Lignes de fuite

Les mots du dehors

Oraliture, mélangue et mise en œuvre d’un discours au présent antérieur participent, selon des trajectoires croisées, à la modulation de langages qui tentent de proposer une autre manière de concevoir le rapport au livre, d’entredire 370 les maux liés aux histoires passées et présentes, de les écrire de manière transversale entre les espaces investis, et non pas uniquement en leur dedans, pour les seuls lecteurs du dedans. Les mouvements tectoniques repérés entre oralité et écriture, entre les mots qui chuintent et ceux qui se lisent, entre les langues qui s’entrechoquent et se mêlent, entre les temps et les espaces aussi, déplacent sous l’effet des frictions les enjeux de l’écriture, les ouvrent à la différence (et non aux contradictions) : le livre ne reflète pas la diversité du monde, mais il se connecte à chacun des éléments de cette diversité pour la faire sienne. Ainsi, à la tectonique des plates-formes, des plateaux et des plaques, il semble falloir prendre en compte un autre type d’interaction : celui des connexions des textes à leur dehors, que celui-ci soit littéraire ou, plus généralement, artistique371. Par exemple, le recours chez Farès à un processus créatif proche de celui appliqué par les peintres et écrivains Surréalistes est un intertexte, comme l’est également la « ballade du prisonnier », « sorte de “ballade” compensatrice » qui se propose de relire et réécrire celle de François Villon et qui se termine de manière explicite par la citation : « “Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre” » (CO, p. 51-52)372. Egalement, dans l’expérience du cafetier du champ des Oliviers, « L’Entrée en acte » (p. 56) de « Plusieurs êtres du Théâtre et de la Littérature » (p. 55) est une manière de se connecter au dehors : Don Juan, Arlequin, Tisbée, etc. De même que chez Farès, il existe dans les œuvres de chacun des auteurs des références explicites soit à d’autres textes, soit à d’autres formes artistiques : comme nous l’avons vu chroniques, contes et chants, par exemple, permettent de rompre la littérarité des textes pour leur conférer une forme d’oralité. Ces points d’accroches, ces lignes de fuite qui s’échappent des textes, permettent de lire à un niveau autre que littéraire l’errance des voix en présence. Dans chacun des textes elles symbolisent la diversité des rencontres, des échanges, et des influences, et nous verrons que parmi ces influences comptent également le cinéma, la peinture et d’autres arts iconographiques.

Ainsi, comme les personnages se perdent entre une pluralité de rives temporelles et spatiales, le langage erre lui aussi entre une pluralité d’expressions et de formes artistiques. Il semble s’agir là de l’un des symptômes d’écritures qui confirment leur refus du cloisonnement, et qui, en plus de transgresser des frontières imaginaires en circulant entre les cultures, transgressent des frontières normatives et génériques en circulant entre les arts. L’écriture, comme les personnages, est en exil : elle s’échappe du livre, lançant des ponts entre ses enjeux propres (ce qu’elle veut signifier) et ceux d’autres œuvres (qui sont déjà signifiantes), que ces autres œuvres soient littéraires ou non. En somme, comment l’écrivain jette-t-il des lignes à travers les temps et les espaces ? Comment jette-t-il des lignes à travers les arts symptomatiques de ces temps et de ces espaces ? Comment, par le jeu des références à leurs dehors, les textes parviennent-ils à faire sens autrement ?

Dans les dernières pages du Bleu des vitraux de Jean Lods, le narrateur-enfant, fuyant de force après le douloureux départ de sa mère, à la manière du « Roi des Aulnes » (p. 162-163),  se voit mourir dans les bras de son père : « Le père terrifié éperonne son cheval / Il tient dans ses bras l’enfant haletant / Atteint sa demeure, épuisé, en détresse. / Dans ses bras l’enfant était mort » (p. 163). Ce n’est pas tant la situation que le ressenti du personnage qui est exprimé par cette référence métaphorique. Le renvoi intertextuel au texte de Goethe permet de souligner la force du ressenti en renvoyant le lecteur à une expérience poétique puissante, exprimant une situation assimilable à celle narrée. Mais ces références, dans l’œuvre lodsienne, renvoient aussi au dehors de l’espace littéraire373 : nous avons vu comment Jean Lods pouvait lui aussi avoir recours à un processus créatif autre que littéraire, cinématographique, pour animer certaines de ses séquences narratives. Cela relève dans son œuvre d’une technique d’écriture qui se complète par de nombreuses références au cinéma. Ainsi, en plus que de servir d’outil pour travailler le texte, le cinéma apparaît dans l’œuvre lodsienne pour préciser des éléments discursifs, et notamment pour affiner des portraits. La ligne de fuite intertextuelle devient un élément à part entière du vécu du personnage, puisqu’elle prolonge son errance au-delà du livre, au-delà du seuil littéraire.

Dans Le Bleu des vitraux par exemple, dressant le portrait d’un personnage qu’il vient de rencontrer (un déménageur qui l’a aidé à vider la maison de sa défunte mère) Yann, le narrateur, pour nous le décrire se réfère à deux films : « Il ne fit aucun commentaire […], ce Polonais que son imperméable serré à la taille et son chapeau de feutre mou cerclé d’un ruban noir déguisaient en un personnage de Scarface ou du Faucon maltais » (p. 21). Puis encore, lorsqu’il apprend, enfant, que sa mère aurait un amant, il s’interroge tout en tentant de se rassurer : « Comment est-il, cet inconnu sans visage et sans nom ? Pour me prendre ma mère, il doit être irrésistible. Il doit avoir quelque chose de Clark Gable dans Autant en emporte le vent, ou de Gary Cooper dans Les trois Lanciers du Bengale » (p. 130). Ces icônes cinématographiques fonctionnent sur le même principe que la référence intertextuelle : elles constituent une ligne de fuite permettant de tendre un fil entre le texte et son dehors, et par conséquent de produire une image plus forte, car déjà signifiante, de la situation ou du portrait. L’écriture ne se ferme pas au seul domaine littéraire, mais s’exile à son tour, forçant des points de contact avec d’autres domaines artistiques. Ce qui peut encore se lire, plus généralement, dans Quelques jours à Lyonpar exemple, où cette fois l’auteur précise le portrait d’une femme en se référant à l’une des toiles de Klimt, Danaé (p. 182).

Cette démarche se retrouve également de manière récurrente dans Le Chercheur d’or , Voyage à Rodrigues et La Quarantaine, sans toutefois déborder du cadre littéraire. A de nombreuses reprises l’auteur fera référence, pour préciser des portraits ou des situations, ou bien encore la nature de l’exil de ses personnages, à des auteurs et des textes poétiques tout aussi signifiants pour le lecteur : Rimbaud, Baudelaire, Longfellow, etc. Chacune de ces références est nommée au début de La Quarantaine, comme pour accentuer le caractère des personnages : comme un Rimbaud ils disparaissent, comme un Baudelaire ils fuient sur une île lointaine, comme un Longfellow ils expriment les maux de déportations374. Mais, ce n’est pas tant le discours du livre qui est assimilable à ces expériences sur lesquelles s’appuie l’auteur, que le parcours de ses auteurs-référents. La Quarantaine s’ouvre en effet sur une rencontre fortuite, dans un café à Paris, avec Rimbaud. Léon, le narrateur principal du roman dira de cette rencontre : « Maintenant je le comprends. C’est dans le bistrot de Saint-Sulpice, un soir de l’hiver 1872, que tout a commencé. Ainsi je suis devenu Léon Archambau, le Disparu » (p. 24). Les voix de La Quarantaine se réfèrent tant à la vie de Rimbaud qu’elles mettent en scène (en tant que personnage dans la fiction), qu’à sa production poétique. D’ailleurs, se référant à la vie du poète, Léon dira au sujet de l’autre Léon, son ancêtre : « Déjà Paris est trop étroit pour lui », c’est pourquoi, comme Rimbaud, il éprouve le besoin de partir, de fuir l’étroitesse de la ville (p. 26). Ce départ se fera d’abord de manière ontologique, par le biais de lectures :

‘[…] il lit les poètes, Richepin, Heredia, Baudelaire, Verlaine, des vers de Rimbaud, recopiés par Jacques dans les numéros de La Vogue – Les effarés, Les chercheurs de poux, Les assis, le sonnet des Voyelles, et dans l’anthologie de 1888, Le dormeur du val […]. Dans Les poètes maudits que M. Maureau avait acheté à sa parution, il avait recopié Le bateau ivre sur son cahier d’écolier, et c’était comme une prière qu’il récitait chaque soir. Et les poèmes défendus de Baudelaire, qu’il avait lus le dernier printemps, en classe de rhétorique. Femmes damnées, Les litanies de Satan, L’ennemi :
Ô douleur ! Ô douleur ! Le temps mange la vie,
Et l’obscur Ennemi qui nous ronge le cœur
Du sang que nous perdons croît et se fortifie !
(Le Clézio, LQ, p. 28)’

Puis il citera encore Birds of Passage de Longefellow, des vers de Baudelaire (p. 29), de Verlaine (p. 44), etc. autant de références qui se dilueront tout au long du texte, et qui auront pour fonction de préciser la nature de son sentiment. Il est ici, à Paris où pour lui « la ville est étroite » (p. 28), mais c’est ailleurs qu’il voudrait être, comme Rimbaud : « Ces vers qui ne s’adressaient qu’à lui, rien qu’à lui, l’enfant en exil dans les rues de Paris, rêvant depuis toujours au retour, à l’île natale » (p. 44). Ces références intertextuelles sont autant de « prières » qui permettent de scander l’intériorité et l’extériorité de l’exil ressenti : alors que l’intériorité ontologique de l’exil est figurée par les textes cités (« Le temps mange la vie… »), l’extériorité est figurée par l’expérience même des poètes. Comme Rimbaud qu’il fait apparaître dans la narration en le mettant en scène (à nouveau dans « L’empoisonneur », p. 31-50), il errera entre les ports de Marseille et d’Aden, devenant « le Disparu » qu’a été le poète. Et la confusion nominative qu’il y a entre les deux Léon (le narrateur du XXe siècle et l’ancêtre, chroniqueur du XIXe siècle) affirmera ce double mouvement d’exil : « Parfois il me semble que c’est moi qui ai vécu cela. Ou bien que je suis l’autre Léon, celui qui a disparu pour toujours […] » (p. 20). Cette profusion de références intertextuelles a donc pour but de préciser la nature de l’exil en se référant non seulement à des textes, mais encore à des expériences biographiques réelles. Le lecteur sait ce que vivent les deux Léon, parce que le lecteur sait ce qu’ont vécu Rimbaud et les autres poètes auxquels ils renvoient.

D’une autre manière, de nombreuses allusions au Robinson Crusoe de Defoe375 viendront également préciser cet état. En ayant recours à cet archétype littéraire internationalement connu et, de fait, signifiant pour le lecteur, Le Clézio précise la situation de chacun de ses narrateurs. L’auteur ne s’appuie donc pas sur le texte de Defoe pour asseoir les bases narratives de ses romans mais, par quelques allusions éparses dans chacun des trois textes, il renvoie le lecteur à une expérience déjà marquante : ses trois chercheurs d’or sont coupés du monde dont ils sont originaires et se retrouvent errant sur des îles dont ils ne maîtrisent pas les codes. Néanmoins, que ce soit dans Le Chercheur d’or, le Voyage à Rodrigues ou La Quarantaine, il ne s’agit pas à proprement parler de robinsonnades, mais plutôt de situations assimilables qui peuvent être éclairées par le biais de cette référence. Les personnages sont d’ailleurs conscients de leur état et font eux-mêmes explicitement référence, dans leurs discours respectifs, à Robinson (ce qui permet par ailleurs à l’auteur de souligner leur lucidité).

A titre d’exemple, Léon, le chroniqueur de La Quarantaine, propose au lecteur un portrait stéréotypé de son frère, portrait qui lui permet ainsi de décrire au lecteur les conditions de vie sur l’île : « [Jacques] a l’air épuisé. Avec sa barbe mal taillée, ses cheveux trop longs collés sur son cou, sa chemise déchirée et ses souliers gris de poussière, il ressemble à Robinson sur son île » (p. 209). De même, c’est la comparaison avec cette figure littéraire se rapportant à la thématique de l’exil qui sera usitée dans Voyage à Rodrigues et Le Chercheur d’or. Alexis, le narrateur du Chercheur d’or, pour préciser son sentiment et sa solitude, se compare de manière autonome avec le personnage de Defoe : « Je suis seul maintenant comme Robinson sur son île » (p. 71). Par là même, il transforme la perception que l’on pouvait avoir de lui, comme celle de son environnement : « Ferdinand l’appelle Vendredi, pour se moquer de nous, et moi, il m’a surnommé l’homme des bois […] » (p. 18). Denis, son ami d’enfance, est assimilé au compagnon de Robinson, et lui-même à « l’homme des bois », rappelant ainsi son caractère farouche et solitaire. Dans ce cas l’auteur semble d’ailleurs davantage se référer au texte de Tournier376, contournant ainsi la dichotomie raciale et subjective marquée dans le texte de Defoe, puisque la similitude du narrateur et de Robinson se lit par le prisme de l’assimilation de son compagnon à Vendredi (dans cet exemple, seul Vendredi est distinctement nommé).En outre, la part de dérision que nous pouvons relever au travers de ces qualificatifs devenus moqueurs (Ferdinand se sert de ces références pour railler Alexis et Denis) permet d’appuyer le caractère à la fois évident et pourtant incongru de la comparaison : dans chacun des livres, les personnages ne sont pas seuls, isolés sur une île déserte, mais davantage, ils se sentent isolés dans un lieu déjà habité. Les exils dans ces textes ne sont par conséquent pas assimilables qu’à des robinsonnades, puisque cette référence textuelle permet seulement d’exprimer des ressentis et de clarifier des situations. En effet, comme l’a souligné Madeleine Borgomano au sujet de cette présence dans La Quarantaine :

‘C’est peut-être qu’il s’agit là d’une relation presque trop évidente, qui n’a pas besoin d’être dite pour s’imposer au lecteur, d’un « architexte », presque d’un genre. La Quarantainese donne bien, après tant d’autres, comme une variation sur l’histoire de Robinson. Certes, il n’y a pas de naufrage, mais une épidémie, Robinson n’est pas seul, mais les passagers n’en sont pas moins enfermés dans l’île et réduits à la vie sauvage. Entre les deux groupes, les blancs et les « coolies indiens », passe « une ligne imaginaire » (143) qui sépare « deux mondes » selon les mêmes critères raciaux que ceux qui distinguaient Vendredi de Robinson. Sans devenir par inversion, comme le roman de Tournier, l’histoire de Vendredi, La Quarantaine est l’histoire d’un homme qui opte pour le « côté des parias ». 377

La référence est explicite, confirme Madeleine Borgomano, « presque trop évidente ». Elle ne relève donc pas d’un mimétisme intertextuel qui consisterait en une réécriture de l’archétype littéraire mais, ajoutée aux autres (Rimbaud, Baudelaire, Longfellow, etc.) elle permet de tisser une toile intertextuelle renvoyant à une pluralité d’expériences particulières, toutes signifiantes. Chacune des citations qui participe au maillage de la toile intertectuelle378 rappelle au lecteur que l’exil n’est pas ontologique ou géographique, mais bien ontologique et géographique. Et, comme il existe une multitude d’expressions de ce thème dans la littérature, il en existe une multitude tout aussi variée dans ce seul roman ; comme, d’ailleurs, il en existe encore une multitude dans l’ensemble de l’œuvre leclézienne. En outre, Claude Cavallero (en se rapportant à un texte de Claude Bonnefoy379), constate que « le travail de l’écrivain semble supposer une sorte d’exil – exil du regard, exil des mots »380, qui le conduit à s’inscrire dans un système de « pensée alternantive », c’est-à-dire, « une pensée en quête du multiple, ouverte au processus du métissage »381. En s’appuyant sur les textes de Le Clézio influencés par – ou retranscrivant 382 – la culture amérindienne (Haï, Les Prophéties de Chilam Balam, Relation de Michoacán, Le Rêve mexicain, etc.) Claude Cavallero stipule que l’intertextualité de l’œuvre correspond à un besoin d’accorder ses mots propres à ceux d’autres communautés (imaginaires, littéraires ou autres) :

‘L’importance accordée [dans l’œuvre de Le Clézio] à la création collective par la communauté dans la culture amérindienne conduit à poser une autre question : faut-il déceler dans cette atitude participative l’origine de l’approche intertextuelle et dialoguée de la création littéraire mise en œuvre par Le Clézio ? Sans doute l’expérience panaméenne contribue-t-elle à valider symboliquement l’écriture de textes à plusieurs voix narratives […].383

D’une manière détournée, « l’approche intertextuelle et dialoguée » du corpus améridien fait rhizome avec notre triptyque india-océanique. D’un côté il s’agit de proposer un discours se rapportant à des améridiens, de l’autre à des ancêtres généalogiques (et à des indiens), mais dans chacun des cas ce sont des « lieux chargés d’une mémoire silencieuse mais vivante »384 qui s’emplissent d’une pluralité de voix. Les renvois ne sont pas les mêmes, mais nous constatons que la démarche est identique : faire cohabiter dans un même espace la diversité des voix rencontrées, qu’elles soient mémorielles ou bien artistiques. Dès lors, la mise en œuvre de ces constellations de références intertextuelles assure la possibilité pour les textes de pouvoir s’amarrer entre eux, de pouvoir mêler la multitude des lignes de fuite qu’ils se lancent les uns vers les autres. Enfin, ces constellations que nous avons relevées dans le champ poétique et littéraire se retrouvent sous bien d’autres formes dans l’œuvre de Jean-Marie G. Le Clézio.

Notes
370.

Nous nous référons au titre de l’ouvrage édité par Martine Mathieu-Job : L’Entredire francophone (op. cit.).

371.

Pour une lecture plus large des enjeux de l’intertextualité dans les littératures francophones et de la manière dont elle permet « aux écrivains comme aux lecteurs de passer les frontières en tous sens », nous renvoyons à la lecture de : Martine Mathieu-Job (dir.), L’Intertexte à l’œuvre dans les littératures francophones, France, Pessac, 2003 (p. 9).

372.

Nous distinguons bien les deux types d’intertextes présentés là : contrairement à la référence à Villon, les références aux Surréalistes ne relèvent peut-être pas d’une démarche volontaire de l’auteur. Toutefois, ces deux références peuvent appeler chez le lecteur ce que Barthes a désigné par « un souvenir circulaire », traduisant ainsi son « impossibilité de vivre hors du texte infini » : le livre fait sens de manière autonome dans la vie du lecteur (Roland Barthes, « Inter-texte », in Le Plaisir du texte, Paris, Seuil, 1994 (1973), p. 107).

373.

Notons également que, repoussant les limites de ce dehors, Annick Gendre voit dans la référence au « Roi des Aulnes » une « allusion au motif [d’une] tradition hindoue » : « Sa citation opère comme une prière. La tentation est grande d’enrichir la lecture de la fin du récit d’une allusion au motif que la tradition hindoue nomme la “retraite dans la forêt” du père et du fils. Le traitement de la mort du père ainsi que la relation entre les personnages offrent en effet des résonances troublantes à cette étape dite en sanskrit du vànaprastha » (op. cit., p. 118). Il s’agit là d’une hypothèse à l’égard de laquelle Annick Gendre se montre prudente, toutefois il nous a semblé pertinent de souligner que, chez Lods, le recours à un texte appartenant au registre de la littérature allemande, dans le contexte de l’œuvre, pouvait faire s’ouvrir la lecture à un texte du sanskrit… C’est semble-t-il là, à un niveau interprétatif certes, une marque supplémentaire d’ouverture aux espaces européens et india-océaniques.

374.

Soulignons que, comme Longfellow a conté la déportation des Acadiens d’Amérique dans son poème Evangéline (1847), Le Clézio conte celle des Doms de l’Inde dans La Quarantaine… Toutefois, même s’il n’y a pas de renvois explicites à ce texte de Longfellow de la part de Le Clézio, la présence de cet auteur américain rappelle que ces deux histoires dessinent des lignes parallèles : l’amour de Léon pour Surya n’est pas sans rappeler « l’amour pur et fidèle qu’éprouve Evangéline pour Gabriel […]. Evangéline est porteuse d’un flambeau de l’amour et de l’espoir éternels, non seulement pour les descendants des Acadiens victimes de la Déportation [1755], mais pour ceux et celles qui cherchent désespérément un sens à une existence vide », ou plus exactement, comme dans le cas des coolies, à une existence vidée par les affres de la déportation… Barbara LeBlanc, « Evangeline as Identity Myth / Evangéline (mythe d’Acadie) », in Femmes et Traditions / Women & Traditions, Folklore Studies Association of Canada, Canada (Québec), disponible à l’adresse : <http://www.cyberacadie.com/acadie_evangeline.htm> (2007).

375.

Daniel Defoe, Robinson Crusoe, Londres, W. Taylor, 1719.

376.

Michel Tournier, Vendredi ou les Limbes du Pacifique, Paris, Gallimard, 1967.

377.

Madeleine Borgomano, « La Quarantaine de Le Clézio et le vertige intertextuel », in Cahiers de Narratologie, n° 13 « Nouvelles approches de l’intertextualité », France (Nice), Revel@Nice - CIRCLES, <http://revel.unice.fr/cnarra/index.html?id=317>, sept. 2006 ; afin de prolonger la lecture concernant ce sujet, nous recommandons également l’article de : Bénédicte Maugière, « Le Mythe de Robinson revisité par Tournier et Le Clézio », in L’océan Indien dans les littératures francophones, Paris, Karthala/Presses de l’Université de Maurice, 2001, p. 463-474.

378.

Nous renvoyons à un second article de Madeleine Borgomano : « La stratégie de l’araignée : hors texte et dissémination », in Jacqueline Lévi-Valensi, Piroska Sebe-Madácsy et Kálmán Bene (dir.), Nouvelles tendances en littérature comparée (vol. 2), Hongrie, Juhasz Gyula Tanarképzö Föiskola, 1996, pp. 27-33.

379.

Ndla : Yves Bonnefoy, « Le reflet de notre monde », in Les Nouvelles Littéraires, 2337, avril 1973, p. 5.

380.

Claude Cavallero, « J.-M. G. Le Clézio ou l’Ecriture transitive », in Nouvelles Etudes Francophones, CIEF, vol. 20, n° 2, automne 2005, p. 22.

381.

Ibid., p. 28.

382.

Ce qui suppose donc la présence d’autres voix…

383.

Id., p. 22.

384.

Id., p. 24.