1.9.Le traitement et l’intégration des informations sonores

Le son est caractérisé par deux principales grandeurs physiques, l’intensité et la fréquence. L’intensité d’un son correspond à son volume sonore, exprimé en décibels (dB). La fréquence est exprimée en hertz (Hz). Au niveau psychoacoustique, le temps, la fréquence et l’amplitude sont trois dimensions dépendantes les unes des autres. L’appareil auditif va traiter une onde acoustique et va créer un influx nerveux sous la forme d’un pattern spectro-temporel contenant toutes les informations perceptives (Moore, 2003). L’oreille est un transducteur spectro-temporel non-linéaire d’une grande précision dans les deux dimensions temporelle et fréquentielle. La représentation spectrographique (Figure 15) permet l’observation de ces deux dimensions ainsi que de l’intensité. Le modèle de l’audition de Lyon (1982) met en avant un rôle très important de la cochlée. L’oreille interne correspond à un ensemble de filtres non linéaires en cascade. Plus il y a de filtres, plus le modèle est précis. Carlyon (2004) met en évidence les règles utilisées par notre cerveau pour séparer les sources sonores dans l’analyse d’une scène auditive. Le cerveau doit sélectionner les informations pertinentes mais il doit également organiser ces informations dans le temps. Il est important de noter que le système auditif s’intéresse davantage aux transitions, aux variations et aux changements qu’aux états statiques pour discriminer les phonèmes.

Les zones anatomiques responsables du traitement de toutes les caractéristiques des sons ne sont pas encore actuellement bien déterminées. L'analyse de la fréquence (tonotopie) et de la partie du spectre sonore impliquée semble s'effectuer au niveau du cortex auditif primaire (aire 41 de Brodmann ou gyrus de Heschl), du cortex associatif primaire (aire 42) ou du cortex associatif secondaire (aire 22) (Crottaz-Herbette & Ragot, 2000). Une spécialisation de l’hémisphère gauche pour le traitement des traits acoustiques transitoires a été mise en évidence (Johnsrude, Zatorre, Milner, & Evans, 1997).

Figure 15 : Spectrogramme du pseudo-mot [bita] (l’intensité correspond au niveau de gris).

à chaque relais de la voie auditive primaire, un travail de décodage et d’interprétation est effectué qui est transmis par la suite au relais supérieur. L’organisation cartographique des fréquences (tonotopie) est conservée à chaque relais, en plus d’une spécialisation. La tonotopie peut être définie comme une organisation spatiale des fréquences sonores. La discrimination des fréquences s'effectue donc à partir de la cochlée grâce à la sélectivité fréquentielle de la membrane basilaire, elle se maintient tout le long des relais à l'aide des filtres auditifs. Ces filtres correspondent à des mécanismes qui amplifient une certaine fréquence (valeur centrale du filtre) et atténuent les autres fréquences. Chaque neurone est particulièrement sensible à une fréquence donnée, appelée la fréquence caractéristique (FC), et est moins sensible aux fréquences proches. Dans chaque relais, les neurones présentent également des propriétés différentes. Une résolution temporelle fine est maintenue très rapidement dans le système auditif, ce qui permet de fournir des indices nécessaires àl’intégration binaurale. Les cellules de l'olive supérieure sont activées par les noyaux cochléaires à partir des deux côtés du tronc cérébral. Ces neurones qui répondent à la stimulation des deux oreilles semblent jouer un rôle important dans la localisation des sons.

Scott et Wise (2004) postulent qu’il existe deux voies de traitement lors de la perception de la parole. Une voie antérieure dédiée au traitement des indices acoustico-phonétiques et une voie postérieure impliquée dans les processus d’encodage des mouvements articulatoires. Cette division anatomo-fonctionnelle a été rapprochée de la division entre la théorie motrice et la théorie perceptuelle de la perception de la parole (Scott & Johnsrude, 2003) Une relation étroite existe entre les deux systèmes ce qui permettrait la coexistence des deux théories.

L’organisation temporelle du signal de parole est donc primordiale pour une bonne intelligibilité des sons de parole et notamment, l’intégrité des traits distinctifs qui composent les sons de la parole. Dans cette thèse, nous allons explorer les effets de la compression temporelle de traits distinctifs (le voisement et les transitions des formants) sur l’intelligibilité des sons de parole chez des normo-lecteurs et des dyslexiques (Chapitres 2 et 4). Nous étudierons donc le traitement de segments temporels rapides par le normo-entendant sans trouble du langage et le normo-entendant dyslexique. Nous aborderons également le problème de la variabilité interindividuelle lors de l’identification des stimuli compressés à laquelle nous avons été confrontés (Chapitre 3). Nous terminerons par une étude plus approfondie des troubles de traitement temporel de la parole chez les adultes dyslexiques. Pour cela, nous évaluerons les voies auditives descendantes de notre population dans le but de mettre en évidence des déficits auditifs corrélés à leurs difficultés d’identification des sons rapides de la parole (Chapitre 5).