3.2. Sur la médiation pour relier les traces

Dans une suite de logique de clinicien, s’intercale la nécessité de trouver une médiation permettent de penser, dans l’accompagnement de ces sujets, la reprise de la déposition de leurs traces. En vue de représenter, de symboliser ou d’intégrer des traces de l’expérience dans la psyché, il serait important de proposer un médium susceptible de reprendre ce que l’espace public fournit à ces sujets en terme de perception d’eux même, d’espace de projection, de capacité réflexive. Une activité autour de la photographie « déjà là » dans ma clinique ainsi qu’une importante charge d’images sensorielles et de sensorialité a orienté mon intérêt vers le champ théorique consacré à la photographie par C. Vacheret. L’utilisation de la photographie auprès avec ces personnes permet d’interposer un objet intermédiaire qui fait « tampon ». Particulièrement dans un champ clinique peu « cadré » le recours à un objet qui fait interface à plusieurs niveaux, ayant fonction d’articulation et de séparation, est nécessaire dans la dynamique relationnelle. Ce processus est précisée par C. Vacheret : « Les photos mobilisent les images qui sont constituées des représentations pré-conscientes et inconscientes. C’est en sollicitant les traces perceptives inscrites dans la psyché que l’image joue son rôle d’interface entre trace sensorielle et représentation. L’objet médiateur touche à la sensorialité, offre un espace de projection, assure un minimum de déplacement nécessaire pour favoriser la prise de conscience » (2000, p. 184).

Dans mon interrogation sur les limites entre les différents espaces, la théorisation de Moi-peau de D. Anzieu tient une place essentielle. Il est intéressant de noter que le Moi-peau se situe entre concept et métaphore. L’auteurmentionne que son double feuillet ( …) est une interface qui devient une enveloppe psychique contenante des contenus psychiques (D.Anzieu 1985, p. 32). Si la problématique de la médiation (C Vacheret, 2000, p. 160) relève des processus psychiques de liaison entre réalité intrapsychique du sujet et réalité du dehors, l’objet médiateur accueille les différences et les écarts et prépare le terrain au transitionnel et au travail de symbolisation. Cette interface, conceptualisée à l’aide d’ « enveloppes psychiques » est nécessaire pour intégrer les contenus psychiques nécessaires au travail de symbolisation.

G. Lavallée m’a influencée par ses différentes conceptualisations de « symbolisation imageante » (1993) et de « l’enveloppe visuelle du moi » (1999). La spécificité de la photographie comme outil thérapeutique a retenu mon attention car il développe la dimension visuelle, l’idée d’enveloppe, la fonction de contenance notamment lorsqu’il décrit le travail de la boucle contenante et subjectivante de la vision (in D.Anzieu coll, 1993). Il souligne que le dispositif sensoriel de la vision n’est pas naturellement réflexif. Pour se voir en train de voir, il faut posséder un miroir (ou encore disposer d’un autoportrait) afin de voir son visage, ses yeux. L’enfant qui regard le visage de sa mère « se voit » dedans. Si c’est le cas, la réflexivité psychique est assurée. L’auteur qualifie de «subjectivante» la boucle projectivo - introjective. Mais une fois le miroir premier « intériorisé » comment faire pour s’en séparer et s’en passer ?

Ce repère est intéressant, mais ma recherche reste davantage en surface par rapport à l’élaboration qu’il développe. Sur le plan technique et théorique, ses travaux vont bien au delà de ma démarche qui cernent davantage les conditions dans lesquelles cette boucle peut se construire.