5.4.1.Les traits acoustiques

Nos résultats suggèrent que le groupe DLOD est plus sensible au trait de voisement que le groupe DLOG, et inversement, le groupe DLOG est plus sensible au trait de lieu d’articulation. Ces différences sur le traitement des traits reflèteraient les différences d’asymétrique des deux sous-groupes de dyslexiques. En effet, l’atténuation équivalente droite est supérieure chez les DLOD ce qui correspond à système efférent droit plus efficace. Les voies auditives descendantes étant croisées, les données du groupe DLOD rendent compte de la spécialisation des aires auditives de l’hémisphère gauche pour le traitement temporel du voisement. Et inversement, l’atténuation équivalente de l’oreille gauche est supérieure chez les DLOG ce qui rend compte de la spécialisation de l’hémisphère droit pour le traitement fréquentiel des transitions des formants. Comme nous l’avons observé dans le Chapitre 2, le voisement est un bon indice temporel pour discriminer les occlusives voisées et non voisées. De même, les changements fréquentiels rapides de la transition du second formant est un indice pertinent pour identifier le lieu d’articulation des occlusives.

Des études ont montré un déficit de fonctionnement du SEOCM (non croisé) chez des enfants ayant des difficultés d’apprentissage, dans des tâches de catégorisation [ba]-[pa] (Veuillet, Bazin, & Collet, 1999 ; Veuillet, Magnan, Ecalle, Thai-Van, & Collet, 2007). Dans l’étude de Veuillet et al. (1999), les dyslexiques plus sensibles à l’indice de voisement présentent également des voies auditives descendantes plus fonctionnelles, c’est-à-dire plus inhibitrices, dans l’oreille gauche, contrairement aux témoins. Une différence de latéralisation fonctionnelle semble expliquer les performances d’identification du continuum [ba]-[pa].

L’étude de Giraud et al. (2005) montre que les dyslexiques adultes montrant un déficit de discrimination auditive voisé/non voisé présentent des difficultés spécifiques de codage temporel pour les segments successifs du signal de parole. Veuillet, Magnan, Ecalle, Thai-Van et Collet (2007) cherchent à clarifier la nature du déficit auditif chez les dyslexiques en explorant le fonctionnement du SEOCM couplé à une évaluation quantitative de sensibilité au voisement en utilisant un test de perception catégorielle. L’étude montre que les enfants dyslexiques sont sensibles au voisement qui peut être associé à un fonctionnement anormal du SEOCM. Les enfants les plus touchés dans l’apprentissage de la lecture sont les mêmes qui sont les moins bons en perception catégorielle (la frontière catégorielle est plus tardive : les sujets normo-lecteurs identifient déjà /pa/ lorsque les dyslexiques identifie encore /ba/). Les dyslexiques sont très sensibles au voisement et continuent ainsi à percevoir le voisement alors qu’il est si petit qu’il n’est plus perçu par les normo-lecteurs. Ce qui suggère que leur codage neuronal du voisement est altéré ce qui induit des erreurs de perception du contraste voisé/non voisé. L’altération du codage pourrait être du à un déficit des processus inhibiteurs, par du bruit excessif dans les voies auditives ou par un meilleur degré de perception allophonique chez les dyslexiques (Serniclaes, Van Heghe, Mousty, Carré, & Sprenger-Charolles, 2004). Les enfants dyslexiques sont considérés comme « moins catégoriels » (Adlard & Hazan, 1998 ; Serniclaes, Sprenger-Charolles, Carré, & Demonet, 2001  ; Serniclaes, Van Heghe, Mousty, Carré, & Sprenger-Charolles, 2004) ou « moins juste » dans une tâche d’identification des contrastes phonétiques. Veuillet, Magnan, Ecalle, Thai-Van, & Collet (2007) mettent en évidence un effet de l’entraînement audio-visuel sur les capacités de perception des frontières phonémiques des dyslexiques, grâce à un meilleur établissement de la représentation perceptuelle du voisement.

Le voisement est connu pour être traité préférentiellement dans l’hémisphère gauche. Et le fonctionnement du SEOCM est connu pour avoir un avantage dans l’oreille de droite qui reflète la dominance hémisphérique du cortex auditif gauche dans les processus du langage.