Né en Montbéliard (France) en 1938, a passé son enfance et son adolescence à l’île de La Réunion et vit aujourd’hui à Paris.
Après avoir longtemps fait débat sur l’île, le statut de Jean Lods ne fait plus polémique aujourd’hui : écrivain « de nulle part » dont l’imaginaire baigne dans celui de La Réunion, il lui est désormais accordé une place méritée dans le répertoire de la littérature réunionnaise119. N’ayant vécu qu’une partie de sa vie dans l’île (son enfance, jusqu’en 1956) et écrivant à partir d’un ailleurs (Paris), Jean Lods, par son écriture, propose des rencontres : rencontres géographiques entre des espaces continentaux et insulaires, entre la métropole française et l’île india-océane, mais aussi rencontres temporelles entre le présent et le passé. Tout est déplacement, mobilité, entre des zones géographiques et temporelles distinctes qui tentent, sans cesse, de s’amarrer… et, comme un pont tendu entre ces rives, dans l’ensemble de son œuvre revient toujours une même question : comment se (re)trouver et se (re)construire lorsqu’on est de nulle part et de partout à la fois, lorsqu’on est en exil ?
Son écriture est avant tout marquée par un mouvement de perpétuel va-et-vient, réel ou imaginaire, entre l’île et la métropole, entre le passé de l’île et le présent de ce qui ressemble de plus en plus à un exil : La Morte saison (1980), son premier « roman réunionnais », retrace l’histoire de Martin qui, après une vingtaine d’années d’absence, décide de retourner à Salazie (l’un des trois cirques de l’île de La Réunion), pour y retrouver les images de son enfance ; Le Bleu des vitraux (1987) retrace celle d’un homme qui tente de retrouver, à La Réunion, la couleur perdue de ses souvenirs et de son enfance ;et encore Mademoiselle (publié en 1994, mais écrit bien avant, entre 1987 et 1991) vient boucler ce tournant réunionnais… Après ce dernier « roman réunionnais », les narrateurs ne seront plus de plain-pied sur l’île, mais ils y voyageront par l’imaginaire, comme c’est le cas dans Sven (1991) où le narrateur est situé sur une autre île (celle des Wadden dans la mer du Nord) et qui, par le travail de la mémoire, essaie de reconstituer le puzzle de son enfance passée sur la première île – La Réunion – devenue trop lointaine…
La trame narrative de ses romans est souvent, à quelques variantes près, la même : un personnage, par le travail de la mémoire, fait un pèlerinage sur les lieux de son enfance, et revisite le passé de l’île. Tout se mélange alors, se croise, et le présent devient passé, et inversement ; ce qui peut être illustré par Quelques jours à Lyon (son dernier roman, publié en 1994,) où, continuellement, par le jeu des va-et-vient, le narrateur quitte l’Europe – qui est pourtant le lieu du présent – pour se plonger dans l’océan Indien, dans La Réunion des années 1940-1950, afin d’y conter l’histoire d’un père absent : depuis Lyon, il imagine alors l’enfance de ce dernier sur l’île. Les repères s’effacent et disparaissent au fil d’une écriture qui tente toujours de remonter le temps, et qui inlassablement – et peut-être même inévitablement – à chaque fois, semble s’ancrer au large de l’espace réunionnais120.
Tout comme Monique Agénor, Jean Lods figure dans les anthologies concernant la littérature réunionnaise contemporaine121. Egalement, en comparaison avec celles de Le Clézio ou de Farès, l’œuvre de Jean Lods n’a été que peu étudiée.
Les principaux axes d’études concernant les ouvrages de Jean Lods s’inscrivent dans des perspectives différentes et complémentaires : des études comparatives et thématiques (l’exil, en comparaison avec des textes de Nabile Farès et de Jean-Marie G. Le Clézio122), et des études monographiques ciblées portant essentiellement sur la figure maternelle 123 ou sur la mise en œuvre d’une littérature personnelle 124. Concernant ce dernier axe, nous tenons à souligner que les travaux d’Annick Gendre ont abouti à une importante thèse soutenue en juin 2007125. A ce jour, et à notre connaissance, il s’agit de la seule thèse monographique consacrée à Jean Lods. Dans cette étude, Annick Gendre porte essentiellement ses interrogations sur la manière dont la dialectique de « l’espace triangulaire reliant La Réunion, l’Europe et l’espace nordique »126, par des jeux de croisement, travaille en profondeur l’œuvre lodsienne (du Silence des autres à Mademoiselle). Par ailleurs, il est également possible de trouver quelques références sur l’écriture lodsienne dans diverses études qui concernent, de manière plus large, l’étude du roman réunionnais contemporain. Ces études abordent par exemple les problématiques de l’altérité 127, de la mort 128 ou de l’enfance 129. Enfin, aucun ouvrage ne lui a pour le moment été exclusivement consacré130. Par ailleurs, puisque nous avons souligné les rapports de Monique Agénor et de Jean-Marie G. Le Clézio au cinéma, il peut être intéressant de préciser également celui de Jean Lods à cet art. Depuis plusieurs années, dans un cadre associatif, en tant que directeur de publication et rédacteur, Jean Lods participe activement à la réalisation de revues cinématographiques131. Le cinéma est donc présent dans sa vie, ce qui ne manque semble-t-il pas de laisser des traces dans sa production littéraire…
Un témoignage de cette ancienne polémique peut être lu au travers d’un article de Jean-Louis Joubert : « Jean Lods, réunionnais par l’écriture », in Littératures de l’océan Indien, France (Vanves), EDICEF, 1991, p. 235-236.
Pour un portrait de Jean Lods par lui-même, une présentation personnelle des interactions entre son parcours personnel et son écriture, nous renvoyons au texte intitulé « Exil et Ecriture » qu’il nous a fait parvenir le 14 septembre 2007 (cf. Annexe I bis).
Agnès Antoir, Marie-Claude David-Fontaine, Félix Marimoutou, Evelyne Pouzalgues et Jean-François Samlong, 2004, op. cit. ; « Jean Lods » : p. 90-93.
Stéphane Hoarau, 2002, op. cit.
Karine Payet, Figures et lieux du maternel dans Le Bleu des vitraux et Mademoiselle de Jean Lods, Mémoire de Maîtrise sous la direction de Mr Jean-Claude Carpanin Marimoutou, Université de La Réunion, 2001.
Annick Gendre, La Représentation de soi dans le Bleu des vitraux de Jean Lods, Maîtrise, Martine Job, Université Michel Montaigne - Bordeaux 3, 1995 ; et : Annick Gendre, Bilan des écrits critiques sur les littératures personnelles : prolégomènes à une lecture de l’œuvre de Jean Lods, D.E.A., Martine Job, Université Michel Montaigne - Bordeaux 3, 1996.
Annick Gendre, La Représentation de soi à travers la textualisation de l’espace insulaire réunionnais : étude de l’œuvre de Jean Lods, TD, Martine Mathieu-Job, Université Michel Montaigne - Bordeaux 3, 2007.
Ibid., p. 78.
Jean-Claude Carpanin Marimoutou, Le roman réunionnais. Une problématique du Même et de l'Autre. Essai sur la poétique du texte romanesque en situation de diglossie, TD, Robert Lafont, Université Paul Valéry – Montpellier 3, 1990.
Jean-François Samlong, La Mort dans le roman réunionnais contemporain, TD, Jean-Claude Carpanin Marimoutou, Université de La Réunion, 1994 ; Jean-François Samlong est également l’auteur de deux articles portant sur ce thème dans l’œuvre lodsienne : « Jean Lods : la maison du silence et de mort », in Jean-Claude C. Marimoutou et Jean-Michel Raucault (textes réunis par), L’Insularité : Thématique et Représentation , Paris, L’Harmattan, 1995, et : « Quand la mort se cache dans le désir d’amour (une lecture de La Morte saison de Jean Lods) », in Travaux et documents, « Le discours et ses sites. Mélanges de linguistique et de littérature offerts à Michel Carayol », (textes réunis par Jean-Claude Marimoutou), France (Réunion), Université de la Réunion, n°6 & 7 – juin-octobre 1995.
Sylvaine Lydie Condapanaiken-Duriez, L’enfant dans le roman réunionnais contemporain d’expression française. Proposition de lecture du texte romanesque réunionnais, TD, Jean-Louis Joubert, Université Paris-Nord XIII, 1999.
Il est envisagé une publication pour la thèse d’Annick Gendre.
Nous pensons par exemple à La Lettre de Pro-fil dont Jean Lods est le président (cf. Annexes : Bibliographie générale des auteurs).