4.4.4.2.Imagerie fonctionnelle

Deux études, utilisant deux techniques d’imagerie différentes (la méthode VBM et l’IRM fonctionnelle) ont permis de préciser les relations entre les différences structurales et les différences fonctionnelles observées chez les dyslexiques (Paulesu et al., 2001 ; Silani et al., 2005). Les mêmes groupes ont participé aux deux études successivement. Les résultats ont montré que la réduction du volume de matière grise observée dans les régions temporale et occipitale postérieures gauches (Silani et al., 2005), était liée à une diminution d’activité cérébrale (Paulesu et al., 2001), alors que les réductions de volume de la matière blanche suggèrent un défaut de connexions entre les zones cérébrales impliquées dans le traitement du langage (Silani et al., 2005). Selon une étude de Binder et al. (1997), les gyri temporaux inférieur et moyen joueraient un rôle crucial dans le traitement du langage et dans les processus de lecture. Les mêmes relations anatomo-fonctionnelles sont démontrées au niveau du lobe pariétal inférieur gauche chez des dyslexiques (Hoeft et al., 2007). L’ensemble de ces résultats renforce l’hypothèse selon laquelle les dyslexiques présenteraient des anomalies anatomo-fonctionnelles latéralisées dans les régions de l’hémisphère gauche correspondant aux aires cérébrales dédiées au langage.

Des études ont mis en évidence des différences d’activation cérébrale des aires du langage lors de tâches de reconnaissance de mots et de pseudo-mots entre des dyslexiques et des normo-lecteurs (Simos, Breier, Fletcher, Bergman, & Papanicolaou, 2000 ; Simos et al., 2000). Simos, Breier, Fletcher, Bergman et al. (2000) montrent une activation réduite de la région temporo-pariétale gauche et une augmentation d’activation des régions analogues dans l’hémisphère droit pour une tâche visuelle de reconnaissance de mots chez des enfants dyslexiques comparés à des normo-lecteurs. Des anomalies spatio-temporelles au niveau des connexions fonctionnelles, reliant les différentes régions impliquées dans les processus de traitement de la lecture, empêcheraient une activation simultanée de ces aires dédiées au langage. Par ailleurs, la diminution d’activité au niveau notamment du gyrus temporal supérieur chez les dyslexiques rend compte de leurs difficultés dans les étapes de décodage et d’assemblage phonologiques dont les traitements se font précisément dans cette région cérébrale (Simos et al., 2000). Notons que dans une tâche auditive de reconnaissance de mots, le patron d’activation de ces mêmes aires est totalement atypique chez les dyslexiques. Paulesu et al. (1996)montrent une réduction d’activation des gyri temporaux supérieur, inférieur et moyen gauches. L’absence d’activation au niveau de l’insula renforce l’hypothèse d’une anomalie de connexion entre les aires antérieures et postérieures de la parole. En effet, l’insula formerait un pont entre l’aire de Broca (crucial pour la segmentation phonologique) et le gyrus supramarginal (qui sous-tendrait la mémoire phonologique à court-terme) connectant ainsi les différentes unités de traitement du langage.

Les connexions réciproques entre les régions cérébrales impliquées dans la procédure orthographique (traitement du langage écrit) et celles de la procédure phonologique (traitement du langage oral) permettent aux enfants de construire de nouvelles représentations orthographiques par rapport à leurs représentations phonologiques préexistantes. Ce dysfonctionnement pourrait expliquer une mauvaise ou faible articulation entre les voies phonologiques par assemblage et par adressage. Toutefois, d’autres études montrent l’implication d’une autre région du langage, une zone du lobe pariétal inférieur (cf. Chapitre 1) jouant également un rôle dans le traitement phonologique (Paulesu et al., 1996 ; Rumsey et al., 1999 ; Shaywitz et al., 1998).

L’hypothèse d’une anomalie de connexion entre les aires antérieures et postérieures du langage (Paulesu et al., 1996) est maintenant appuyée par un modèle animal, chez le rat (voir aussi Ramus, 2006 ; Rosen, Burstein, & Galaburda, 2000) et par les résultats de Klingberg et al. (2000) qui montrent des anomalies structurales au niveau notamment du faisceau arqué. Chez le rat, Herman, Galaburda, Fitch, Carter et Rosen (1997) mettent en évidence des changements de connexions suite à la présence de microgyri dans les noyaux géniculés médians corrélées à une baisse des performances dans une tâche de discrimination auditive. Rosen (2000) dans la région périsylvienne gauche, ce qui peut expliquer le trouble phonologique.

Pour résumer, l’ensemble des études et l’apport des techniques d’imagerie cérébrale permettent aujourd’hui de dire qu’une désorganisation et qu’un dysfonctionnement des aires cérébrales impliquées dans le traitement phonologique et les aspects de décodage de la lecture seraient des causes majeures des troubles observés chez les personnes dyslexiques. Plus précisément, les difficultés en lecture et dans des tâches de conscience phonologique suggèrent un mauvais fonctionnement des réseaux temporo-pariétal et frontal distribués dans les aires du langage.