence des communications téléphoniques avec la mère, que ce soit elle qui appelle ou l’enquêté. De plus, il s’agit du membre de la famille qui est généralement le plus appelé97. Elle est souvent identifiée comme le pivot des relations de la famille nucléaire [Segalen, 1999]. Ce changement d’angle d’approche nous permet de voir que, pour les 18-22 ans, la propension à être très souvent en contact téléphonique avec sa mère (plusieurs fois pas semaine) est surreprésentée – pour les filles comme pour les garçons –.

Alors que la sociabilité téléphonique ne semblait pas être radicalement variable selon les âges mais plutôt infléchie, il s’avère que lorsqu’on prend en considération les appels maternels, qui sont à l’initiative de la mère dans 55 % des cas98, les contacts avec la famille se trouvent majorés. Ces observations nous permettent de montrer que pour les décohabitants les plus jeunes, le soutien familial s’exprime par des appels téléphoniques dont les parents, et surtout la mère99, sont à l’initiative.

Si l’on prend en considération les situations tranchées où ce sont soit les deux parents, soit les jeunes adultes qui sont à l’initiative des appels, nous pouvons observer que plus les jeunes adultes avancent en âge, plus les contacts téléphoniques sont de leur fait.

Graphique 21. Initiative des appels entre les jeunes adultes et leurs parents selon l'âge
Graphique 21. Initiative des appels entre les jeunes adultes et leurs parents selon l'âge

Sous-population des décohabitants

Ce résultat tend à amplifier les analyses précédentes : la part importante que prend à nouveau la famille dans les communications téléphoniques après 27 ans dépend surtout des jeunes adultes eux-mêmes, ce qui entérine les résultats observés seulement à partir de la pratique téléphonique de nos enquêtés pour cette tranche d’âge. En revanche, il faut majorer la part des appels avec la famille et plus spécifiquement avec les parents pour les 18-22 ans et même les 23-26 ans : pour eux, ce sont plus souvent les parents qui appellent. Ces contacts téléphoniques n’étaient pas comptabilisés dans ceux que les enquêtés passent à la famille dans les 8 derniers jours.

A partir de ce constat, il faut nuancer les premiers résultats : la fréquence des contacts téléphoniques avec la famille (à travers ceux avec la mère) tendent globalement à baisser avec l’âge, la fréquence des communications avec les parents ayant été minorée pour les plus jeunes. Par contre, plus l’enquêté est âgé, plus il est susceptible d’être à l’initiative des appels à sa famille.

Tableau 40. Fréquences des contacts téléphoniques avec la mère
Tableau 40. Fréquences des contacts téléphoniques avec la mère en fonction de l’âge du descendant (en % colonne)

Sous-population des décohabitants

Notes
92.

Avec une médiane à 12,5 appels aux amis au lieu de 10 pour les filles.

93.

La médiane du nombre de coups de téléphone passé à la famille est de 5 pour les filles contre 3 pour les garçons ce qui assied statistiquement cet écart de comportement.

94.

« Le plus surprenant réside dans la non-différence des sexes : les lycéens et les lycéennes se conduisent de la même façon, plus ils sont engagés dans des relations avec des pairs et plus ils éprouvent le besoin de leur faire appel. Le téléphone familial – qui contraint à une conversation à deux, le plus souvent, et à l’intérieur de l’espace domestique – ne fait pas peur aux garçons, pourtant plus à l’aise dans les rencontres de groupes de copains et ayant le droit de sortir. » p 100.

95.

L’écart-type est élevé (12,1) et la médiane reste, comme pour les filles, à 10 appels dans les 8 jours.

96.

La médiane est à 3 appels familiaux pour les garçons contre 5 pour les filles.

97.

La distribution des fréquences des communications téléphoniques avec le père est tendanciellement plus faible.

98.

Voir tableau 58 des initiatives des appels en annexe p 356.

99.

Pour les 18-22 ans, 61 % des mères sont à l’initiative des appels, contre 53 % des pères.