Les familles « relais » (54 %)

Les conversations téléphoniques se font avec chacun des parents, à des moments différents, mais la plupart du temps, leurs fréquences sont comparables (même si les mères sont plus souvent en contact téléphonique que les pères dans 19 % des cas). Les implications directes de chacun des parents sont tendanciellement équivalentes. Il y a donc dans ce régime d’échanges téléphoniques une individualisation des membres du noyau familial puisque, par définition, les informations qui transitent peuvent différer d’un interlocuteur à l’autre. Bien que l’on puisse percevoir, à travers une relative homogénéité des fréquences d’appels entre le père et la mère, la recherche d’une certaine égalité d’un parent à l’autre dans l’intensité de la relation au descendant, il s’agit bien de relations d’une certaine façon « complémentaires ». En effet, les faits ou idées rapportés par le jeune ne sont pas rigoureusement les mêmes suivant l’interlocuteur, d’une part en raison de la mise en interaction de deux personnes du même sexe ou de sexe opposé, ce qui change la teneur du discours [Smoreda et Licoppe, 2000] ; et d’autre part parce qu’il est difficile d’imaginer deux conversations rigoureusement identiques. De la même façon, la communication entre un ascendant et son descendant seulement encourage à l’intimité : d’abord parce qu’il n’y a que deux interlocuteurs, ce qui favorise les confidences personnelles ; ensuite, parce que cette conversation se passe généralement entre les deux résidences des interlocuteurs123 et il s’avère que le « domicile-foyer » participe au caractère intime de la teneur de la conversation124. Cela nous permet de supposer que les liens familiaux sont activés d’individu à individu.

En même temps, l’homogénéité déclarée des fréquences témoigne d’une représentation des parents comme entité, où déclarer qu’on les a au téléphone autant l’un que l’autre est un enjeu important. Chacun des parents est considéré comme susceptible de relayer l’information même si dans les faits, les conversations sont probablement différentes suivant les interlocuteurs en présence.

Notes
123.

90 % des contacts téléphoniques personnels sont inter-résidentiels, c’est-à-dire d’un domicile vers un autre domicile [Rivière, 2000].

124.

Toutefois, la généralisation de l’usage du téléphone portable depuis le moment de l’enquête de Carole-Anne Rivière [2000] laisse supposer que les communications à caractère personnel se sont généralisées dans l’espace public. Il suffit de prendre les transports en commun, par exemple, pour saisir des conversations de ce type. Au contraire, on pourrait même faire l’hypothèse que les espaces temps consacrés aux déplacements constituent des moments propices à ce type de communication alors que le domicile peut être un lieu où la présence des autres résidents limite un usage complètement privé du téléphone. Ces observations n’invalident pas pour autant le profil décrit.