1.4.2.Le modèle de la « Cohorte » (Marslen-Wilson & Welsh, 1978)

Dans les années quatre-vingt sont apparus des modèles spécifiques de reconnaissance des mots parlés, qui prennent en compte le fait que l’information acoustique arrive à l’oreille de façon séquentielle et peut commencer à être traitée avant que l’ensemble du mot ait été entendu. Ce modèle met donc l’accent sur le déroulement temporel de l’accès au lexique et est une description qualitative de reconnaissance des mots. Le modèle de la « Cohorte » (Marslen-Wilson, 1984 ; Marslen-Wilson & Tyler, 1980 ; Marslen-Wilson & Welsh, 1978 ) propose que les premiers sons du mot activent l’ensemble des mots commençant par ces phonèmes, et que la « cohorte » ainsi constituée est graduellement réduite à mesure que les phonèmes sont identifiés, jusqu’à ce qu’il ne reste qu’un candidat dans la liste. On peut ainsi concevoir l’identification d’un mot comme un processus nécessitant trois phases : le contact initial, qui détermine la cohorte initiale ; la sélection, qui élimine graduellement les candidats non retenus ; et la reconnaissance proprement dite, qui identifie le candidat unique compatible avec la séquence phonologique entendue : c’est le point de reconnaissance (Frauenfelder & Tyler, 1987). Dans ce modèle, certains mots peuvent être identifiés avant que tous leurs phonèmes aient été entendus, du moment que tous les autres candidats ont été éliminés. Le point de reconnaissance du candidat unique doit coïncider avec le point d’unicité du mot. Les informations sémantiques et syntaxiques permettent, en plus, d’éliminer des candidats potentiels et de reconnaître le mot avant même le point d’unicité. Ce modèle est purement séquentiel, dans le sens où le traitement se fait uniquement depuis les niveaux inférieurs de traitement (traitement acoustique) vers les niveaux supérieurs (traitement sémantique).

Par ailleurs, trois inconvénients apparaissent dans ce modèle. Le premier inconvénient est que le début du mot dans ce modèle est un point important mais la définition du début du mot autrement que par la reconnaissance du mot précédent parait difficile. De plus, le début d’un mot n’est pas un élément robuste dans le bruit et dans la parole continue. Le second inconvénient est que le système ne permet pas de revenir en arrière, il n’a pas droit à l’erreur. Le troisième inconvénient porte sur l’absence de mécanismes tenant compte de la fréquence d’usage du mot. Une version plus récente de la Cohorte (Marslen-Wilson, 1987 ; Marslen-Wilson & Zwitserlood, 1989) a permis de réviser trois points majeurs : le phénomène de « tout ou rien » du au fait de l’impossibilité de retour en arrière, l’importance du début du mot et l’effet de contexte. Pour ce dernier point, l’effet de contexte peut exercer un effet sur le traitement de bas en haut à différents niveaux, ce qui permet de dire que c’est un modèle interactif.