Pour résumer,

pour les jeunes adultes dont les parents sont mariés, l’accès à l’indépendance vis-à-vis de la sphère parentale entraîne globalement un changement de comportement téléphonique : d’initiateurs des appels, car investis de la prise en charge de leurs enfants, les parents passent peu à peu le relais à leur descendant. Martine Segalen [1999] évoque également la peur des parents de déranger leurs enfants qui les empêche d’appeler, tout en trouvant légitime que ceux-ci fassent des efforts pour appeler régulièrement. Il s’agit donc de comportements et de pratiques négociés. Mais il semble que pour autant, le statut des jeunes adultes ait son importance : l’autonomie financière semble l’élément qui marque le pas de plus important dans l’indépendance et qui amène les parents à reconsidérer leur rôle et donc leurs pratiques téléphoniques. Le père y est un peu plus sensible que la mère, dont on a vu que la pratique variait un peu moins suivant les critères d’indépendance testés. Le plus surprenant de ces résultats est sans doute le peu d’effet de la mise en couple sur la distribution des rôles entre appelant et appelés. Les observations de Martine Segalen sur le souci des parents de déranger allaient pourtant également dans le sens de l’hypothèse formulée d’une moins grande intrusion des parents par le téléphone dans ce ménage nouvellement constitué, dans lequel le statut d’enfant des jeunes adultes apparaissait, à priori, mis à mal. Ce résultat ne serait-il finalement pas l’indice que la « cohabitation juvénile », au sens où l’utilisait Louis Roussel et Odile Bourguignon [1978], s’est complètement démocratisée et qu’elle constitue un passage d’une certaine façon « banal » qui n’entraîne pas, pour les parents, de modification dans la perception qu’ils ont du rôle à tenir vis-à-vis de leurs descendants ?

En revanche, ceux dont les parents sont séparés voient beaucoup moins varier les comportements téléphoniques en matière d’initiative des appels. La plus grande spécificité est peut-être la variation du comportement maternel suite à la mise en couple du jeune adulte. Ce résultat donne deux impressions. La première c’est que le fait que le jeune adulte se mette en couple est plus important pour celle-là même qui pourrait minimiser cette dimension, vu qu’elle s’est à un moment séparée du père de ses enfants. Cela pourrait laisser supposer une valorisation d’autres sphères de la vie sociale. Pourtant, sans doute en raison de cette expérience, c’est cette dimension qui est plus particulièrement prise en compte. Il s’agit ainsi d’une forme de valorisation de cet aspect. La deuxième impression qui émane de ces résultats, c’est que les indicateurs habituels permettant d’évaluer l’autonomisation matérielle des jeunes adultes de la sphère parentale ne fonctionnent pas. L’âge et le régime d’activité ne donnent pas lieu à une variation des initiatives d’appel, alors même qu’il y a corrélation entre ces dimensions quand les parents sont encore ensemble. La question de l’autonomie précoce des jeunes adultes dont les parents sont séparés réapparaît alors comme hypothèse plausible. A moins que d’autres indicateurs d’autonomisation soient à mobiliser pour cette population spécifique.