Initiatives des communications téléphoniques avec les parents séparés suivant le degré d’autonomisation

Les comportements maternels en matière d’initiative des appels lorsqu’elles sont séparées

Dans quelle mesure la séparation des parents introduit-elle des modifications dans les initiatives des communications téléphoniques entre parents et descendants ? La mise en question des liens intergénérationnels suite à la rupture du lien conjugal est un élément qui tend à nous laissait supposer un surinvestissement ou au contraire un laisser-aller de la part des parents dans l’activation de leurs relations avec leurs descendants. Interroger qui est à l’initiative de l’appel, c’est effectivement y voir un acte visant à prendre soin de l’autre en tant qu’appelant, mais dans le cas présent, c’est plus encore donner un signe d’activation de la relation là où elle ne va plus de soi.

Tableau 56. Initiative des communications téléphoniques entre le jeune adulte décohabitant et sa mère suivant le statut matrimonial de celle-ci et les contacts téléphoniques avec le père (% colonne).
  Mères mariées Mères mariées, l’enquêté a des contacts téléphoniques avec ses DEUX parents Mères mariées
l’enquêté a des contacts téléphoniques
seulement avec sa mère
Mères séparées Mères séparées, l’enquêté a des contacts téléphoniques avec ses DEUX parents Mères séparées
l’enquêté a des contacts téléphoniques seulement avec sa mère
La mère appelle 54 52 67 59 55 65
L’enquêté appelle 46 48 33 41 45 35

Sous-population des décohabitants.

De fait, les données nous montrent que les mères séparées seraient plus souvent à l’initiative des appels que celles qui vivent avec le père, mais l’écart entre les deux distributions n’est pas significatif.

En considérant la famille nucléaire comme un système même lorsque les parents sont séparés, nous devons prendre en compte, pour cette configuration familiale également, la présence ou l’absence de communication téléphonique avec le père.

Lorsque des liens ont été maintenus avec le père au-delà de la rupture conjugale, les mères apparaissent un peu plus souvent à l’initiative des appels que celles qui sont restées avec le père. Ce résultat va donc dans le sens des suppositions quant à une plus grande démonstration de l’attachement à la relation et à l’expression de la fonction maternelle. Mais la fragilité statistique des données ne permet pas d’affirmer de façon claire une différence de pratique entre les mères suivant leur expérience matrimoniale.

Lorsqu’il n’y a pas de contact téléphonique avec le père, la tendance est globalement la même que lorsque les parents vivent ensemble : la mère est plus souvent à l’initiative des appels au descendant. Elle compense d’une certaine façon la défaillance paternelle. Mais cette compensation est moins forte que lorsque les parents sont mariés (10 points contre 15 points). Là où nous observions que pour les enquêtés – surtout des filles – qui n’avaient pas de contacts téléphoniques avec leur père une augmentation des fréquences de communications avec la mère, il s’avère que ce sont relativement moins souvent du fait des mères que des filles que ce rapprochement a lieu. Nous pensions que la mère avait tendance à surinvestir le lien générationnel après une séparation où le père rompait la relation avec ses enfants, et nous observons que, en comparaison avec celles qui vivent avec le père, ces mères sont plutôt moins souvent à l’initiative des appels à leurs enfants, même s’ils restent plus fréquents que lorsque le père est présent. Autrement dit, l’absence du père dans l’usage du téléphone entraîne bien une forme de compensation de la part de la mère, mais sa rupture matrimoniale ne constitue pas un élément qui renforce cette tendance, et même au contraire. En fait, nous pouvons même nous demander s’il n’y a pas finalement un certain renversement des rôles : des communications plus fréquentes quand le père n’est pas présent dans le régime relationnel familial, et relativement plus souvent à l’initiative des jeunes adultes quand les parents sont séparés, ce qui peut signifier que ce sont les descendants qui exercent une fonction de soutien vis-à-vis de leur mère.

Afin de compléter cette analyse des comportements maternels lorsqu’il y a eu séparation, nous pouvons prendre en considération le contexte spécifique de ces mères pour comprendre cette plus forte propension à téléphoner à leurs descendants que celles qui sont en couple. Le fait de résider seul, nous l’avons établi pour les jeunes adultes, entraîne pour leur part une plus forte utilisation du téléphone. Peut-on également faire cette observation pour les mères qui résident seule et expliquer pour partie la plus forte propension à se saisir du téléphone ? En effet, nous savons que les mères séparées ne se remettent en couple que dans un peu plus d’un tiers des cas167, ce qui implique qu’elles puissent être confrontées à une certaine solitude. Celle-ci nous amène à supposer une plus grande initiative dans les appels. En fait, nous observons bien une plus grande fréquence des appels quand la mère vit seule, mais elle n’est pas pour autant réellement plus souvent à l’initiative des appels que lorsqu’elle vit à nouveau en couple. La solitude amène donc à multiplier les contacts téléphoniques avec leurs descendants, mais leur initiation est partagée de la même façon qu’elle soit seule ou en couple. Autrement dit, la multiplication des échanges téléphoniques parce que la mère est seule ne change pas la structure appelant/appelé, ce qui signifierait que cela ne renverse pas les rôles et les fonctions de chacun.

Tableau 57. Fréquence et initiative des appels entre les jeunes adultes et leur mère suivant la recomposition du ménage de cette dernière (% ligne).
  Fréquence des contacts téléphoniques
avec la mère
Initiative des appels téléphoniques avec la mère
  plusieurs fois par semaine une fois par semaine une fois tous les 15 jours ou moins Mère à l’initiative de l’appel Enquêté à l’initiative de l’appel
Mère remise en couple 38 26 36 57 43
Mère résidant seule 47 42 11 59 41
Ensemble des mères 44 36 20 59 42

Sous-population des décohabitants dont les parents sont séparés sans veuf

Notes
167.

Parmi les parents séparés des jeunes adultes décohabitants de notre enquête, 37 % des mères se sont remises en couple contre 54 % des pères. Ces résultats corroborent les observations faites à des échelles plus importantes [Neyrand, 2001 ; Cassan, Mazuy, Clanché, 2005].