1.5.4.La parole inversée temporellement

Quand on interrompt ou qu'on inverse le signal dans des tranches de plusieurs dizaines de millisecondes, la compréhension peut demeurer très bonne jusqu’à un certain degré de dégradation (Miller & Licklider, 1950 ; Saberi & Perrott, 1999). Dans l’étude de Colombo et Bundy (1983), la parole naturelle est comparée avec de la parole jouée à l’envers chez des jeunes enfants. La parole à l’envers n’induit pas les mêmes traitements bien qu’elle contienne le même ensemble d’informations fréquentielles : la dynamique temporelle des stimuli de parole est donc essentielle pour que la parole soit traitée comme telle. De même, l’étude de Meunier, Cenier, Barkat et Magrin-Chagnolleau (2002) utilisant de la parole à l’envers a démontré une importance de la dynamique temporelle dans la reconnaissance de mot et de pseudo-mots par des adultes. Récemment, Grataloup (2007) a étudié l’intelligibilité de la parole inversée en prenant la syllabe comme unité de base. Elle montre que l’intelligibilité reste bonne jusqu’à une taille d’inversion temporelle égale à une syllabe pour des mots et des pseudo-mots bisyllabiques.

L’inversion temporelle de la parole se rapproche du type de dégradation que nous avons choisi d’étudier dans cette thèse, puisque la dimension temporelle est manipulée dans les deux cas. Le signal de parole est une suite chronologique d’évènements et de segments acoustiques qui font son identité. Si ce décours temporel est perturbé, l’intelligibilité du signal de parole diminue. Cet enchaînement dans le temps est calqué sur les capacités de traitement temporel auditif, nous pouvons traiter et encoder une certaine quantité d’informations dans un temps donné, donc si le débit de parole change, le traitement de la parole sera moins efficace. En français, l’impression de régularité temporelle est donnée dès le niveau segmental c’est-à-dire que la distribution des sons de parole constitue un paramètre important dans la structure temporelle (Keller & Zellner, 1996).