3.2.Les modèles de reconnaissance de mots en lecture

La lecture commence par des traitements visuels qui permettent d’extraire les informations du texte pour aboutir à la compréhension de l’ensemble du texte. Nous pouvons modéliser cette activité de lecture en trois grandes étapes. La première est l’étape d’identification des mots. La seconde étape est l’analyse syntaxique qui permet au lecteur de construire une représentation de la phrase et d’identifier le rôle structurel de chaque mot. La troisième et dernière étape est le calcul sémantique qui permet de relier la signification de la phrase au reste du texte et à l’ensemble de nos connaissances. L’identification d’un mot écrit met en jeu la correspondance entre un signal visuel (le mot écrit) et une représentation dans le lexique mental du signal correspondant. Le stimulus visuel est composé d’une combinaison de signes (les lettres) qui sont dans un premier temps extraits. à chaque lettre correspond une représentation mentale identique à un code abstrait, appelé le code graphémique. Le premier processus est donc l’extraction des signes visuels et l’association avec le code graphémique correspondant. Une fois les codes graphémiques des lettres activés, il existe deux façons d’activer le lexique. Chez le lecteur expert, reconnaître un mot est une activité automatisée qui nécessite soit l'accès aux représentations lexicales par le biais des codes phonologiques (voie indirecte) ou des codes orthographiques (voie directe) comme le modèle de la double voie (Coltheart, 1978), soit l'activation d'un réseau dans le cadre des modèles connexionnistes (Seidenberg & McClelland, 1989). Un lecteur expert possède un lexique mental dans lequel sont stockées les informations relatives aux mots de la langue qu’il a appris. Le lexique mental peut être comparé à un dictionnaire qui se complète au fil de l’apprentissage de la langue.

Les modèles qui décrivent l'apprentissage de la lecture supposent tous que l'utilisation de représentations phonologiques joue un rôle déterminant au cours de l'apprentissage. Dans le cadre des modèles componentiels (en parallèle/en cascade), l'apprentissage de la lecture consiste à mettre en place les deux voies d'accès au lexique, soit par étapes successives chacune étant caractérisée par une stratégie particulière d'identification des mots (logographique, alphabétique, orthographique ; (Frith, 1985)), soit par le recours, à un même niveau, aux processus logographiques et phonologiques afin de permettre l'élaboration du lexique orthographique (Seymour, 1990). Dans le cadre des modèles connexionnistes, l’ensemble des valeurs des connexions entre les unités orthographiques et phonologiques représente l'ensemble des connaissances que le système a de la langue écrite (Seidenberg, Plaut, Petersen, McClelland, & McRae, 1994). C’est l’expérience de la lecture qui permet la connaissance et l’utilisation des CGP. Même s'il existe des divergences entre ces modèles, ils mettent en avant l'importance des représentations phonologiques dans l'accès au lexique. D’une part, chez les jeunes lecteurs, les processus de conversion graphème-phonème jouent un rôle central dans le décodage du langage écrit. D’autre part, chez le lecteur expert, la représentation orthographique globale de mots familiers permet un accès rapide au sens et à la phonologie.

Les études en imagerie cérébrale fonctionnelle ont permis de distinguer deux réseaux neuronaux importants dans les processus de lecture : une voie pour le traitement orthographique et une voie pour le traitement phonologique (pour une revue, voir (Fiez & Petersen, 1998). Dans des tâches de langage écrit, la voie orthographique est engagée via le cortex occipital médian, le gyrus fusiforme, le cortex pariétal inférieur, le cervelet, le gyrus frontal inférieur ainsi que le gyrus temporal supérieur. Les processus de lecture recrutent d’autres parties du cerveau, de manière non spécifique à la tâche, telles que le système visuel, les champs oculaires frontaux et les régions pariétales.Dans des tâches de langage oral, la voie phonologique est activée : le cortex auditif, le cortex pariétal inférieur, l’insula, le gyrus frontal inférieur et le cervelet.Turkeltaub, Gareau, Flowers, Zeffiro et Eden (2003) explorent lesétapes du développement des mécanismes neuronaux impliqués dans l’acquisition de la lecture. Les régions pariéto-occipitales semblent jouer un rôle important dans les premières étapes de l’acquisition de la lecture ainsi que dans l’analyse phonologique des mots. Par ailleurs, les régions inféro-temporales sont recrutées plus tard, par le lecteur expert pour une reconnaissance plus globale du mot.

En modalité auditive, comme en modalité écrite, nous retrouvons des régions cérébrales qui partagent le traitement des deux types de stimuli mais également les représentations cognitives sont interconnectées entre les deux modalités de traitement du langage. Dans notre étude, une tâche de reconnaissance auditive de pseudo-mots va activer ces représentations phonologiques qui sont donc établies lors de l’apprentissage de la lecture et du langage. De plus, ces représentations phonologiques jouent un rôle de médiation entre les représentations orthographiques et l’accès au lexique. Pour mettre en évidence les différentes étapes de la lecture, un modèle à étapes dit développemental va être décrit, ce type de modèle a été largement accepté au début des années 1980.