Université Lumière Lyon 2
Ecole doctorale : EPIC (Education, Psychologie, Information et Communication)
Centre de Recherches en Psychopathologie et Psychologie Clinique (CRPPC - EA 653)
La problématique psychique des sujets en errance urbaine : une question de surface(s)
Thèse de doctorat de psychologie
mention : Psychopathologie et psychologie clinique
sous la direction de Bernard DUEZ
présentée et soutenue publiquement le 30 juin 2008
Composition du jury :
Loïc VILLERBU, professeur à l’université Rennes 2
Bernard DUEZ, professeur à l’université Lumière Lyon 2
Alain FERRANT, maître de conférences à l’université Lumière Lyon 2
Mohammed HAM, professeur à l’université de Nice

Contrat de diffusion

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[Dédicaces]

A mes fils, Timothée et Robin
A leurs familles, à leur capacité de rêver, de bâtir, de croire, au delà des errances

Remerciements

Avant tout je remercie chaleureusement le Professeur Bernard DUEZ pour son accompagnement, son engagement respectueux, ses critiques et interventions.

Toute ma gratitude au Professeur Claudine VACHERET pour ses suggestions et son attention bienveillante concernant la photographie.

Je remercie les directions des différentes institutions où j’ai travaillé, qui m’ont autorisée à utiliser certaines données aux fins de la recherche, ainsi que les collègues et tous les professionnels avec qui j’ai collaboré. Les pratiques et apports d’horizons divers ont contribué à ma vision de la complémentarité et du travail en réseau. Toute ma reconnaissance à B. Dubreuil pour son aide informatique, à Christine Mignard, photographe, aussi bien pour sa technique que pour son approche sensible du sujet, à l’équipe d’O.R.S.P.E.R.E. pour son engagement.

Je dois beaucoup à mes pairs académiques, à mes amis français et internationaux. A certains pour leur participation à cette élaboration, à d’autres pour leur relectures et (re)mise en mots. Encore merci à G. Lansiaux, A-M. Nid, P. Ranvoisé, C. Duez, C. Juptner, R. Tesone, C. Melato pour leur disponibilité et conseils, à B. Blanquet d’avoir encouragé ma créativité et à Jean-Emile Nid pour sa patience, son soutien et l’enrichissement de ma réflexion.

J’ai une pensée toute particulière pour chaque membre de ma famille, encore présent ou disparu, qui contribue aujourd’hui à ce que je suis : à ma fratrie qui m’a offert un climat d’admiration et d’émulation mutuelles, à ma mère pour sa stabilité et douceur, à mon père dont le prénom (Richard Lafayette !) en dit long sur son goût pour le challenge et l’aventure.

Je tiens enfin à remercier les personnes en errance qui, sans se douter de la portée de ce qu’elles y déposaient, ont participé à cette recherche. En demandant de l’aide ou en croisant mon chemin au gré des rencontres, elles ont souvent donné d’elles-mêmes avec simplicité et naturel, rendant ainsi cette recherche de terrain plus féconde.

Avant-propos

Je me suis intéressée à la question de l’errance au moment où, pour gagner ma vie, j’ai dû chercher un travail de toute urgence. Paradoxalement, l’errance a répondu partiellement à ce qui pour moi constituait une nécessité vitale. En plus de ma double formation (infirmière et praticienne formée à la relation d’aide), le fait que je poursuive des études en psychologie a facilité mon embauche pour aller au devant d’une population de « marginaux » et d’ « exclus ». Rapidement, à partir de ma position professionnelle comme infirmière lors des rencontres dans la rue et dans un lieu d’écoute, des interrogations se sont imposées à moi sur le fonctionnement psychique de ces sujets. Je me suis saisie de ce terrain pour effectuer un premier tour de la question par le biais du DEA.

Une fois psychologue diplômée, une deuxième expérience de l’accueil dans le champ de l’errance, cette fois dans le cadre du Plan Froid à Lyon, m’était proposée. J’avais entre temps effectué mon stage de DESS en milieu carcéral au SMPR. Ces situations, à priori opposées – l’espace sans borne de la grande errance et l’espace de confinement de la maison d’arrêt – recouvraient souvent des problématiques psychiques similaires, et me faisaient entrevoir, sous des angles différents, l’appel adressé à autrui par ces sujets en recherche de limites et d’un « holding ». Bien que le fait que je sois psychologue ait présenté un atout considérable aux yeux de mon employeur, c’est en qualité d’infirmière que j’ai occupé ce poste, et ce n’est que dans un deuxième temps que mon statut de psychologue a été reconnu pour la réalisation d’un diaporama et d’une étude- reportage sur les différentes formes de logement des sujets.

Pour moi qui avait grandi à l’abri de la misère à la campagne du «mid-west » puis dans les « small towns » de la middle-class américaine, rien ne m’a semblé plus éloigné de mon expérience que la dureté de l’univers des sans-abri. Etait-ce donc le fruit du simple hasard si l’emploi que j’avais trouvé m’amenait à plusieurs reprises à côtoyer la figure de l’étranger, à l’apprivoiser et la rendre familière au point d’en faire un sujet d’étude ? Cela faisait pourtant bien des années que je vivais en France, complètement immergée dans la culture ambiante. Cependant dans mon histoire personnelle et transgénérationnelle, la rupture dans le sentiment d’appartenance avait quelque chose de déjà vu.

Je suis issue de la vague d’immigration scandinave vers les Etats-Unis et déjà, avant moi, mes grands parents qui ont quitté le Danemark se sont sans doute trouvés confrontés à des vécus similaires dans le Nouveau Monde.

L’immigration ou l’expatriement ne peut se réduire à une simple histoire d’adaptation et d’apprentissage d’une langue. L’immersion totale dans une culture d’adoption n’empêche pas de se sentir à certains moments dans une position d’ « outsider ». Celui (celle) qui est (du) dehors bien qu’il soit dedans. « Etre » d’ailleurs. Vécu d’étrangeté qui rejoint par certaines facettes l’expérience des sujets de mon étude.

Avec l’immigration ou l’expatriation, ne s’agit-il pas d’un déracinement qui fait que l’on subit une autre culture, et même choisie, cette expérience ne constitue-t-elle pas un trauma et une forme de soumission ? Tout comme le fait d’être en dehors de la langue et en rupture d’expression ? Situation où il faut mettre en oeuvre des moyens pour surmonter la différence, la difficulté, l’épreuve, pour ne pas rester en marge.

Dans ces conditions, il n’est pas surprenant que, confrontée à des personnes en décalage par rapport à la norme environnante, mon propre processus d’adaptation ait fait retour.

C’est pourquoi, face à la figure de l’étrangeté mobilisée par le déracinement psychique et le manque de repères sociaux des sujets de ma clinique, la méthode de recherche que j’ai adoptée portait les traces de ma propre expérience d’étrangère :

De façon similaire, les moyens théoriques et thérapeutiques qui ont participé à aménager un sentiment de continuité dans ma propre expérience interculturelle, ce sont les mêmes que j’ai proposés en direction des exclus. Il m’a fallu dans ce nouveau terreau - culturel puis académique - trouver de nouveaux relais pour faire lien entre les expériences, rechercher des contenants là où ils manquaient. Le champ de la transitionnalité a été au rendez-vous et figure en filigrane, aussi bien à travers mon processus personnel que dans le processus de la recherche – ce qui a rendu possible la réalisation de cette thèse.