L’autonomisation saisie à travers la question de l’indépendance financière

Pour poursuivre cette analyse, nous pouvons interroger l’activité professionnelle des enquêtés. Trois positions seront retenues : celle d’étudiant, d’actifs occupés et d’actifs en recherche d’emploi. Dans la mesure où certains peuvent être à la fois actif et en formation, nous avons arbitré en classant dans la catégorie « actifs occupés » ceux qui avaient une activité professionnelle au moins à mi-temps, et cela même si par ailleurs ils étaient en formation. Les actifs sont considérés comme globalement indépendants de leur famille d’origine au niveau financier.

Le fait d’être étudiant ou actif occupé n’apparaît pas comme des éléments qui influent de façon significative sur la fréquence des contacts téléphoniques avec la mère. Seul pour la petite part des jeunes adultes qui ne sont ni actifs occupés, ni étudiants101, une partie des appels a une fréquence réduite voire inexistante. Étant donnée la faiblesse des effectifs, ce résultat n’est pas statistiquement significatif. De plus, ce résultat s’oppose aux observations réalisées par Carole-Anne Rivière [2001] qui comptabilise en moyenne un temps de communication en direction de la famille plus élevé chez les chômeurs et encore plus élevé chez les femmes inactives. Les conclusions de l’article présentent le lien téléphonique comme un lien alternatif fort au fondement d’un rapport à l’autre, ce qui permet de considérer ce lien téléphonique comme efficace contre le glissement vers l’isolement. De fait, la population qu’elle étudie n’est pas spécifiquement une population de 18-30 ans. Nos résultats ne sont donc pas en tout point comparables. Mais cette disparité dans les résultats est assez peu explicable et nous conviendrons de la fragilité de nos chiffres sur la question.

Graphique 26. Fréquences des contacts téléphoniques avec la mère
Graphique 26. Fréquences des contacts téléphoniques avec la mère en fonction de l'activité des jeunes adultes

Sous-population : décohabitants

Par ailleurs, les fréquences des communications téléphoniques avec les pères suivant l’activité des jeunes adultes dépendent, pour leur part, plus de la position sociale des pères que de l’indépendance financière que pourrait leur octroyer l’occupation d’un emploi. Les actifs de la population interrogée sont surreprésentés parmi ceux qui ont un père ouvrier ou employé tandis que les étudiants ont plus souvent que les autres un père cadre ou profession libérale. Cela nous amène à utiliser un autre outil statistique afin que le poids des différentes variables soit identifié. L’analyse factorielle des correspondances suivante mobilise à la fois le statut professionnel de l’enquêté, la catégorie socioprofessionnelle du père et la fréquence des échanges téléphoniques entre le père et l’enquêté.

Graphique 27. AFC des fréquences des communications téléphoniques entre les pères et les jeunes adultes suivant la PCS des pères et le statut d'activité des jeunes adultes
Graphique 27. AFC des fréquences des communications téléphoniques entre les pères et les jeunes adultes suivant la PCS des pères et le statut d'activité des jeunes adultes

Il apparaît clairement que la fréquence des communications téléphoniques des pères varie suivant un axe allant des positions sociales des pères les plus dominées aux plus dominantes, sur lequel s’organisent à la fois l’activité des jeunes adultes et la fréquence des communications. Lorsque l’on observe la position des jeunes adultes, c’est également celle du père qui est mobilisée. La position socioprofessionnelle des pères apparaît comme l’élément le plus susceptible d’expliquer les variations de fréquence téléphonique et d’activité des jeunes adultes. Autrement dit, c’est surtout en fonction de la position du père que l’on peut comprendre la fréquence des contacts téléphoniques – plus que par rapport au statut d’activité du jeune adulte –. Si les étudiants sont plus souvent en contact téléphonique avec leur père, c’est d’abord parce que ces pères sont surreprésentés parmi les cadres et professions libérales, lesquels, plus que les autres, sont fréquemment au téléphone avec leur descendant. Plus le milieu d’origine de l’enquêté est élevé, plus les conversations sont fréquentes.

Pour résumer, l’autonomie financière n’est donc pas un critère qui, en soi, permette d’expliquer les différences de fréquence des communications entre parents et enfants.

Notes
101.

Ils représentent 13 % des la population des décohabitants sans parent veuf, soit 74 personnes.