1.6.2.Le phénomène d’adaptation

Il existe un phénomène d’adaptation à la compression temporelle de la parole (Dupoux & Green, 1997 ; Pallier, Sebastián-Gallés, Dupoux, Christophe, & Mehler, 1998 ). Les auditeurs semblent s’adapter à des modifications temporelles lorsque la parole est accélérée par un facteur 2 ou 3. Ce débit ne peut cependant être produit naturellement par un locuteur. Cette adaptation est, selon les auteurs, due à deux phénomènes simultanés. Le premier correspond à un ajustement à court-terme des paramètres locaux de débit de la parole. On parle d’une étape de normalisation locale lors du traitement phonétique du signal (Miller, O'Rourke, & Volaitis, 1997). Le second phénomène est un ajustement à long-terme qui reflèterait un processus d’apprentissage perceptuel plus permanent. On est dans ce cas au niveau des représentations abstraites ce qui explique que les différences entre les locuteurs ne posent pas de problème. Cette adaptation ne semble pas reliée aux propriétés acoustiques du signal mais aux mécanismes linguistiques qui extraient les informations acoustiques et les apparient aux représentations lexicales (Pallier, Sebastián-Gallés, Dupoux, Christophe, & Mehler, 1998). De plus, le temps d’adaptation nécessaire dépend du taux de compression temporelle. Ce phénomène d’adaptation apparaît seulement après quelques phrases et aurait lieu à un niveau pré-lexical (niveau phonologique ou plus bas, au niveau du traitement phonétique/acoustique), ce qui induit qu’il apparaitrait également pour des pseudo-mots. Janse (2003) montre un phénomène d’adaptation plus marqué pour les pseudo-mots que pour les mots.

Nous avons vu que la compression temporelle touchait plus les segments de parole courts ou sans partie stable, comme les occlusives, que les segments avec des parties stables, comme les voyelles ou les fricatives. Dans la partie suivante, nous allons vous présenter rapidement une description articulatoire et acoustique des sons du français. Les consonnes occlusives feront l’objet d’une attention particulière puisqu’elles composeront nos stimuli dans nos différentes expériences.

Nous venons de voir que certains modèles étaient spécifiques à la perception auditive des mots, comme le modèle TRACE. La perception, quelle que soit la modalité dans laquelle on se place, consiste en une analyse d’un ensemble d’informations sensorielles présentes à un instant donné pour en déduire des éléments ayant du sens. Notre perception est immédiate et pourtant elle apparaît comme le résultat de nombreux processus complexes menés en parallèle ou successivement. Afin de percevoir les signaux de parole émis par un locuteur, plusieurs étapes de traitement sont nécessaires. Il est important de distinguer le phénomène de perception de la parole de celui de la compréhension de la parole, cette dernière n’étant possible qu’après la perception et qui nécessite des étapes supplémentaires. Les processus permettant la perception de la parole font intervenir plusieurs niveaux de structures. D’une part, les structures de bas niveau comme l’appareil auditif périphérique qui va réceptionner l’information sonore et commencer l’intégration du signal de parole. D’autre part, les structures de plus haut niveau comme le cortex cérébral qui va analyser et traiter les informations sensorielles provenant des niveaux inférieurs. C’est à ce stade que s’effectue la perception de la parole. Ensuite, d’autres mécanismes seront activés pour permettre la compréhension de la parole. Pour mieux comprendre comment le son est traité et comment il arrive au niveau cérébral, nous allons donc maintenant décrire le système auditif périphérique et central ainsi que les aires cérébrales impliquées dans le traitement de la parole. De plus, nous aborderons le traitement temporel et fréquentiel des sons ainsi que leur encodage le long des voies auditives ascendantes.