4.8.2.Le lieu d’articulation

Dans l’Expérience 2, nous avons manipulé la durée des transitions des formants, dont F2. Les résultats ont montré que les occlusives bilabiales étaient plus résistantes que les alvéolaires à la compression temporelle et que les dyslexiques font principalement des erreurs de lieu d’articulation (p. ex. /d/ -> /b/), ce qui indique des difficultés de traitement de la transition du F2 qui est un indice de lieu d’articulation. Les dyslexiques sont moins performants que les témoins sur l’identification des bilabiales en position d’attaque (/b/ -> /d/ et /b/ -> /p/). Selon Bradlow et al. (1999), une durée différentielle de transition de 7 ms entre deux stimuli serait suffisante pour discriminer le lieu d’articulation. Nous avons émis l’hypothèse selon laquelle la durée de la transition ne serait pas un indice pertinent pour rendre compte du déficit perceptuel chez les dyslexiques. Nous suggérons que les changements de fréquences rapides sont plus difficiles à traiter pour les dyslexiques. En effet, si l’on se réfère aux données sur les mesures de pente de la transition du F2 (cf. Chapitre 2), nous remarquons que les bilabiales ont une pente plus raide que les alvéolaires, en position d’attaque. Cette pente devient encore plus raide avec la compression temporelle, la rendant plus saillante acoustiquement. Les résultats des dyslexiques reflètent ces difficultés de traitement fréquentiel des transitions de la bilabiale voisée en attaque. Nos résultats sont en accord avec ceux Kraus et al. (1996) qui montrent que certains enfants LP présentent des difficultés à discriminer la paire /dɑ/-/gɑ/ (même durée de transition mais changement fréquentiel rapide) mais ils ne présentent pas de déficit à distinguer le contraste /bɑ/-/wɑ/ (durée de transition plus longue pour /wɑ/, 75 à 150 ms comparé à 50 à 75 ms pour l’occlusive). La discrimination du contraste /dɑ/-/gɑ/ repose donc sur le traitement des changements fréquentiels rapides, ce qui indique un déficit de ce traitement chez les enfants LP. On ne peut pas conclure sur le déficit de traitement auditif temporel des indices brefs et rapides mais on peut suggérer que ces enfants présentent un déficit de traitement auditif spectral.

D’autres études ont porté sur la paire [ba]-[da] montrant un déficit de perception catégorielle chez les dyslexiques (Reed, 1989) ou comme le dit Kraus et al. (1996) : seulement chez certains dyslexiques (Mody, Studdert-Kennedy, & Brady, 1997). Les changements spectro-temporels ne sont pas traités de la même manière par tous les enfants LP donc les informations seraient traitées par des mécanismes différents le long des voies auditives ascendantes.