4.8.1.Le voisement

La barre de voisement pour les occlusives voisées semble un indice acoustique qui rend compte du déficit de perception des dyslexiques. De même que le VOT des occlusives non voisées qui semble contenir des informations (burst, voisement) nécessaires à l’identification. En effet, nous avons observé dans l’Expérience 1 des différences de performances d’identification des occlusives voisées et non voisées entre les groupes. Les dyslexiques ont montré un déficit de traitement du trait de voisement en condition naturelle mais également en condition de compression temporelle. Il semble que la discrimination des occlusives selon la durée du voisement soit difficile pour les dyslexiques lorsque la durée du trait est réduite. Ces effets sont plus marqués en position d’attaque et pour les occlusives non voisées (i. e. VOT).

Dans une tâche d’identification, le long d’un continuum /ba/-/pa/ variant sur la longueur du voisement (Veuillet, Magnan, & Ecalle, 2004), la frontière phonémique est décalée vers la droite pour les enfants dyslexiques. Les dyslexiques sont sensibles au voisement de manière différente des enfants contrôles. Les différences sont principalement observées lorsque la durée du voisement est courte ce qui indiquerait un déficit de traitement auditif temporel des signaux de courte durée. Lorsque la durée du voisement diminue, la perception de la frontière catégorielle devient floue pour les dyslexiques ce qui les amènent à faire des erreurs de catégorisation des consonnes vis-à-vis du voisement. Les travaux de Serniclaes et ses collaborateurs (Serniclaes, Sprenger-Charolles, Carré, & Demonet, 2001 ; Serniclaes, Van Heghe, Mousty, Carré, & Sprenger-Charolles, 2004) mettent en évidence un mode de perception allophonique chez les dyslexiques. Ils peuvent percevoir deux phonèmes comme des variations d’un même phonème. Les dyslexiques sont dit « moins catégoriels » du fait probablement d’une organisation imprécise et peu détaillée des représentations phonémiques.

Par ailleurs, Fant (1973) a déclaré que les occlusives non voisées ont des trajectoires de transitions plus stables, moins variables que les occlusives voisées. Cette étude expliquerait nos résultats sur l’effet de voisement. Les occlusives voisées seraient plus sensibles que les non voisées du fait de l’instabilité et de la variabilité de leur transition. D’où les confusions plus importantes observées sur les occlusives voisées (Saerens, Serniclaes, & Beeckmans, 1989).

Nous pouvons également noter que dans l’Expérience 2, nous retrouvons les difficultés de perception et d’identification de la barre de voisement chez les dyslexiques. Ce résultat renforce l’hypothèse selon laquelle la barre de voisement est un indice temporel difficilement traité par les dyslexiques.