L’incidence de la séparation des parents sur la fréquence des communications téléphoniques entre la mère et le jeune adulte

Nous l’avons vu, les mères apparaissent dans notre enquête comme les « gardiennes » du lien familial (Segalen, 1999) avec des contacts téléphoniques tendanciellement plus fréquents que ceux avec le père. Qu’est-ce que la séparation des parents va entraîner comme modification des comportements en matière d’usage du téléphone ? Quels sont les enjeux sous-jacents à cette nouvelle situation ?

La séparation du couple parental entraîne une résidence principale de l’enfant chez sa mère pour plus de 8 enfants sur 10131. Au quotidien, nos enquêtés ont donc été séparés de leur père, ne le voyant dans le meilleur des cas qu’un week-end sur deux et la moitié des vacances, comme c’est l’usage lorsqu’il est établi une résidence principale. La population enquêtée, âgée de 18 à 30 ans, n’a été que très peu concernée par la résidence alternée132.

A partir du constat que le temps passé avec la mère est bien plus important qu’avec le père, quelles incidences cela a-t-il sur les relations entre les jeunes adultes et leur mère ? Par rapport au père, on pouvait émettre l’hypothèse d’une socialisation différenciée en raison d’un contexte de mise en présence différent suivant le fait qu’il y ait eu séparation ou non. Nous avons d’ailleurs établi que cela entraînait globalement un régime de communications téléphoniques plus faible et des ruptures du lien fréquentes. À propos des relations avec la mère, il semble que les cadres de socialisation soient équivalents, tout au moins en termes de temps passé en présence l’un de l’autre. La séparation des parents n’altère pas le rapport entre la mère et le jeune adulte, lequel reste basé sur l’expérience du quotidien. La décohabitation aurait ainsi les mêmes effets sur la relation, que la mère soit séparée ou non. L’hypothèse que nous pouvons formuler est que la distribution des fréquences des relations téléphoniques entre jeunes adultes et mères ne varierait pas suivant la situation matrimoniale des parents.

Graphique 40. Fréquence des conversations téléphoniques
Graphique 40. Fréquence des conversations téléphoniques entre le jeune adulte décohabitant et sa mère (en %)

Sous-population des décohabitants

Notre hypothèse se vérifie à l’épreuve des données : bien que quelques différences apparaissent entre les distributions des fréquences des appels mères-jeunes adultes, la répartition est globalement équivalente entre les mères séparées et celles qui vivent avec le père (les différences ne sont pas statistiquement significatives).

Il faut pousser les analyses plus avant pour comprendre comment expliquer les légères distorsions que l’on observe, à savoir des appels à l’égard des mères séparées qui sont soit un peu plus fréquents (+ 3 points), soit un peu plus rares (- 5 points) qu’avec les mères mariées. Le tout premier élément d’explication de ces observations serait un comportement complémentaire de la part du père. Cette hypothèse nous amène à faire le constat de la nécessité, pour pouvoir réellement évaluer les relations entretenues avec l’un des parents, de prendre en compte celles développées avec l’autre parent. Il nous faut nous interroger sur le lien qui existe, en tant que système, entre le régime de communication vis-à-vis du père et celui mis en place avec la mère, afin de prendre la mesure du régime relationnel en œuvre dans la famille nucléaire.

Notes
131.

85 % des enfants de parents séparés vivent avec leur mère (95 % des 0-2 ans). 9 % vivent avec leur père (12 % des 15-17 ans) et 6 % hors foyer selon deux enquêtes de l'INED : "Situations familiales 1986" et "Situations familiales et emploi - ESFE 1994". Population, revue de l'INED, n° 1, janvier-février 1999, p. 9-35. La période étudiée correspond globalement à ce qu’ont pu vivre dans leur enfance les individus de population que nous avons enquêtée.

132.

La résidence alternée se développe d’ailleurs actuellement bien moins rapidement que ce qui était pressenti. Elle reste une solution à laquelle il est fait recours de façon très marginale. En octobre 2003, la résidence alternée a été accordée dans 8,8 % des cas (Source : Dossier Arte sur la garde alternée).Ces chiffres sont toutefois le résultat d’une enquête sur un effectif restreint et n’ont pas de signification statistique.