2.8.7.L’amplitude du burst

Pour nos consonnes occlusives non voisées, nous avons segmenté la durée du VOT entre le début de l’explosion de la consonne et le début des oscillations périodiques de la voyelle. L’indice acoustique comprend plusieurs traits comme l’explosion de la consonne dont le spectre informe sur le lieu d’articulation de la consonne. Le spectre de l’explosion permet d’observer des pics de fréquence et ou des bandes spectrales d’énergie. Le bruit du burst est produit au lieu d’articulation de la consonne et est très court. Le burst des occlusives arrières (alvéolaires, vélaires) est plus saillant que celui des occlusives antérieures (bilabiales) du fait que le tractus vocal en avant de la constriction est plus long donc le burst contient plus d’information sur l’articulation (Ohala, 1983). Le burst est décrit comme une phase transitoire et un spectre plat. L’intensité du burst des bilabiales est plus faible que celle des alvéolaires. Le burst des bilabiales n’a pas de pics de formant et l’énergie est diffuse à toutes les fréquences alors que celui des alvéolaires a des pics énergétiques aux hautes fréquences. La fréquence du pic spectral pour les bilabiales est inférieure à 1 kHz alors que pour les alvéolaires, le pic est aux hautes fréquences supérieur à 3 kHz. L’indice d’énergie est utilisé dans la distinction entre les bilabiales et les alvéolaires : les bilabiales ont un spectre d’énergie inférieur à celui des alvéolaires. Le burst des alvéolaires est donc plus saillant acoustiquement ce qui pourrait expliquer la sensibilité particulière de l’occlusive alvéolaire non voisée à la compression temporelle et rendre compte des erreurs de confusion, comme nous l’avons remarqué dans l’Expérience 3.

Deux propriétés acoustiques différentes sont impliquées dans la distinction des alvéolaires et des bilabiales. La première propriété acoustique est le changement d’amplitude spectral aux hautes fréquences et la seconde propriété correspond aux fréquences des pics du spectre associées à F2 et F3. Ohde et Stevens (1983) montrent que pour les occlusives non voisées, l’amplitude du burst est plus faible, ce qui permet d’identifier [p-t]. Pour les occlusives voisées (Ohde, 1979), l’amplitude des pics correspondant aux formants est plus importante. L’amplitude du burst correspondant aux régions des hautes fréquences de la voyelle suivante (F4-F5) est supérieure pour l’occlusive alvéolaire non voisée (Zue, 1976). Le pic de F2 est plus bas pour les non voisées que pour les voisées donc au début du spectre, le pic de F2 sera plus saillant pour les voisées et donc l’indice fournit par F2 sera plus fort. Le spectre au début du voisement pour les bilabiales et les alvéolaires ne diffère pas seulement avec les fréquences spectrales au pic mais également avec les formants au début du voisement ainsi qu’avec la forme du spectre correspondant à l’amplitude relative des pics. En anglais, l’alvéolaire voisée [d] présente un pic d’intensité au moment de l’explosion correspondant aux régions des hautes fréquences (F4, F5). Pour les bilabiales, le burst est faible et ne présente donc pas de pic d’énergie. La configuration articulatoire reste invariante malgré la voyelle suivante mais la temporalité des transitions formantiques dépend de la consonne et de la voyelle (début/fin). Ce constat peut expliquer les résultats obtenus dans l’Expérience 3, où nous avions vu que les occlusives voisées quel que soit le lieu d’articulation, étaient moins sensibles à la compression temporelle des deux traits que les occlusives non voisées (aussi bien bilabiale qu’alvéolaire). Le pic de F2 des occlusives voisées leur confère un caractère de fiabilité important qui résiste même lorsque les deux traits (voisement et lieu d’articulation) sont dégradés. L’amplitude et le spectre du burst peuvent influencer l’identification du lieu d’articulation entre bilabiale et alvéolaire pour les consonnes voisées et non voisées.