4.7.3.3.Le contraste bilabiale/alvéolaire chez les dyslexiques

Jun (1995) dit que le lieu d’articulation bilabial est celui que l’on retrouve de manière plus fiable à travers la position dans la syllabe dans le bruit. Cette observation rend compte de nos résultats globaux, puisque nous avons vu que les occlusives bilabiales étaient mieux identifiées que les occlusives alvéolaires. Or, la pente de la transition du F2 en attaque est plus raide pour les bilabiales que pour les alvéolaires (cf. analyse acoustique du Chapitre 2) donc elle est plus saillante acoustiquement, ce qui facilite la discrimination du lieu d’articulation bilabial. Les dyslexiques auraient donc des difficultés de traitement des changements fréquentiels rapides, ce qui explique les différences entre les deux groupes dans l’identification des bilabiales. La dimension temporelle ne semble donc pas être la seule dimension pertinente, la dimension spectrale des transitions apporte des informations primordiales pour l’identification. Cependant, quelle que soit la dimension qui prévaut, le trait de lieu d’articulation est nécessaire à l’identification puisque la suppression de ce trait conduit à une diminution des performances en position d’attaque. En position intervocalique, nous mettons en avant la redondance du signal, notamment grâce à la voyelle précédente (V1C) dont la transition finale est identique à la transition CV2. Nous émettons l’hypothèse selon laquelle le traitement de la durée des transitions n’est pas pertinent chez les dyslexiques (comme chez les témoins) et qu’ils ont des difficultés de traitement des informations spectrales qui les mènent à faire des erreurs de lieu d’articulation (p. ex. /ba/ -> /da/). Nous reviendrons sur la notion de saillance acoustique et sur les indices spectraux dans la discussion générale qui suit.