Jean-Marie Gustave Le Clézio

Né à Nice en 1940, parcourt les continents africain et américain tout en effectuant de fréquents passages en Europe, et vit aujourd’hui au Nouveau Mexique (Etats-Unis).

La vie de Jean-Marie G. Le Clézio est avant tout parcours. Et, de ces nombreux voyages qui ont ponctué son existence, il résulte une somme d’ouvrages imprégnés de cultures et d’imaginaires variés, avant tout marqués par l’errance. Tout y est mouvement : d’une famille littéraire à une autre, cette carrière commencée par un apparentement au Nouveau Roman français se poursuit par une forte inscription dans l’espace littéraire francophone95. Il est ainsi possible, en lisant sa bibliographie, de retracer son parcours : né à Nice (Le Procès-verbal, 1963 ; La Fièvre, 1965 ; Etoile errante, 1992), il passe une partie de son enfance en Afrique avec son père (Onitsha, 1991 ; L’Africain, 2004) où il retourne bien plus tard, entre autres lieux, au Maghreb (Désert, 1980 ; Poisson d’or, 1997). Après avoir encore traversé le continent américain (Relation de Michoacán, 1984 ; Le Rêve mexicain, 1988 ; Diego et Frida, 1993 ; La Fête chantée, 1997), tout en ponctuant ces voyages par des passages en Europe, il a aujourd’hui posé ses bagages au Nouveau Mexique où il enseigne le français.

Cet imaginaire marqué par les voyages et les rencontres trouve aussi ses racines dans le parcours de ses ancêtres : Sirandanes et son petit lexique de la langue créole et des oiseaux (1990), seul texte de l’auteur écrit exclusivement en créole mauricien, témoigne de l’importance de ses « origines mauriciennes »… origines qu’il est possible de retrouver dans ce que Danielle Tranquille nomme « une trilogie sur la trace des origines, de ses origines »96, à savoir : Le Chercheur d’or (1985), Voyage à Rodrigues (1986) et La Quarantaine (1995).

Voyage à Rodrigues, « texte séminal »97 se retrouvant dans Le Chercheur d’or, retrace le parcours d’un jeune homme sur l’île éponyme, à la recherche des traces de son grand-père, lui-même ayant auparavant quêté d’autres traces, celles d’un corsaire ayant jadis parcouru l’île pour y cacher un trésor (Le Chercheur d’or). La quête de l’ancêtre est avant tout quête de soi, et l’errance de ce jeune homme sur cette île des Mascareignes vaut pour une introspection : ce trésor qu’il est venu chercher, l’or de son (défunt) grand-père, c’est en lui qu’il va le trouver. Passé et présent se confondent et la quête de l’aïeul se meut en une quête identitaire. La recherche assidue des racines, par le travail de la mémoire, est encore au cœur de La Quarantaine.

Dans cette « trilogie » dont le troisième volume a été publié près de dix ans après les deux premiers, Jean-Marie G. Le Clézio affirme son appartenance à une francophonie ouverte : la langue est française, mais l’imaginaire est autre… l’exil de ses ancêtres en terre inconnue, la culture et l’imaginaire mauriciens qui en résultent et qui ont bercé son enfance, son exil présent et le souhait – au moins par l’écriture – de renouer avec ses origines perdues, sont autant de motifs qui contribuent à façonner, dans ses textes, un imaginaire de l’exil et de la rencontre. Mais, cette « trilogie mauricienne » n’est pas isolée dans sa biographie. Elle trouve des échos dans un ensemble bibliographique marqué par d’autres exils, d’autres rencontres : rencontres entre les temps où se croisent inlassablement passé et présent, mais surtout rencontres entre les espaces où viennent simultanément cohabiter Europe, Amérique, Afrique, océan Indien. Rencontres encore continuellement renouvelées, comme peut en témoigner la récente publication de Révolutions (2003).

Avec Nabile Farès, Jean-Marie G. Le Clézio est l’auteur de notre corpus qui a été le plus étudié. Sa renommée internationale, acquise depuis le prix Renaudot attribué pour sa toute première publication (Le Procès-verbal, 1963), est encore confirmée par des distinctions littéraires telles que celle du « plus grand écrivain francophone » (magazine Lire, 1994) et celle du Puterbaugh pour l’ensemble de son œuvre (1997). Elles font de lui l’un des auteurs francophones le plus lu (son œuvre est traduite en anglais, en allemand, en chinois, en espagnol, en hébreu, italien, japonais, portugais, russe, etc.) mais encore l’un des plus étudiés à travers le monde ; non pas parce que cette œuvre parle à tout le monde, mais plutôt parce qu’elle s’adresse à chacun. Le Clézio est en effet lu et étudié dans tous les espaces qu’il a visité : en Amérique du Nord et du Sud, en Afrique, dans l’océan Indien, etc. Ce n’est semble-t-il pas la marque d’une mondialité, mais plutôt d’un amarrage marqué et affirmé, simultanément, dans chacun de ces lieux du monde. Il existe donc à ce jour un nombre considérable de travaux (ouvrages, travaux universitaires, articles, etc. dans diverses langues) traitant soit de la totalité, soit d’une partie de son œuvre. Les axes d’étude le concernant sont donc multiples. Il est par ailleurs possible d’en dégager certains  dans les grandes lignes :

  • Les études d’œuvres choisies : soit d’une œuvre en particulier, soit de plusieurs œuvres, par rapport à un thème choisi (Désert étant sans conteste celui qui a suscité le plus d’engouement auprès de la critique98). Par ailleurs, ce type d’analyse se retrouve également dans des ouvrages plus larges, ayant pour objectif de parcourir l’ensemble de l’œuvre de Le Clézio99. Notons ici que Le Chercheur d’or, Voyage à Rodrigues et La Quarantaine ont déjà fait l’objet d’études de ce type, soit individuellement100, soit de manière comparative101.
  • Les études formelles, traitant de l’une des particularités de l’écriture et de la littérarité de l’auteur (étude générique, étude stylistique, etc.).102
  • Les études thématiques, s’attachant davantage à interroger un thème particulier propre à l’œuvre leclézienne (les plus fréquents sont : la solitude/le silence103, L’espace/le rapport au monde104, l’altérité105, la quête identitaire106, le mythe107, et la nostalgie de l’enfance et des origines108).
  • Les études régionales : celles-ci portant en général sur un espace géographique défini présent soit dans une œuvre, soit dans un ensemble d’œuvres. C’est d’ailleurs dans ce type d’analyse que se retrouvent le plus souvent étudiés les rapports de l’auteur aux îles india-océanes, et notamment Maurice109 ; mais aussi Nice110.
  • Enfin, des études plus globales concernant un genre, une période, un thème ou une figure littéraire, ne portant pas spécifiquement sur l’œuvre leclézienne, mais se servant de celle-ci comme repère contemporain.111

Bien évidemment, les axes définis ici ne sont pas fermés, et entrent parfois en interaction. Toutefois, ce sont là les principales orientations choisies par la critique. Pour ce qui est du thème de l’exil dans l’œuvre de Le Clézio, il a parfois été abordé : dans l’ouvrage de Jean-Xavier Ridon112, ou celui de Gérard De Cortanze113, par exemple, qui se propose entre autres de retracer le parcours de l’auteur. Mais, ces études ne traitent ce thème que dans une perspective interne à l’œuvre leclézienne ; il n’y a pas ici de comparatisme. Par ailleurs, concernant la lecture de ce thème, ce sont les articles qui mettent à jour le plus grand nombre de références, et notamment dans le champ des analyses de type régional liées à l’espace india-océanique114. Si dans les quelques exemples présentés ci-dessus il est possible de constater que cet auteur a été comparé avec d’autres, rares sont les références (par rapport à l’importance de la production critique le concernant) à proposer une étude comparative de son œuvre ou de l’un de ses textes avec, notamment, d’autres auteurs francophones115. Il n’y a donc à ce jour aucune lecture croisée de l’écriture de Jean-Marie G. Le Clézio avec celle des auteurs de notre corpus.

Par ailleurs, comme pour Nabile Farès, la production de Jean-Marie G. Le Clézio n’est pas qu’artistique : il est également possible de trouver un grand nombre de références de l’auteur proposant soit des études d’œuvres littéraires116, soit des textes portant sur d’autres domaines artistiques, entre autres le cinéma117. Ce type de production n’est pas anodin dans la mesure où, comme l’a par exemple souligné Germaine Brée118, il semble possible de lire dans le parcours de Le Clézio une interaction entre littérature et cinéma. La lecture de Ballaciner, paru cette année, peut en apporter un témoignage.

Notes
95.

Pour un portrait plus détaillé, axé sur le rapport de ce « plus grand écrivain-voyageur de sa génération » à la francophonie, voir : Bénedicte Maugière et Bruno Thibault, « Le Clézio : La Francophonie et la question postcoloniale », in Nouvelles Etudes Francophones, CIEF, vol. 20, n° 2, automne 2005, pp. 9-15 (notons que ce numéro de Nouvelles Etudes Francophones est consacré à l’auteur).

96.

Danielle Tranquille, Paroles d’île. Analyse de l’espace dans les romans « mauriciens » de Jean-Marie Le Clézio, Ananda Devi, Marie-Thérèse Humbert et Carl de Souza, République de Maurice, Educational Production Limited, 2000, p. 13.

97.

Idem.

98.

A titre d’exemple, en seulement trois ans, quelques années après sa publication, trois ouvrages ont été exclusivement ou partiellement consacrés à ce roman : Madeleine Borgomano, Désert de J.-M.G. Le Clézio, Paris, Bertrand Lacoste, 1992 ; Simone Domange, Le Clézio ou la quête du désert, Paris, Imago, 1993 ; et : Bruno Doucet, Désert de Le Clézio, Paris, Hatier, 1994.

99.

Nous pensons à l’ouvrage : Jean Onimus, Pour lire Le Clézio, Paris, PUF, 1994 ; au recueil d’études : Sophie Jollin-Bertocchi (dir.), Lecture d’une œuvre : J.M.G. Le Clézio, Paris, UVSQ, 2004 ; et à la récente thèse : Marina Salles, Le Clézio « peintre de la vie moderne ». La représentation du monde contemporain, du “Procès-verbal ” à “Révolutions , TD, M.-F. Canérot, Université de Poitiers, 2004.

100.

A titre d’exemple, la récente réédition d’un ouvrage portant exclusivement sur l’un de ces textes : Isabelle Roussel-Gillet, Le Clézio, Le Chercheur d’or, Paris, Ellipses, 2005 ; ou encore cet article portant sur La Quarantaine : Madeleine Borgomano, « La Quarantaine de Le Clézio et le vertige intertextuel », in Cahiers de Narratologie, n° 13 « Nouvelles approches de l’intertextualité », France (Nice), Revel@Nice - CIRCLES, <http://revel.unice.fr/cnarra/index.html?id=317>, sept. 2006.

101.

Nous pensons par exemple à : Bruno Thibault, « La Métaphore exotique : l’écriture du processus d’individualisation dans Le Chercheur d’or et La Quarantaine de J.M.G. Le Clézio » in The French Review, Vol. 73, n° 5, avril 2000, pp. 845-861.

102.

En ouvrage : Martha Pardo Segura, La réflexion de J.-M.G. Le Clézio sur l’écriture, France, PU du Septentrion, 1998 ; et : Michelle Labbé, Le Clézio, l’écart romanesque, Paris, L’Harmattan, 1999 ; et pour les travaux universitaires : Mohamed Benjelloun, La Métaphore dans l’œuvre romanesque de J.-M.G. Le Clézio. Etude stylistique., TD, Université El Jadida, 1999.

103.

Exemples : Ruth Amar, Les Structures de la solitude dans l’œuvre de J.-M.G. Le Clézio, Paris, Publisud, 2004 ; ou : Jacqueline Michel, Une mise en récit du silence. J.-M.G. Le Clézio, Bosco, Gracq, Paris, José Corti, 1986.

104.

Teresa Di Scanno, La Vision du monde de Le Clézio : cinq études sur l’œuvre, Naples / Paris, Liguori / Nizet, 1983 ; et : Anne Viel, L’Espace dans l’œuvre de J.-M.G. Le Clézio. La dialectique du réel et de l’imaginaire, D3, Y.-A. Favre, Université Paris 4, 1985.

105.

Exemples : Jeana Jarlsbo, Ecriture et altérité dans trois romans de J.-M.G. Le Clézio : Désert , Onitsha , La Quarantaine, Suède (Lund), Université de Lund, 2003 ; et : Pasquier Guillermet, La Quête de l’altérité dans l’œuvre de J.-M.G. Le Clézio, TD, J. Pierrot, Université de Rouen, 1993

106.

Martin Bronwen, The Search of Gold in J.-M.G. Le Clézio, London/Dublin, Philomel, 1995 ; et encore : Jacqueline Dutton, Le Chercheur d’or et d’ailleurs. L’utopie de J.-M.G. Le Clézio, Paris, L’Harmattan, 2003.

107.

Par exemple : Jennifer Waelti-Walters, Icare ou l’évasion impossible. Etude psycho-mythique de l’œuvre de J.-M.G. Le Clézio, Canada (Sherbrooke), Naaman, 1981.

108.

Véronique Pagès-Jodlowski, Ecriture et nostalgie des origines dans l’œuvre de JMG Le Clézio, TD, F.-C. Gaudard, Université de Toulouse 2, 2000 ; et : Thomas Jappert, Le Thème de l’enfance dans l’œuvre de J.M.G. Le Clézio, D3, R. Jean, Université Aix-Marseille 1, 1983.

109.

Danielle Tranquille, Paroles d’île , op. cit. ; et pour les articles : Alessandra Ferrao, « Espaces réels, espaces rêvés dans Le Chercheur d’or et Voyage à Rodrigues de J.-M.G. Le Clézio », in L’océan Indien dans les littératures francophones, Paris, Karthala/Presses de l’Université de Maurice, 2001, p. 485-495 ; et : Kumari Issur R., « Multilinguisme, intertextualité et interculturalité dans la littérature mauricienne. Le cas de M.-T. Humbert, A. Devi, et J.-M.G. Le Clézio », in Ecrire en langue étrangère. Interférences de langues et cultures dans le monde francophone, France (Réunion), Nota bene (Les Cahiers du CRELIA), 2003, p. 339-355.

110.

A ce sujet, l’Association des lecteurs de J.-M.G. Le Clézio (créée en 2005) proposera en première publication un recueil d’études (de type régional) portant sur Nice et ses représentations dans l’oeuvre de l’auteur (parution des Cahiers Le Clézio n°  1 prévue pour 2007, cf. <www.associationleclezio.com>).

111.

Il s’agit par exemple des ouvrages : Roger Mathé, L’Exotisme : de Homère à Le Clézio, Paris, Bordas, 1985 ; ou de : Vijayen Valaydon, Le Mythe de Paul et Virginie dans les romans d’expression française et dans Le Chercheur d’or de J.-M.G. Le Clézio, Maurice, Océan Indien, 1992 ; et nous pourrions encore citer la thèse de : Patrick Maisonneuve, L’Univers mythologique du roman français contemporain d’Alain Robbe-Grillet à J.-M.G. Le Clézio, D3, J. Levaillant, Université Paris 7, 1971.

112.

Jean-Xavier Ridon, Michaux, J.-M.G. Le Clézio : l’exil des mots, Paris, Kimé, 1995.

113.

Gérard De Cortanze, Le Clézio : le nomade immobile, Paris, Le Chêne, 2001.

114.

Par exemple : Jean-Phillipe Imbert, « J.M.G. Le Clézio, Writer of Exile : A Traitment of Childwood and Exile in Désert and Etoile errante », in Exiles and Migrants : Crossing Thresholds in European Culture and Socity, Angleterre, Sussex Academic, 1997, pp. 201-211; ou encore : Bénédicte Maugière, « Le Mythe de Robinson revisité par Tournier et Le Clézio », in L’océan Indien dans les littératures francophones, Paris, Karthala/Presses de l’Université de Maurice, 2001, pp. 463-474.

115.

L’un de ces travaux propose une étude comparative de l’œuvre de Le Clézio et de celle de Mimouni, par le biais des analyses de leurs incipit et clausules : Khalid Zekri, Etude des incipit et clausules dans l’œuvre romanesque de Rachid Mimouni et celle de Jean-Marie Gustave Le Clézio, Thèse de Doctorat sous la direction de Charles Bonn, Université Paris 13, 1998.

116.

Nous pouvons citer ici son mémoire sur Michaux (La Solitude dans l’œuvre d’Henri Michaux, mémoire de Diplôme d’Etudes Supérieures, Faculté des Lettres d’Aix-en-Provence, 1964), ou l’une de ses nombreuses contributions à la Nouvelle Revue Française, portant notamment sur l’œuvre de Lautréamont…

117.

Nous pensons notamment à la préface des Notes sur le cinématographe de Robert Bresson (Paris, Gallimard, 1988), ou encore au texte « La Magie du cinéma » présenté dans Les Années Cannes : 40 ans de festival (France / Suisse, 5 continents / Hatier, 1987).

118.

Germaine Brée, Le Monde fabuleux de J.-M.G. Le Clézio, Amsterdam, Rodopi, 1990.