3.5.3.1.Les corrélats auditifs

Les résultats des tests audiométriques rendent compte d’une bonne audition de l’ensemble des sujets même si nous avons observé une augmentation des seuils auditifs pour les hautes fréquences, à partir de 4000 Hz pour les deux groupes. Cette perte auditive dans les hautes fréquences pourrait refléter le phénomène de la perte auditive induite par le bruit observé chez les 20-30 ans (Gelfand, 2001) p. 202). En effet, le premier indice des effets du bruit sur notre système auditif est une perte des fréquences aigues autour de 4000 Hz.

Par ailleurs, nous avons remarqué des différences significatives entre les deux groupes également dans les hautes fréquences. Le groupe BP présente une légère dominance à droite d’une perte auditive aux hautes fréquences (à 4000 et 6000 Hz). Cette asymétrie à droite, même si elle semble faible, pourrait cependant affecter les performances auditives d’identification des pseudo-mots chez le groupe BP. En effet, comme nous l’avons vu dans le Chapitre 1, les voies auditives afférentes se croisent au niveau de l’olive supérieure, les informations auditives captées par l’oreille droite vont donc être projetées majoritairement sur les aires auditives primaires du cortex gauche (Rosenzweig, 1951). Les aires du langage se trouvent également principalement dans l’hémisphère gauche. Un mauvais encodage des hautes fréquences par le système auditif périphérique, au niveau de l’oreille interne droite, pourraient donc se répercuter sur le traitement phonologique des stimuli de langage (pour une revue voir (Démonet, Thierry, & Cardebat, 2005)). De plus, comme nous l’avons vu dans la discussion générale du chapitre précédent, il apparait qu’au niveau physiologique, les fréquences présentent une différence qualitative d’encodage. Le système auditif est plus sensible à de petits changements de fréquence aux basses fréquences de la zone audible. La résolution fréquentielle est meilleure dans les basses fréquences que dans les hautes fréquences. Cette meilleure résolution fréquentielle aux basses fréquences est corrélée au niveau physiologique à l’anatomie de la membrane basilaire qui privilégie l’encodage des basses fréquences. Les sons les mieux perçus se situent entre 125 et 3000 Hz. Par conséquent, les hautes fréquences sont moins bien perçues donc si une perte auditive se rajoute, il est concevable que l’identification des stimuli de parole soit perturbée dans les fréquences autour de 4000 Hz (fréquences conversationnelles du langage : de 200 à 4000 Hz). Au niveau acoustique, la bande de fréquence des consonnes se situe entre 500 et 8000 Hz alors que celle d’une voyelle est entre 250 à 3000 Hz (Johnson, 1997). Par conséquent, il serait plus difficile de percevoir certains sons consonantiques, comme les fricatives qui ont des valeurs de fréquence au dessus de 4000 Hz. Mais, dans notre étude, nous n’avons pas utilisé de fricatives et les occlusives ont des fréquences inférieures à 3000 Hz. Par conséquent, les pertes auditives sur les hautes fréquences du groupe BP ne peuvent pas être liées à la baisse des performances d’identification auditive des occlusives dans l’Expérience 3. Une origine endocochléaire d’un dysfonctionnement auditif causant les difficultés de perception de la parole est alors écartée, cependant, il est possible d’émettre une hypothèse sur un trouble rétrocochléaire chez les participants qui présentent des difficultés d’identification des pseudo-mots. Il est important de remarquer que le test d’audiométrie tonale effectué chez nos participants n’est pas suffisant pour conclure sur un corrélat auditif lié aux mauvaises performances d’identification de pseudo-mots de notre groupe BP. Des études explorant le système auditif rétrocochléaire, de manière plus approfondie, seraient pertinentes. Une étude comparative du fonctionnement des voies auditives descendantes, entre des adultes dyslexiques et des témoins, fera l’objet du Chapitre 5.