Décloisonnement et circulation

S’ouvrir aux échanges, transgresser les frontières, signifie donc ne pas fermer une œuvre à un espace unique, ne pas ignorer les circulations qu’elle réalise et qui la font. A ce sujet, l’ancienne polémique concernant l’appartenance littéraire de Jean Lods – et le positionnement même de l’auteur – peut être exemplaire. En 1991, dans son ouvrage proposant un panorama des littératures de l’océan Indien, Jean-Louis Joubert s’interrogeait au sujet du cas Lods :

‘[I]l pose un réel problème de classification. Peut-on le considérer comme un écrivain réunionnais, alors qu’il est né en France, qu’il n’est pas installé à la Réunion et qu’il ne cherche pas à s’inscrire délibérément dans la circulation littéraire réunionnaise ? 178

Soulignons ici que lors d’une communication sur la littérature mauricienne, c’est également en ces termes que Jean-Louis Joubert posera le problème leclézien vis-à-vis de son rapport à l’île Maurice : « Le Clézio Jean-Marie Gustave, écrivain français ou écrivain mauricien » interroge-t-il ? Il rappelle alors les propos tenus par l’auteur durant les conférences de presse qui ont suivi la publication du Checheur d’or, et lors desquels Le Clézio avait pour la première fois, publiquement, fait allusion à son « passeport mauricien »179. Concernant l’œuvre de Jean Lods, cette perception a sans doute également été alimentée par les positionnements publics de l’auteur : « Je ne me sens aucun droit à me prétendre auteur réunionnais, mais tout ce que j’écris est nourri par La Réunion. Qu’est-ce qui est “Réunion” dans mes romans me demandez-vous ? Je crois que c’est plutôt là une question à poser aux Réunionnais ! » rapporte Jean-Fraçois Samlong dans son anthologie180.

Et encore : « Lorsqu’on lui demande s’il se considère comme un écrivain réunionnais, il répond qu’il ne se sent aucun droit à se prétendre comme tel, mais que ses écrits sont nourris par la Réunion »181 rapportent les auteurs de l’anthologie parue en 2004, près de dix ans après les ouvrages de Joubert et de Samlong. La volonté semble effectivement délibérée de ne pas s’inscrire, non pas dans une circulation littéraire réunionnaise, mais plutôt dans une circulation littéraire définie. Nous ne lisons pas dans ces propos rapportés un refus d’intégration à l’espace littéraire réunionnais, mais davantage, en adéquation avec les circulations opérant dans ses textes, le souhait pour l’auteur de laisser ouvertes des frontières, en s’inscrivant simultanément dans une pluralité d’espaces : le nord de l’Europe, la France continentale et l’île de La Réunion. C’est ainsi que nous pouvons lire dans chacune de ses productions des thématiques propres à chacun des espaces en présence. L’île de La Réunion reste néanmoins le plus déterminant des trois espaces dans l’œuvre lodsienne, puisque sur ses sept ouvrages parus à ce jour, seuls les deux premiers ne témoignent pas ouvertement d’une inscription dans l’espace réunionnais182. Néanmoins, y apparaissent déjà des thématiques qui seront développées par la suite dans ses « textes réunionnais », à savoir, comme le note encore Jean-Louis Joubert au sujet de l’un d’eux (La Morte saison) :

‘On y trouve la thématique du héros orphelin en quête de vérité sur l’identité de son père : schéma romanesque familier aux romanciers des îles de l’océan Indien. C’est le motif de l’identité douloureuse, quand les généalogies s’obscurcissent, que l’origine se dérobe […]. C’est l’obsession de la bâtardise qui hante l’orphelin. C’est la tentation acceptée de l’exil et le nécessaire et impossible retour à l’île.183

Mais, comme le souligne également Jean-François Samlong en s’appuyant sur cette même œuvre :

‘Tout ceci ne doit pas pour autant nous laisser croire que La Morte saison serait en quelque sorte l’apologie d’une île-paradis (quête de l’exotisme), et lié à cette vision, le sentiment inévitable d’une nostalgie d’un temps et d’un espace révolus. En fait, l’île n’est omniprésente que pour être niée de façon dramatique dans sa dimension édénique, tant elle est liée à la déchirure intérieure qui surgit du passé pour empoisonner le présent.184

Ayant passé les premières années de sa vie dans une île à peine sortie de son statut colonial (rappelons que la départementalisation de La Réunion date de 1946), il n’est pas surprenant de retrouver dans la production lodsienne des résurgences de l’histoire coloniale locale, non exotisée, et intervenant dans le discours comme une « déchirure intérieure qui surgit du passé pour empoisonner le présent ». La Morte saison et Le Bleu des vitraux, bien que tous deux publiés dans les années 1980, par le biais des enfances passées sur l’île dans les années 1940 et 1950, témoignent de quotidiens où existe le fait colonial. Mais, les personnages ne sont jamais de plain-pied sur l’île et, comme ils voyagent d’un espace géographique à un autre, ils passent encore d’un espace temporel à un autre : de celui de l’île-colonie à celui d’un présent, moderne, postérieur et différent du temps colonial. La « dimension édénique » qui est niée marque alors le refus de rendre par la nostalgie un temps qui a davantage été porteur de troubles pour les narrateurs respectifs.

Il ne paraît donc pas avoir que de la colonialité dans les textes de Jean Lods, et tenter d’arrêter la lecture à une approche postcoloniale ne pourrait permettre de rendre compte de la complexité de cette écriture se mouvant simultanément entre l’île, le continent, le passé et le présent. Bien évidemment, nous ne voudrions pas nier ni négliger l’importance que l’histoire coloniale pourrait avoir sur la production de cet auteur ayant effectivement passé son enfance dans une ancienne colonie française. Mais, le fait que ses textes aient été écrits et publiés trente ans après le passage du statut colonial à celui de département, nous amène à nous interroger sur la véritable part de déterminisme de cette histoire. Il nous semble en effet que, bien que présente, l’histoire coloniale ne soit pas le moteur principal de l’écriture, l’essence pourrait être ailleurs.

Adulte, vivant désormais sur le continent européen et regrettant la « distance » qui le sépare de son autre lui – l’enfant qui a grandi dans l’île – le narrateur du Bleu des vitraux, lors de l’enterrement de sa mère, se situant sur le continent, constate :

‘Si j’avais cru trouver le secret de ma mère dans ce petit village d’Anjou, je m’étais bien trompé. Peut-être avait-il été là, mais l’or de son coffre s’était transformé en fer-blanc. Le visage de ma mère avait été le miroir du monde pour moi. Il reflétait des gens comme des choses un destin dont ils n’étaient pas dignes. La même distance existait entre l’homme qui me l’avait enlevée et le personnage que je m’en étais fait, qu’entre la réalité du petit village aux rues gravillonneuses où je suivais un corbillard et l’immensité des ciels où m’élevaient les yeux d’Anne-Sylvie [sa mère]. La même distance qu’entre cette jeune femme aux cheveux noirs immobile entre les éclatantes colonnes de Bois-Rouge, et cette vielle enfermée entre quatre planches. La même distance qu’entre l’adulte que j’étais et l’enfant aux yeux sombres et la peau mate dont je revendiquais l’identité : ’

Et à l’auteur de se faire entendre :

‘nous traînons le passé avec nous comme s’il constituait une preuve de notre existence sans même nous rendre compte qu’à peine détaché de nous il a cessé de nous ressembler.
(Lods, BV, p. 131) ’

Cette « distance » qui sépare le présent du passé est celle-là même qui semble inviter l’écriture à proposer une perception autre, se créant inévitablement à partir d’aujourd’hui, sur l’enfance passée dans la colonie. Le cas Jean Lods et les ambiguïtés qui lui sont propres (il intègre une circulation littéraire sans pour autant affirmer publiquement son appartenance : « l’enfant aux yeux sombres et à la peau mate » revendiquait une identité qui n’a jamais été publiquement affirmée par l’auteur ; mais encore ses œuvres s’inscrivent majoritairement dans une double temporalité simultanément exprimée : coloniale et moderne) nous montrent que l’étude d’auteurs aux écritures mouvantes – d’écrivains de l’exil – au sein des littératures francophones peut présenter certaines difficultés concernant, justement, le domaine francophone : comment penser l’ensemble des littératures francophones sans pour autant en faire un espace clos, globalisé, ou chaque auteur ne resterait fermé qu’à une seule et unique circulation, celle dans laquelle il aurait grandi et/ou vécu ? Mais encore, comment se libérer du joug du colonialisme qui implique une orientation précise du regard, à savoir, de l’Europe vers le reste du monde ? Durant ces dernières années, de nombreux travaux scientifiques ont fait état de ces interrogations. Il en résulte une somme d’ouvrages non négligeables185 qui expriment tous la difficulté de l’analyse francophone à se faire dans un « système »186 si vaste et varié, et ainsi difficilement définissable.

Dans une récente note de lecture concernant la parution de trois de ces ouvrages critiques, Valérie Magdeleine pose en introduction le postulat suivant :

‘La publication de différents ouvrages sur le postcolonialisme et plus particulièrement, sur les liens à établir entre la francophonie littéraire et les théories postcoloniales témoigne d’une volonté de pallier certaines limites et certains manques conceptuels des analyses francophones. La recherche universitaire a longtemps été prise à un double piège, tantôt très spécialisée dans des aires géographiques et culturelles qui donnent de la francophonie l’image d’un monde parcellisé, tantôt satisfaite de généralisations tendant à gommer l’ensemble des problèmes que soulève pourtant nécessairement cette notion confuse.187

Toute la difficulté des études littéraires francophones est ici énoncée, et le « double piège » dont la recherche ne veut plus être aujourd’hui victime semble pouvoir être écarté par un concept déjà usité depuis plusieurs années, mais redéfini dans l’une des récentes publications de Jean-Louis Joubert, celle de la « circulation littéraire » :

‘La circulation littéraire est donc ce qui construit un espace de mots, d’images, de mythes, articulé sur un pays ou une communauté et leur dessinant un visage. Un texte appartient à une littérature francophone dans la mesure où il entre dans la circulation littéraire qui la définit. Cette appartenance peut-être plus ou moins forte ou même intermittente […].188

Reconnaissant ainsi à son tour l’aspect hétéroclite de la « francophonie littéraire », Jean-Louis Joubert, en conclusion des Voleurs de langue, propose alors de lire ces littératures en ne perdant pas de vue leur aspect mouvant, faisant qu’elles ne sont pas figées dans un univers propre, mais toujours en « circulation » :

‘Au terme de cette traversée de la francophonie littéraire, qui a surtout visé à dégager les points de vue permettant d’apercevoir quelques aspects du massif francophone, il reste difficile d’arriver à une conclusion péremptoire. Cette francophonie littéraire forme décidément un ensemble hétéroclite et la diversité semble bien être son caractère essentiel. Impossible de lui assigner des frontières bien gardées : littératures francophones et littérature française s’interpénètrent comme elles l’ont toujours fait […].
Cette notion de « circulation littéraire » a le mérite d’aider à définir les contours d’ensembles littéraires francophones sans les figer, puisqu’un écrivain ou un ouvrage peut participer de plusieurs circulations littéraires.189

C’est ainsi que nous comprenons, par exemple, l’écriture lodsienne se déplaçant perpétuellement entre différents espaces et temps d’une même nation (française), mais circulant entre littérature française et littératures francophones. Et c’est en ce sens encore que nous entendons l’illustration proposée par Joubert concernant, de manière plus générale, la littérature française et les littératures francophones. Car il ne semble effectivement pas s’agir là de deux ensembles distincts, mais d’un seul qui se scinde et se décline en de multiples possibilités interactives. C’est l’ensemble des littératures francophones – et non deux blocs distincts – qui s’interpénètrent. Par conséquent, penser une « circulation littéraire » c’est non seulement penser un déplacement réel, une migration d’hommes et de femmes au contact de frontières, mais aussi un déplacement de cultures et d’imaginaires, tout aussi réels. Pour illustration Jean-Louis Joubert pose comme l’un des exemples les plus marquants de « circulation » celui de Jean-Marie G. Le Clézio :

‘L’un des exemples les plus frappants de glissement d’une circulation littéraire à une autre est celui de Jean-Marie G. Le Clézio. Il est bien évident qu’il appartient à la littérature française, non seulement par sa naissance en 1940 à Nice, mais par son inscription dans le moment de rénovation du roman français, dans les années 1960-1970, quand le « nouveau roman » s’essouffle. Or au moment de la publication de son roman Le Chercheur d’or, en 1985, Le Clézio s’est présenté lui-même comme écrivain mauricien : « la famille de mon père a émigré à l’île Maurice au dix-huitième siècle et, bien que je sois né à Nice, culturellement, je me sens mauricien, c’est-à-dire entre deux mondes, le développé et le pauvre. »190

Bien plus, ce « glissement » de l’œuvre leclézienne « d’une littérature à une autre » ne relève pas que d’un glissement de forme, puisqu’il se nourrit en amont de mouvements réels vécus par l’auteur. L’écriture, modelée par les nombreux voyages, propose ainsi des circulations s'ordonnant en fonction des rencontres réalisées lors des voyages qui l’ont précédée, comme il est possible de le remarquer en suivant les fils indénouables de la vie et de l’œuvre de l’auteur : Amérique, Afrique, Europe, océan Indien, etc. Les présences mauriciennes marquées dans la trilogie que nous avons choisi d’étudier présentent donc des circulations opérant entre les divers espaces investis : l’Europe et les îles india-océanes cerclant celle de Maurice pour Le Chercheur d’or et Voyage à Rodrigues, et encore l’Europe, les mêmes îles india-océanes et l’Inde (origine mauricienne séminale) pour La Quarantaine. Ce dernier ouvrage métaphorise d’ailleurs le rapport de l’auteur aux mondes india-océaniques, puisque nous y retrouvons la même dichotomie que celle énoncée dans ses interventions publiques. Léon, le protagoniste se trouvant sur l’île Plate, est confronté à un choix. En raison de l’épidémie de fièvre qui sévit, l’île est coupée en deux, par une frontière imaginaire : « une frontière est instituée dans l’île entre la partie est et la partie ouest, afin de limiter le mouvement de ses habitants et le risque de diffusion des épidémies » (p. 216-217). D’un côté de cette « frontière factice » il y a les européens, dont le « Véran de Véreux », français austère et antipathique, se porte garant de l’ordre, et de l’autre il y a celui des coolies, dont la vie est régentée par les coups de sifflets du sirdar Shaik Hussein. Il y a donc, dans la désolation de Plate – monde dans le monde reprenant les systèmes dichotomiques d’opposition : Nord/Sud et Occident/Orient – deux univers distincts qui s’opposent : celui des occidentaux et du monde dit « développé », et celui des orientaux, des « pauvres » donc. Par le biais de Léon, le texte joue avec les clichés en en renversant les tendances, puisque le monde misérable n’est en définitive pas celui des « pauvres » ; parce que Léon choisira le monde des parias, moin déchiré que celui des européens. En électron libre, n’ayant crainte des menaces proférées par le « Véran de Véreux », il circulera d’abord entre ces deux espaces, au travers de cette frontière dont il a bien conscience qu’elle n’est qu’imaginaire, jusqu’à finalement marquer une rupture avec son monde initial, et s’installer de l’autre côté, du côté des coolies. Il y a, dans cet acte accompli par Léon, à la fois circulation et exil : circulation du fait de ses passages répétés au travers de la frontière, et exil du fait de la désertion d’un monde, celui de l’autre côté de la frontière, de là-bas où il est pourtant né, l’Europe.

Ici, circulation et exil se mêlent intimement jusqu’à se confondre. Le déplacement réel et imaginaire d’un monde à un autre métaphorisé dans ce texte semble répondre à la définition de l’exil : mouvement d’un homme entre des espaces géographiques distincts, mais encore déplacement, à la suite de ce mouvement, de l’imaginaire entre des espaces culturels. L’exemple proposé par Jean-Louis Joubert illustre ainsi comment l’exil peut devenir la condition même de la possible circulation entre les espaces littéraires d’un même « système ».

La migration réelle – celle qui fait se déplacer un être vivant d’un côté ou de l’autre d’une frontière – à elle seule, ne suffit pas. Pour que cette migration se meuve en un exil fécond, en une « circulation littéraire », il faut que le sujet en situation de déplacement transforme son ressenti (pour reprendre une expression d’Edouard Glissant) en une « pensée poétique ». C’est donc l’expression, la mise en mots du déplacement qui contribue à façonner l’imaginaire de l’exil… imaginaire qui est empirique, et qui se fonde en strates successives sur les expériences passées et présentes, s’organisant au fil des déplacements en un réseau d’échanges ouvert. Par conséquent, à la suite encore de Bernard Mouralis, il devient possible d’affirmer que c’est « parce qu’il rend possible ce passage essentiel qui conduit le sujet du vivre au connaître, [que] l’exil constitue la condition qui peut permettre l’émergence d’une écriture »191 ; donc la condition d’une « circulation littéraire » ?

L’importance des travaux consacrés à cette question apporte déjà des éléments de réponse. Portant l’essentiel de son travail sur l’étude des migrations entre les rives françaises et algériennes, Charles Bonn propose également d’accorder au principe de « circulation » (dans ses travaux nommée « déplacement ») une place prépondérante. A titre d’exemple, les deux tomes (parus en 1995) des actes d’un colloque qui, par le biais d’études portant sur les migrations, traitait la question du déplacement comme un moteur régissant les échanges littéraires entre ces deux rives francophones192. Cette thématique sera par ailleurs encore développée, entre autres, dans les actes du colloque « Paroles déplacées » (dont le titre déjà est programmatique) parus en 2004193. En préambule à ces nouvelles études, l’auteur précisait d’ailleurs : « Entre l’Europe et l’Algérie comme ailleurs, la modernité se caractérise par les déplacements, les ruptures, les reformulations, les réagencements »194. C’est ainsi que la problématique s’attachait d’abord (tome 1) « à décrire le déplacement spatial, tant d’êtres que des modèles identitaires ou des écritures, dans leur dimension référentielle »195 et, en un second mouvement (tome 2), s’attachait « aux modes d’expression eux-mêmes, et aux modifications qu’ils subissent ou entraînent, en passant d’un espace littéraire à un autre […] » 196. Il semble par conséquent bien là s’agir d’une interrogation récurrente dans le domaine des études francophones contemporaines, puisque cette réalité de la « circulation » et/ou du « déplacement » semble pouvoir se lire dans chacun des espaces en mutation. Dans ce cadre, l’exil, provoqué et stimulé par les dynamiques migratoires, devient à son tour moteur, non plus que réel, mais aussi imaginaire : passant d’un espace à un autre, l’écrivain exilé, par le travail de la parole, contribue à faire se rencontrer les langues, les cultures et les imaginaires, et ainsi à dynamiser les circulations, à perpétuer les échanges. Est donc une écriture de l’exil celle qui témoigne non seulement du vécu d’une « circulation », mais encore celle qui a été façonnée par un imaginaire empirique, ouvert aux rencontres et aux échanges, provoquée par les « déplacements » réels et imaginaires.

Hétéroclite, cet espace littéraire l’est donc certainement. Et la difficulté est justement de pouvoir penser son ensemble dans les différences qui la fondent. Dans cette perspective, concevoir ce tout en terme de « circulation littéraire » permet de lire les aspérités sans pour autant tendre à la globalisation. L’Un et l’Autre, par le jeu des mots, se croisent, et c’est justement ce croisement, cette perpétuelle mouvance, qu’il semble falloir lire. Sur cette voie, la frontière qui sépare l’Un de l’Autre n’est plus qu’un point de passage, mais devient un lieu d’échange propice aux rencontres, ainsi qu’à la formation – à la formulation – d’identités singulières, croisées et ouvertes, qui se disent.

Notes
178.

Jean-Louis Joubert, 1991, op. cit., p. 235.

179.

Jean-Louis Joubert, La littérature mauricienne, Paris, ARCC, 2006, Piste 2 (CD Audio).

180.

Jean-François Samlong, Anthologie du roman réunionnais, Paris, Seghers, 1991, p. 83.

181.

Agnès Antoir, Marie-Claude David-Fontaine, Félix Marimoutou, Evelyne Pouzalgues, Jean-François Samlong, 2004, op. cit., p. 90.

182.

Ses deux premières publications sont Le Silence des autres (Paris, La Pensée Universelle, 1973) et La Part de l’eau (Paris, Gallimard, 1977). Il est à noter que le roman La Part de l’eau est en fait une réécriture du récit paru en 1973 ; récit que l’auteur n’a jamais mentionné publiquement et qui ne figure dans aucune des bibliographies le concernant (le seul exemplaire que nous avons pu retrouver est disponible à la consultation à la Bibliothèque nationale de France).

183.

Jean-Louis Joubert, 1991, op. cit., p. 235-236.

184.

Jean-François Samlong, 1991, op. cit., p. 84.

185.

Nous pensons ici, par exemple, aux récentes publications de Jacqueline Bardolph, Jean Bessière, Lieven D’Hulst et Jean-Marc Moura s’interrogeant sur les enjeux et perspectives littéraires francophones, de manière globale, sans limite d’aires géographiques et culturelles (cf. Bibliographie : 2.Etudes et autres textes > Ouvrages d’étude).

186.

A ce sujet, nous pourrions encore évoquer les problèmes de terminologie que suscite la francophonie littéraire. A titre d’exemple nous pouvons notamment conseiller la lecture des travaux de Pierre Halen qui préfère le terme d’ensemble « système » à celui, plus local, de « champ » ; Pierre Halen, « Le “système littéraire francophone” : quelques réflexions complémentaires », in Lieven D’Hulst et Jean-Marc Moura, 2003, op. cit., p. 25.

187.

Valérie Magdelaine, « Etudes postcoloniales et littératures francophones : les voies d’un renouvellement conceptuel ? Analyse des propositions de Jacqueline Bardolph, Etudes postcolonialistes et littérature (2002), Jean-Marc Moura, Littératures francophones et théorie postcoloniale (1999), Jean Bessière et Jean-Marc Moura, Littératures postcoloniales et francophonie (2001). », in Etudes créoles,vol. XXVII, n° 1 « Littératures et fondations », Paris, L’Harmattan, 2004, p. 237.

188.

Jean-Louis Joubert, Les voleurs de langue. Traversée de la francophonie littéraire, Paris, Philippe Rey, 2006, p. 110.

189.

Ibid., p. 125.

190.

Ibid, p. 111.

191.

Bernard Mouralis, in Najib Zakka (dir.), 1993, op. cit., p. 228.

192.

Charles Bonn (dir.), Littératures des immigrations : 1) Un espace littéraire émergent et 2) Exils croisés (Paris, L’Harmattan, 1995).

193.

Charles Bonn (dir.), Migrations des identités et des textes entre l’Algérie et la France, dans la littérature des deux rives (Tome 1) ; et Echanges et mutations des modèles littéraires entre Europe et Algérie (Tome 2), Paris, L’Harmattan, 2004.

194.

Charles Bonn (dir.), 2004 (Tome 2), op. cit., p. 5.

195.

Ibid., p. 6.

196.

Idem.