5.1.5.L’asymétrie centrale auditive

Un bon moyen pour étudier les asymétries auditives est l’écoute dichotique, dans le silence et dans le bruit, en présentant de façon simultanée dans l’oreille gauche et droite deux signaux de parole différents. En écoute dichotique, la performance porte sur le nombre de mots correctement perçus dans l’oreille testée. Dans des expériences similaires où des signaux de parole sont utilisés, nous constatons un avantage de l’oreille droite (Schwartz & Tallal, 1980). En ajoutant du bruit au signal de parole, nous constatons également une asymétrie fonctionnelle du traitement central de la parole. Cependant, une inversion de l’avantage aural peut être observée. Ainsi, le masquage de signaux de parole par du bruit pourrait modifier la latéralisation du traitement de la parole.

Les fibres du SEOCM qui prennent leur origine dans le complexe olivaire supérieur ipsilatéral (système non croisé) présentent un pattern asymétrique fonctionnel (Morlet et al., 1999) covariant avec le genre et la latéralité manuelle (Khalfa et al., 2000 ; Khalfa, Veuillet, & Collet, 1998) qui semble absent chez les schizophrènes (Veuillet et al., 2001). Or, le système auditif périphérique est latéralisé. Par conséquent, chez les sujets normo-entendants droitiers, le système efférent médian non croisé droit est plus efficace (inhibiteur) que le gauche. Ainsi, la périphérie reflèterait les asymétries centrales. La latéralisation à gauche du langage et la latéralisation du SEOCM à droite permet de suggérer un lien entre les performances langagières et les performances du SEOCM. Par conséquent, l’hypothèse d’un déficit du SEOCM chez les personnes dyslexiques a été étudiée (Veuillet, Bazin, & Collet, 1999 ; Veuillet, Magnan, & Ecalle, 2004 ; Veuillet, Magnan, Ecalle, Thai-Van, & Collet, 2007). De manière générale, le fonctionnement cortical anormal résulte en un feedback cortical anormal sur le tronc cérébral et la cochlée. Le dysfonctionnement du SEOCM qui est sous le contrôle en partie du cortex auditif reflèterait donc ces altérations. L’activité de ce SEOCM est particulièrement explorée dans l’étude de pathologie du langage comme la dyslexie, car il pourrait jouer un rôle dans les déficits de perception de parole notamment dans le bruit (Giraud et al., 1997). Un SEOCM efficace améliorerait la capacité d’intelligibilité de la parole dans le bruit, en inhibant les réponses des fibres au bruit continu et donc ces fibres deviendraient plus sensibles au bruit complexe tel que la parole. Ce phénomène est lié à un mécanisme d’anti-masquage. Grâce à une augmentation du rapport signal/bruit, il pourrait permettre une meilleure perception des sons complexes (Giraud et al., 1997) et une amélioration de la discrimination en milieu bruité (Micheyl & Collet, 1996). Les mécanismes neuronaux impliqués dans l’intelligibilité de la parole dans le bruit ne sont pas encore bien identifiés mais le SEOCM pourrait être un bon candidat.

Les potentiels évoqués sont le reflet de la réponse neuronale à des stimuli de l’environnement, ils sont impliqués dans le codage des indices acoustiques de la parole et ils expriment la synchronisation neuronale. Le bruit altère donc la morphologie temporelle de l’onde ce qui induit que le bruit désynchronise de manière importante la réponse auditive chez les enfants ayant des troubles d’apprentissage. Shtyrov et al. (1998) étudient la déviation acoustique entre le /pa/ et le /ka/ à l’aide d’un marqueur électrophysiologique auditif, la MisMatch Negativity (MMN). Ils observent une inversion de la distribution de la MMN selon que la tâche est réalisée dans le silence ou dans le bruit : la MMN est plus importante dans l’hémisphère gauche dans une condition silencieuse alors que l’activation est plus importante à droite dans le cas d’un bruit moyen. Il existe donc des arguments électrophysiologiques en faveur d’une modification de la latéralisation centrale du traitement des signaux de parole quand ils sont présentés dans du bruit. De même, l’asymétrie centrale auditive a été étudiée dans le cadre de pathologies diverses. Par exemple, des potentiels évoqués cérébraux anormaux et diminués on été observés en réponse à des stimuli de parole présentés dans le bruit chez des enfants avec des problèmes d’apprentissage de la lecture (Cunningham, Nicol, Zecker, Bradlow, & Kraus, 2001). Chez les enfants ayant des déficits du traitement auditif, les méthodes d’entraînement ont fait leur preuve, leur résistance au bruit est améliorée (Hayes, Warrier, Nicol, Zecker, & Kraus, 2003 ; Russo, Nicol, Zecker, Hayes, & Kraus, 2005).