5.1.4.La latéralisation cérébrale

Geschwind et Levitsky (1968) montrent une asymétrie des lobes temporaux droit et gauche sur des cerveaux sains postmortem. Cette asymétrie touche principalement le planum temporale qui se situe dans la région en arrière du gyrus de Heschl (ou gyrus temporal supérieur, STG). Le planum temporale est plus épais et plus long dans l’hémisphère gauche que dans l’hémisphère droit. Cette spécificité anatomique de l’hémisphère gauche rend compte de la spécificité de l’hémisphère gauche pour le langage. Au niveau du gyrus de Heschl se situe le cortex auditif primaire et au niveau du planum temporale s’observe les aires associatives auditives. Ces régions associatives auditives, à gauche, constituent l’aire de Wernicke qui a été identifiée grâce, notamment, à des études anatomiques chez des patients aphasiques, comme jouant un rôle fondamental dans les fonctions langagières. Les résultats de Geschwind et Levitsky (1968) montrent donc que cette région cérébrale est significativement plus grande dans l’hémisphère gauche et que cette observation anatomique est totalement en relation avec l’asymétrie fonctionnelle connue pour le langage (pour une méta-analyse des études sur l’hémisphère gauche, voir Vigneau et al., 2006).

Au niveau anatomique comme au niveau fonctionnel, une asymétrie est observée aussi bien pour la préférence manuelle que pour les processus cognitifs liés au langage. Les deux hémisphères droit et gauche semblent avoir des fonctions cognitives bien spécifiques. Bien que ces deux fonctions ne paraissent avoir aucun lien, une relation entre les deux a été démontrée. La majorité des droitiers présentent une forte spécialisation de l’hémisphère gauche pour le langage alors que pour les gauchers, les résultats sont beaucoup plus variables (Hécaen & Sauguet, 1971). Il semble donc que l’organisation fonctionnelle ainsi que les structures anatomiques des deux hémisphères ne soient pas une copie conforme de part et d’autre du corps calleux (Josse, Hervé, Crivello, Mazoyer, & Tzourio-Mazoyer, 2006 ; Josse & Tzourio-Mazoyer, 2004 ; Newcombe & Ratcliff, 1973 ; Stephan et al., 2003).

L’hypothèse de Zatorre (Zatorre, Belin, & Penhune, 2002 ; Zatorre, Evans, Meyer, & Gjedde, 1992) montre une spécialisation hémisphérique dans le traitement du son. L’hémisphère gauche est plus sensible au décours temporel et contient plus de matière blanche. Les neurones ont des axones plus longs, plus larges donc plus myélinisés ce qui facilite la transmission qui est donc plus rapide. La résolution temporelle est donc meilleure. Par conséquent, l’hémisphère gauche serait spécialisé dans le traitement de l’information temporelle qui permet, notamment, la discrimination des phonèmes pour la compréhension du langage. Alors que l’hémisphère droit serait spécialisé dans le traitement de l’information spectrale ce qui comprend le traitement des fréquences qui fait partie d’un des aspects de la musique. L’hémisphère droit possède une tonotopie plus respectée et est plus sensible aux modulations de fréquences et à leur distribution spectrale. La discrimination fréquentielle est donc plus fine. Cependant, il n’existe pas d’asymétrie complète. En effet, dans le cas des langues tonales (comme le chinois), l’activation devrait être plus forte dans le cortex droit. Une expérience montre que le côté gauche est plus activé pour un sujet qui connaît la langue alors que pour un sujet qui ne connaît pas la langue, c’est le côté droit qui est plus activé.