4.3.2.3.Conclusion

Selon les travaux de Stein (Stein, 2001 ; Stein & Walsh, 1997), les cellules magnocellulaires visuelles et auditives seraient altérées causant une perturbation de la perception de certains types de stimuli à succession rapide et peu contrastés. La théorie magnocellulaire reposerait sur une anomalie neurologique unique qui atteindrait toutes les magnocellules de toutes les voies sensorielles. L’hypothèse d’un déficit général des processus de traitement temporel au niveau magnocellulaire et pour tous les systèmes sensoriels est proposée (pour une revue voir Hari & Renvall, 2001 ; Stein, 1994 ; Stein & Walsh, 1997 ; Witton et al., 1998). Les anomalies observées au niveau de la voie magnocellulaire entraîneraient un dysfonctionnement des connexions anatomiques arrivant au cortex pariétal postérieur qui supporte des fonctions cérébrales en lien avec la lecture (Vidyasagar, 2004) et au cervelet (Stein & Walsh, 1997). Cette hypothèse permet de présenter encore deux autres théories explicatives à la dyslexie développementale : l’une attentionnelle et l’autre cérébelleuse.

L’hypothèse attentionnelle repose sur l’observation clinique d’enfants dyslexiques ne présentant pas de trouble phonologique majeur, mais qui sont déficients dans des tâches visuo-attentionnelles qui nécessitent l’activation du cortex pariétal (Valdois, Bosse, & Tainturier, 2004). Valdois et al. (2003), à partir d’une étude de cas, met en évidence une dissociation entre le trouble phonologique et le trouble visuo-attentionnel. Bosse et Valdois (2002) observent qu’une forte proportion des dyslexiques ont un trouble visuo-attentionnel.

La théorie magnocellulaire peut rendre compte directement de troubles auditifs et visuels, mais elle peut aussi, d’une part, expliquer les troubles phonologiques par un déficit auditif et d’autre part, révéler que les troubles moteurs sont liés à un dysfonctionnement des voies magnocellulaires du cortex pariétal et du cervelet. Par contre, la théorie magnocellulaire ne parvient pas à expliquer pourquoi il existe une prévalence du déficit phonologique par rapport aux troubles sensorimoteurs dans la population de dyslexiques (Ramus et al., 2003 ; Rosen, 2003). Le cervelet reçoit beaucoup de projections du système magnocellulaire et ses fonctions pourraient donc être perturbées.

L’hypothèse d’un dysfonctionnement cérébelleux est mis en relation avec une tendance à la maladresse, des problèmes d’équilibre et de coordination motrice caractéristiques chez de nombreux dyslexiques (Nicolson, Fawcett, & Dean, 2001). En effet, le cervelet intervient dans le contrôle moteur, et notamment dans l’articulation de la parole. Si l’articulation est perturbée ou imprécise, cela peut conduire à la mise en place de représentations phonologiques imparfaites. Le cervelet intervient également dans l’automatisation des procédures. Or, les dyslexiques n’automatisent pas les principames opérations mentales nécessaires à la lecture. Un tel trouble d’automatisation pourrait perturber l’apprentissage des correspondances grapho-phonémiques.La théorie cérébelleuse met en évidence des troubles moteurs chez des enfants dyslexiques (Fawcett & Nicolson, 1999 ; Fawcett, Nicolson, & Dean, 1996) ,et des difficultés d’automatisation des procédures et des troubles de l’équilibre (Nicolson & Fawcett, 1990).L’imagerie cérébrale a mis en évidence des anomaliesanatomiques, métaboliques et d’activation du cervelet chez des dyslexiques adultes (Leonard et al., 2001 ; Nicolson et al., 1999).Nicolson, et al. (1999) montrent ainsi une hypoactivation du cervelet droit et du gyrus cingulaire chez des dyslexiques adultes. Ces régions sont reliées aux aires motrices frontales et à l’aire de Broca. Pour ces auteurs, 80% des dyslexiques présenteraient un trouble cérébelleux, mais cela ne fait pas l’objet d’un consensus (Ramus, 2003 ; Wimmer, Mayringer, & Landerl, 1998). En proportion, des études rapportent des troubles auditifs dans 0 à 50% des dyslexiques, contre 0 à 25% pour les troubles visuels, 0 à 80% pour les troubles moteurs et 75 à 100% pour les troubles phonologiques (Heath, Hogben, & Clark, 1999 ; Witton et al., 1998). Ce dernier résultat met en évidence le rôle incontestable du déficit phonologique comme cause principale de la dyslexie. Il est important de noter que l’hypothèse du double déficit qui associe des troubles phonologiques à des troubles de traitement temporel rapide est également envisagée (Wolf & Bowers, 1999).

Les dyslexiques se caractérisent aussi par des anomalies anatomo-fonctionnelles dans les situations de lecture, comme le montrent les données en imagerie cérébrale. Nous allons présenter maintenant les corrélats anatomiques, métaboliques et fonctionnels de la dyslexie développementale.