Prendre soi-même le rôle d’aidant

L’autre façon de se confronter à cette question du désintérêt paternel consiste à se positionner comme acteur du lien avec le père en adoptant une attitude protectrice à l’égard du père.

Stéphanie « Et vous ne pouvez pas reparler des choses qui t'ont blessée, ou dont tu n’étais pas contente...’ ‘S. Non, parce que je pense que cela se finirait ... Je pense qu'il en est conscient, mais justement, de l'entendre, je pense que cela lui ferait du mal, et ce mal ressortirait à mon avis en colère... moi, c'est mon point de vue, donc je... J'en parlerai pas, donc, avec lui, non. Par contre quand il en parle, des fois, je (inintelligible), je lui fais comprendre. Mais à part ça on s'entend bien, je veux dire. »’ ‘ Belle « Mais c’est vrai que la relation que j’ai avec mon père est totalement ambiguë. Je suis un peu hypocrite aussi. Normalement, je n’ai pas l’habitude de l’être, mais vu qu’il est hypocrite avec moi, je le suis un peu aussi, quoi. J’ai des choses à lui reprocher, c’est vrai, je lui en veux pour certaines choses, mais je lui dirais pas. Parce que je sais très bien que ça foutrait tout en l’air, alors que pour l’instant, on s’entend. »’

Par stratégie, ces deux enquêtées préfèrent se taire, arrondir les angles plutôt que de confronter leur père à ce qu’elles ressentent. Elles négocient la paix dans la relation au prix de leur silence. En ce sens, elles s’efforcent d’endosser, d’une certaine façon, le rôle de parent puisqu’elles tendent à protéger et à prendre soin de leur ascendant.

Toutes deux utilisent le terme de « s’entendre » pour décrire la relation avec leur père. L’emploi de ce verbe traduit en fait l’existence d’un échange entre eux, mais sans qu’il ne soit possible de qualifier plus précisément la nature de celui-ci. Le lien existe, mais il est fragile.