3.5.3.4.Conclusion

La Figure schématise les différentes étapes qui rendent compte des corrélations phonologiques que nous avons mises en évidence dans cette étude entre la variabilité interindividuelle des performances d’identification des pseudo-mots et les capacités de lecture. De faibles performances d’identification des pseudo-mots, dans notre expérience, sont liées à des difficultés en lecture. Nous avons suggéré que ces troubles de lecture se situeraient à un niveau phonologique, lors de l’étape de conversion graphème-phonème. Nous supposons que ces problèmes phonologiques affecteraient également des stratégies de compensation de la parole compressée. Les informations altérées lors de la compression temporelle des indices acoustiques sont, dans certaines limites, remplacées par d’autres informations présentes dans les autres indices restés intacts. Ce phénomène de redondance fait appel à des mécanismes cognitifs dont le fonctionnement peut être perturbé si les représentations phonologiques sont défaillantes.

Figure 47 : Résumé des différents processus et phénomènes pouvant expliquer la variabilité interindividuelle rencontrée dans l’Expérience 3.

Pour résumer, il semblerait que certaines étapes cognitives utilisées lors de la lecture soient déficientes chez les personnes qui ont des difficultés à identifier correctement de la parole compressée, notamment lorsque l’indice de voisement et celui de lieu d’articulation des occlusives sont manipulés. Des déficits similaires, lors du traitement temporel du signal de parole, ont été également décrit par Tallal (1980a). Cette étude de Tallal montre que des enfants avec des troubles d’apprentissage du langage (SLI) présentent des déficits de perception auditive des sons de parole. Plus précisément, les segments acoustiques rapides et brefs sont moins bien perçus par ces enfants ayant des problèmes de langage. La théorie du déficit auditif de traitement temporel postule que l’extraction et l’intégration des segments de parole rapides et transitoires sont défaillantes. Ce trouble conduirait, par conséquent, à un mauvais apprentissage du système des correspondances grapho-phonémiques. Notre groupe BP présente les mêmes déficits : les appariements entre les graphèmes et les phonèmes sont défaillants ce qui conduit à des troubles phonologiques. Les dyslexiques présentent des difficultés importantes dans des tâches métaphonologiques qui consistent à segmenter les mots en sous-unités phonémiques et qui supposent d’avoir une conscience phonémique. Wagner & Torgesen (1987) postulent qu’il existerait un rôle causal de la conscience phonologique sur l’acquisition des capacités de lecture. Comme les dyslexiques, nos participants du groupe BP présentent des difficultés en lecture qui sont corrélées à leur performance de reconnaissance auditive de pseudo-mots. En aucun cas nous ne considérons que notre groupe BP soit composé d’individus dyslexiques mais nous pouvons rapprocher le retard de lecture du groupe BP aux difficultés de lecture des dyslexiques et nous demander comment le dyslexique se comporterait dans une tâche de reconnaissance de pseudo-mots compressés temporellement sur des indices acoustiques rapides et brefs : le voisement et le lieu d’articulation. De nombreuses études soutiennent l’idée que des enfants ayant des troubles de l’apprentissage de la lecture se caractérisent par une incapacité à traiter l’information temporelle auditive (Tallal & Stark, 1981). Cette question fera l’objet de l’étude du Chapitre 4.