Rester à sa place de parent

La troisième attente que l’on peut recenser dans les propos des jeunes adultes concerne le respect de la place et du rôle de chacun.

La confusion des pères quant au statut de leur interlocuteur apparaît dans différents entretiens :

Caroline « …Et c’était vraiment affreux quoi, ce chantage, ce truc de « je suis malheureux », d’appeler ici comme si j’étais sa mère, alors que je suis sa fille, pour parler de lui, pour dire « je suis triste, je trouve pas la femme de ma vie »… à se plaindre au téléphone. J’en ai eu marre et voilà quoi ! »’

Caroline se plaint très clairement de la difficulté de gérer ce changement de rôle que son père lui impose. Il lui apparaît qu’il ne la perçoit plus comme sa descendante mais comme un autrui sans positionnement généalogique. Elle ne perçoit plus chez lui l’exercice du rôle de protection et d’initiateur de la relation qu’elle attend.

D’une certaine façon, Prune fait aussi état de ce type de perception à propos de son père :

Prune « Il a des problèmes de frics en ce moment, il me dit : « ho, mais moi ça ne me dérange pas d’avoir des problèmes de fric, moi je peux très bien vivre sans sous… ». Je lui dis : « mais papa, t’as quand même fait 6 enfants ! Enfin ». Quand on fait 6 enfants… Tu vois, lui, il dit « moi, ça ne me dérange pas » Mais je trouve que quand t’as fait des enfants, enfin, t’assumes, quoi ! Lui, il assume pas franchement. »’

Son père lui parle sans tenir compte du fait qu’il a un devoir nourricier à son égard en tant que père. Il va même jusqu’à considérer que ses difficultés financières sont essentiellement personnelles alors qu’en fait il a encore sous sa responsabilité quatre de ses enfants mineurs. Avec ce type de propos, il renforce chez Prune le sentiment qu’il n’assume pas son rôle de père, ce qui fragilise d’autant plus leur relation qui existe essentiellement par la spécificité du lien de filiation qui les unit.

Nous pouvons donc penser qu’un des attendus de la relation entre ces jeunes adultes et leur père est que ces derniers maintiennent à leur égard un discours approprié à leur statut, en ne les considérant pas comme des amis ou des parents alors qu’ils sont leurs descendants.