L’amplitude des OEAP

Les dyslexiques présentent des otoémissions acoustiques provoquées (OEAPs) de plus large amplitude que les normo-lecteurs. L’étude de Veuillet, Collet, et Bazin (1999) montre des amplitudes d’OEAPs plus petites chez des enfants avec des troubles d’apprentissage du langage que chez les contrôles. Ils suggèrent que cela serait le résultat d’un dysfonctionnement auditif périphérique malgré des seuils auditifs normaux. Nos résultats indiquent l’inverse pour les deux sous-groupes de dyslexiques. Nous suggérons donc un fonctionnement anormal du SEOCM dans les deux sous-groupes de dyslexiques. Muchnik et al. (2004) observent également une amplitude plus élevée des OEAPs chez des enfants APD (Auditory Processing Disorder). Ils expliquent leurs résultats à partir d’une étude sur des chinchillas (Kakigi, Hirakawa, Mount, & Harrison, 1997). Une section du SEOCM entraîne une augmentation de l’amplitude des OEAPs chez les chinchillas. Les auteurs suggèrent que cela rend compte d’une absence de contrôle inhibiteur du SEOCM sur les CCE. Les dyslexiques présentent donc une réponse auditive différente des CCE due à un SEOCM qui n’est pas fonctionnel.

Seuls les témoins présentent de meilleures OEAP pour l’OD, les deux sous-groupes de dyslexiques présentent des amplitudes d’OEAP équivalentes à droite et à gauche. Les deux oreilles répondent de la même manière à la stimulation ipsilatérale. Les CCE des deux oreilles répondent donc avec la même amplitude chez les dyslexiques. Ces résultats mettent en évidence des mécanismes actifs cochléaires plus intenses dans les deux oreilles chez les dyslexiques alors que chez les normo-lecteurs, la réponse des CCE est prédominante dans l’oreille droite. Nous suggérons que le contrôle de l’électromotilité par le système efférent est perturbé chez les dyslexiques d’où la forte amplitude des réponses des CCE. Les résultats de nos témoins sont en accord avec l’étude Khalfa, Morlet, Micheyl, Morgon et Collet (1997) qui a montré chez 70 jeunes droitiers une prévalence à droite de l’amplitude des OEAP. Cette asymétrie des OEAP pourrait refléter une latéralisation des mécanismes cochléaire actifs reflétés par l’activité contractile des CCE (Brownell, 1990). Les CCE peuvent être plus efficaces ou plus nombreuses à droite pour les témoins et équivalentes des deux côtés pour les dyslexiques. Khalfa et al. (1997) suggèrent que cette asymétrie fonctionnelle cochléaire puisse être liée à une plus forte vulnérabilité de l’oreille gauche aux dommages auditifs, l’oreille gauche est la plus susceptible de présenter des pertes auditives (Axelsson, Jerson, Lindberg, & Lindgren, 1981 ; Glorig, 1958). De nombreux travaux montrent un rôle fonctionnel modulateur du SEOCM sur la périphérie auditive (Giard, Collet, Bouchet, & Pernier, 1994 ; Khalfa, Bougeard et al., 2001 ; Khalfa & Collet, 1996 ; Khalfa, Micheyl, Veuillet, & Collet, 1998 ; Maison, Durrant, Gallineau, Micheyl, & Collet, 2001 ; Micheyl, Perrot, & Collet, 1997 ; Perrot, Micheyl, Khalfa, & Collet, 1999). Une diminution des amplitudes OEAPs traduit une inhibition des mécanismes cochléaires actifs via les CCE (Collet et al., 1990 ; Collet, Veuillet, Bene, & Morgon, 1992 ; Giraud, Collet, Chéry-Croze, Magnan, & Chays, 1995 ; Veuillet, Collet, & Duclaux, 1991). Il existe un rétrocontrole rapide des aires corticales auditives sur le fonctionnement cochléaire controlatéral via le SEOCM (Huffman & Henson, 1990 ; Xiao & Suga, 2002). Ce rétrocontrôle rapide pour être défaillant chez les dyslexiques ce qui expliquerait nos résultats.