Une approche des contenus des communications téléphoniques

De quoi parlent-ils ? Des échanges téléphoniques fonctionnels à ceux relationnels

Afin de préciser la teneur des conversations téléphoniques, nous avons posé une question concernant la nature des échanges téléphoniques en demandant aux enquêtés quels étaient les thèmes abordés lors des deux dernières conversations par téléphone avec chacun de leurs parents137. Six thèmes de conversation étaient proposés : la santé des enquêtés, leurs études (s’ils étaient étudiants), leur travail, leur famille, des informations pratiques (de type achat, visite ou transport) en général, ainsi que leurs relations avec leurs amis et leurs relations avec leur petit(e) ami(e) ou conjoint(e).

A. Moles (1986) établit une distinction entre deux types purs de communication téléphonique : la communication froide, dite « communication fonctionnelle », et celle chaude, dite « charismatique » ‘ : « la communication fonctionnelle est celle dont la valeur se mesure à l’efficacité (…), la communication chaude est celle visant à la spontanéité, au face à face, à recréer la présence humaine dans sa prégnance et sa chaleur, dans ses errances et ses connotations »138. Claisse G. et Rowe F. (1993) intègrent ces notions à travers les deux types purs que sont la communication fonctionnelle et la communication relationnelle, en distinguant deux catégories mixtes : les communications relationnelles mais pour partie fonctionnelles et les communications plutôt fonctionnelles mais pour partie relationnelles, que l’on qualifiera de mixtes dans un cas comme dans l’autre. Ces distinctions sont, dans des termes approchants, opérées par Martine Segalen qui distingue la fonction « expressive » du téléphone lorsque l’usage qui en est fait vise à maintenir un lien quotidien « tissé des petits riens des heurs et des malheurs des jours et des saisons »139 ; et la fonction « instrumentale » qui consiste plutôt en la communication d’informations précises.

Sur la base de ces principes, les sujets de conversation proposés ont été classés comme relevant de dimensions relationnelles lorsqu’il s’agissait d’aborder les questions des relations avec ses proches (famille, amis ou petit ami), et d’informations fonctionnelles lorsqu’il s’agissait des autres sujets. Ces derniers relèvent effectivement plutôt de dimensions narratives ou organisationnelles, bien qu’il s’agisse probablement de sujets « mixtes » plutôt que purement fonctionnels140.

Notes
137.

Voir la formulation de la question en annexe p 360.

138.

P 38, Moles, 1986. Moles fait en fait ici un emprunt à Max Weber du terme « charismatique » concernant la communication, que ce dernier oppose déjà à celle de « fonctionnelle ».

139.

Segalen, 1999. P 39.

140.

Ces types idéaux de trafic de communication « relationnel » ou « fonctionnel » sont rarement « purs » comme le démontrent Claisse et Rowe (1993), mais opérants pour comprendre la nature des échanges.